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Exil sous un pont sous la pluie

Exil sous un pont sous la pluie
Plongez dans ‘Exil sous un pont sous la pluie’, un poème poignant qui explore les thèmes de l’amour perdu, de l’exil et de la mémoire. À travers des images évocatrices de pluie, de brume et de pierres anciennes, ce texte vous transporte dans un monde où les émotions sont aussi intenses que les éléments naturels. Découvrez l’histoire d’Astrée et de son amant, deux âmes condamnées à errer éternellement sous un pont maudit, séparées par le temps et les circonstances.
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L’Éternel Adieu du Pont aux Larmes

Sur le pont voûté où les siècles gémissent,
Les pavés luisent d’un pleur éternel,
Tandis que la brume étreint les parapets
Comme un linceul posé sur l’âme du monde.
Là, dans ce corridor de pluie et de mémoire,
Une ombre se meut, spectre aux yeux de braise,
Traînant son manteau tissé de nuits sans étoiles,
Chaque pas creusant le deuil des origines.

Elle s’appelait Astrée, ou peut-être Chimère,
Nul ne se souvient du nom que les cieux
Lui donnèrent avant l’exil des causes perdues.
Son souffle était lié à celui des marées,
Son rire épousait le chant des fontaines,
Mais le destin mordit l’étoffe de ses serments
Et la voilà, fantôme aux lèvres scellées,
Cherchant dans la brume un visage envolé.

Les gouttes crépitent en clés de complainte,
La rivière en bas roule des mots anciens :
« Je reviendrai quand les sureaux refleuriront,
Quand la lune aura bu le fiel de nos adieux. »
Promesse faite au crépuscule d’un autre âge,
Sous un ciel de safran où dansaient les libellules,
À celui dont les mains portaient des cartes d’astres
Et dont le cœur battait au rythme des moissons.

Ils avaient scellé leur pacte dans l’écorce
D’un chêne centenaire au bord du gué trouble,
Mêlant leurs sangs à la sève des racines :
« Même si les royaumes croulent sous les haines,
Même si le temps nous vole nos printemps,
Nous franchirons ensemble le dernier rivage
Ou nous deviendrons pierres sur ce pont maudit
À pleurer nos voix jusqu’à la fin des lunes. »

Mais l’Histoire saigna ses plaies vénéneuses,
Des tambours de fer déchirèrent les villages,
On parla de frontières, de glaives et d’exodes,
Et l’homme aux mains stellaires prit un sentier
Où ne poussaient ni sureau ni fleur d’espérance.
Il partit un matin où les corbeaux prophétiques
Tournoyaient au-dessus des granges désertées,
Sans un mot, sans un geste, sans un dernier souffle.

Depuis, Astrée erre sur l’arche mélancolique,
Égrenant les heures comme des perles noires,
Interrogeant le vent qui mord ses cheveux pâles :
« Dis-moi, bourreau des nuées, messager cruel,
As-tu vu ses yeux brûler dans quelque aurore ?
Entends-tu gémir son pas sous d’autres pluies ? »
Mais les rafales ne rapportent que silences
Et le crépuscule mange ses questions vaines.

Un soir où l’averse avait des dents de louve,
L’âme vit surgir des eaux un reflet familier :
Cheveux d’orage, épaules couvertes de lichens,
C’était lui… et ce n’était plus lui.
Ses prunelles, jadis pleines de constellations,
N’étaient que cendres et vitres brisées.
« Je t’ai cherchée », murmura-t-il d’une voix ravinée,
« Mais les chemins du retour sont des serpents morts. »

Ils tentèrent de joindre leurs paumes spectrales,
Mais la pluie traversait leurs corps translucides,
Tissant entre eux un voile de larmes vivantes.
« Le chêne est tombé sous la hache des hommes,
Nos sangs ont séché dans la terre stérile.
L’exil nous a changés en ombres contraires :
Toi, gardienne des larmes que je ne versai pas,
Moi, prisonnier d’un rêve qui n’eut pas de nom. »

Alors ils comprirent l’atroce ironie du sort :
Le pont qu’ils avaient choisi pour ultime refuge
Était devenu leur geôle sans barreaux,
Chacun captif d’un bord opposé du temps,
Elle hantant les matins où pleurent les colombes,
Lui rôdant dans les soirs où hurlent les loups.
Leurs voix ne pouvaient plus que frôler les abîmes,
Échos séparés par un mur de brume épaisse.

Pourtant, quand les orages grondent à l’orient,
Quand la rivière gonfle ses muscles d’encre,
On dit qu’on entend monter des profondeurs
Un duo de sanglots mêlés aux rafales,
Elle criant : « Pourquoi m’as-tu laissée devenir
Ce fantôme qui boit la pluie des souvenirs ? »
Lui hurlant : « J’ai perdu jusqu’au goût de ton nom
Dans le venin des chemins qui n’en finissent pas. »

Les siècles ont rouillé les chaînes du matin,
Le pont s’est couvert de mousse et d’oubli,
Mais chaque goutte d’eau qui tombe du ciel
Est une larme venue de leur double enfer.
Astrée s’effiloche en vapeur légère,
Son amant n’est plus qu’un souffle dans les roseaux,
Pourtant leur drame pulse encore dans les nuages
Qui viennent crever sur les pierres du destin.

Nul ne traverse plus ce lieu hanté de présences
Où l’air vibre d’un chagrin plus vieux que les monts.
Les amants y sentent naître une étrange angoisse,
Comme si l’écho des serments trahis
Leur murmurait : « Fuyez ce pont où l’on s’attache
À des promesses que le monde étouffera.
Toute alliance n’est que poussière et leurre,
L’exil guette au détour de chaque baiser. »

Quand la nuit écrase son front sur les eaux,
Quand les chouettes appellent les ombres errantes,
On peut voir deux formes flotter au-dessus du fleuve,
Tendant en vain des bras que plus rien ne relie,
Leurs lèvres murmurant un pacte éventré
Que chargent les flots vers des mers sans mémoire.
Ainsi meurent chaque heure, dans l’indifférence froide,
Les amours que le destin condamne à s’oublier.

Et le pont demeure, cicatrice de pierre,
Témoin muet de l’impossible retour,
Où chaque averse est un chapitre de douleur,
Où chaque crépuscule enterre un fragment d’âme.
Les voyageurs prudents évitent son arche pâle,
Craignant d’y laisser choir par mégarde
Un peu de leur cœur trop lourd d’espérances,
Devenant à leur tour gardiens de ruines intimes.

C’est là que s’achève, sans gloire ni clameur,
L’histoire de ceux qui crurent l’éternité
Plus forte que la cendre des royaumes morts,
Plus solide que les ponts fragiles des humains.
Il ne reste qu’un sanglot pris dans les roseaux,
Une ombre qui se penche sur les eaux fêlées,
Et cette pluie, toujours, cette pluie obstinée
Qui lave en vain les blessures du temps.

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Ce poème nous rappelle que l’amour, bien que puissant, est souvent fragile face aux aléas du destin. Il nous invite à réfléchir sur les promesses que nous faisons et sur les liens que nous tissons, qui peuvent parfois devenir des chaînes invisibles. À travers la pluie incessante et les pierres usées du pont, nous voyons une métaphore de la résilience et de la douleur qui accompagne les relations humaines. Que reste-t-il de nos serments lorsque le temps et les épreuves les mettent à l’épreuve ? Peut-être seulement des larmes, des souvenirs et une pluie qui ne cesse de tomber.
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Auteur: Jean J. pour unpoeme.fr
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