Le poème ‘Bénédiction’ de Charles Baudelaire, extrait des ‘Fleurs du mal’, illustre la lutte douloureuse du poète face à un monde souvent cruel. Écrit en 1857, ce poème explore des thèmes tels que la souffrance, la maternité et la quête de pureté spirituelle. Baudelaire, figure emblématique du symbolisme, utilise des images puissantes pour représenter le défi et la beauté qui émergent de la douleur. Ce poème reste pertinent aujourd’hui, invitant les lecteurs à réfléchir sur le rôle de l’art dans la transcendance de la souffrance.
Lorsque, par un dÃĐcret des puissances suprÊmes,
Le PoÃĻte apparaÃŪt en ce monde ennuyÃĐ,
Sa mÃĻre ÃĐpouvantÃĐe et pleine de blasphÃĻmes
Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en pitiÃĐ :
– » Ah ! que n’ai-je mis bas tout un noeud de vipÃĻres,
PlutÃīt que de nourrir cette dÃĐrision !
Maudite soit la nuit aux plaisirs ÃĐphÃĐmÃĻres
OÃđ mon ventre a conçu mon expiation !
Puisque tu m’as choisie entre toutes les femmes
Pour Être le dÃĐgoÃŧt de mon triste mari,
Et que je ne puis pas rejeter dans les flammes,
Comme un billet d’amour, ce monstre rabougri,
Je ferai rejaillir ta haine qui m’accable
Sur l’instrument maudit de tes mÃĐchancetÃĐs,
Et je tordrai si bien cet arbre misÃĐrable,
Qu’il ne pourra pousser ses boutons empestÃĐs ! »
Elle ravale ainsi l’ÃĐcume de sa haine,
Et, ne comprenant pas les desseins ÃĐternels,
Elle-mÊme prÃĐpare au fond de la GÃĐhenne
Les bÃŧchers consacrÃĐs aux crimes maternels.
Pourtant, sous la tutelle invisible d’un Ange,
L’Enfant dÃĐshÃĐritÃĐ s’enivre de soleil,
Et dans tout ce qu’il boit et dans tout ce qu’il mange
Retrouve l’ambroisie et le nectar vermeil.
Il joue avec le vent, cause avec le nuage,
Et s’enivre en chantant du chemin de la croix ;
Et l’Esprit qui le suit dans son pÃĻlerinage
Pleure de le voir gai comme un oiseau des bois.
Tous ceux qu’il veut aimer l’observent avec crainte,
Ou bien, s’enhardissant de sa tranquillitÃĐ,
Cherchent à qui saura lui tirer une plainte,
Et font sur lui l’essai de leur fÃĐrocitÃĐ.
Dans le pain et le vin destinÃĐs à sa bouche
Ils mÊlent de la cendre avec d’impurs crachats ;
Avec hypocrisie ils jettent ce qu’il touche,
Et s’accusent d’avoir mis leurs pieds dans ses pas.
Sa femme va criant sur les places publiques :
» Puisqu’il me trouve assez belle pour m’adorer,
Je ferai le mÃĐtier des idoles antiques,
Et comme elles je veux me faire redorer ;
Et je me soÃŧlerai de nard, d’encens, de myrrhe,
De gÃĐnuflexions, de viandes et de vins,
Pour savoir si je puis dans un coeur qui m’admire
Usurper en riant les hommages divins !
Et, quand je m’ennuierai de ces farces impies,
Je poserai sur lui ma frÊle et forte main ;
Et mes ongles, pareils aux ongles des harpies,
Sauront jusqu’Ã son coeur se frayer un chemin.
Comme un tout jeune oiseau qui tremble et qui palpite,
J’arracherai ce coeur tout rouge de son sein,
Et, pour rassasier ma bÊte favorite,
Je le lui jetterai par terre avec dÃĐdain ! »
Vers le Ciel, oÃđ son oeil voit un trÃīne splendide,
Le PoÃĻte serein lÃĻve ses bras pieux,
Et les vastes ÃĐclairs de son esprit lucide
Lui dÃĐrobent l’aspect des peuples furieux :
– » Soyez bÃĐni, mon Dieu, qui donnez la souffrance
Comme un divin remÃĻde à nos impuretÃĐs
Et comme la meilleure et la plus pure essence
Qui prÃĐpare les forts aux saintes voluptÃĐs !
Je sais que vous gardez une place au PoÃĻte
Dans les rangs bienheureux des saintes LÃĐgions,
Et que vous l’invitez à l’ÃĐternelle fÊte,
Des TrÃīnes, des Vertus, des Dominations.
Je sais que la douleur est la noblesse unique
OÃđ ne mordront jamais la terre et les enfers,
Et qu’il faut pour tresser ma couronne mystique
Imposer tous les temps et tous les univers.
Mais les bijoux perdus de l’antique Palmyre,
Les mÃĐtaux inconnus, les perles de la mer,
Par votre main montÃĐs, ne pourraient pas suffire
A ce beau diadÃĻme ÃĐblouissant et clair ;
Car il ne sera fait que de pure lumiÃĻre,
PuisÃĐe au foyer saint des rayons primitifs,
Et dont les yeux mortels, dans leur splendeur entiÃĻre,
Ne sont que des miroirs obscurcis et plaintifs ! »
Extrait de:
Les fleurs du mal (1857)
Le PoÃĻte apparaÃŪt en ce monde ennuyÃĐ,
Sa mÃĻre ÃĐpouvantÃĐe et pleine de blasphÃĻmes
Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en pitiÃĐ :
– » Ah ! que n’ai-je mis bas tout un noeud de vipÃĻres,
PlutÃīt que de nourrir cette dÃĐrision !
Maudite soit la nuit aux plaisirs ÃĐphÃĐmÃĻres
OÃđ mon ventre a conçu mon expiation !
Puisque tu m’as choisie entre toutes les femmes
Pour Être le dÃĐgoÃŧt de mon triste mari,
Et que je ne puis pas rejeter dans les flammes,
Comme un billet d’amour, ce monstre rabougri,
Je ferai rejaillir ta haine qui m’accable
Sur l’instrument maudit de tes mÃĐchancetÃĐs,
Et je tordrai si bien cet arbre misÃĐrable,
Qu’il ne pourra pousser ses boutons empestÃĐs ! »
Elle ravale ainsi l’ÃĐcume de sa haine,
Et, ne comprenant pas les desseins ÃĐternels,
Elle-mÊme prÃĐpare au fond de la GÃĐhenne
Les bÃŧchers consacrÃĐs aux crimes maternels.
Pourtant, sous la tutelle invisible d’un Ange,
L’Enfant dÃĐshÃĐritÃĐ s’enivre de soleil,
Et dans tout ce qu’il boit et dans tout ce qu’il mange
Retrouve l’ambroisie et le nectar vermeil.
Il joue avec le vent, cause avec le nuage,
Et s’enivre en chantant du chemin de la croix ;
Et l’Esprit qui le suit dans son pÃĻlerinage
Pleure de le voir gai comme un oiseau des bois.
Tous ceux qu’il veut aimer l’observent avec crainte,
Ou bien, s’enhardissant de sa tranquillitÃĐ,
Cherchent à qui saura lui tirer une plainte,
Et font sur lui l’essai de leur fÃĐrocitÃĐ.
Dans le pain et le vin destinÃĐs à sa bouche
Ils mÊlent de la cendre avec d’impurs crachats ;
Avec hypocrisie ils jettent ce qu’il touche,
Et s’accusent d’avoir mis leurs pieds dans ses pas.
Sa femme va criant sur les places publiques :
» Puisqu’il me trouve assez belle pour m’adorer,
Je ferai le mÃĐtier des idoles antiques,
Et comme elles je veux me faire redorer ;
Et je me soÃŧlerai de nard, d’encens, de myrrhe,
De gÃĐnuflexions, de viandes et de vins,
Pour savoir si je puis dans un coeur qui m’admire
Usurper en riant les hommages divins !
Et, quand je m’ennuierai de ces farces impies,
Je poserai sur lui ma frÊle et forte main ;
Et mes ongles, pareils aux ongles des harpies,
Sauront jusqu’Ã son coeur se frayer un chemin.
Comme un tout jeune oiseau qui tremble et qui palpite,
J’arracherai ce coeur tout rouge de son sein,
Et, pour rassasier ma bÊte favorite,
Je le lui jetterai par terre avec dÃĐdain ! »
Vers le Ciel, oÃđ son oeil voit un trÃīne splendide,
Le PoÃĻte serein lÃĻve ses bras pieux,
Et les vastes ÃĐclairs de son esprit lucide
Lui dÃĐrobent l’aspect des peuples furieux :
– » Soyez bÃĐni, mon Dieu, qui donnez la souffrance
Comme un divin remÃĻde à nos impuretÃĐs
Et comme la meilleure et la plus pure essence
Qui prÃĐpare les forts aux saintes voluptÃĐs !
Je sais que vous gardez une place au PoÃĻte
Dans les rangs bienheureux des saintes LÃĐgions,
Et que vous l’invitez à l’ÃĐternelle fÊte,
Des TrÃīnes, des Vertus, des Dominations.
Je sais que la douleur est la noblesse unique
OÃđ ne mordront jamais la terre et les enfers,
Et qu’il faut pour tresser ma couronne mystique
Imposer tous les temps et tous les univers.
Mais les bijoux perdus de l’antique Palmyre,
Les mÃĐtaux inconnus, les perles de la mer,
Par votre main montÃĐs, ne pourraient pas suffire
A ce beau diadÃĻme ÃĐblouissant et clair ;
Car il ne sera fait que de pure lumiÃĻre,
PuisÃĐe au foyer saint des rayons primitifs,
Et dont les yeux mortels, dans leur splendeur entiÃĻre,
Ne sont que des miroirs obscurcis et plaintifs ! »
Extrait de:
Les fleurs du mal (1857)
En explorant ‘Bénédiction’, les lecteurs sont invités à contempler la dualité entre la souffrance et la création artistique. Ce poème vous pousse à redécouvrir d’autres œuvres de Baudelaire qui évoquent des émotions similaires et à partager vos réflexions sur son impact.