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Guerre sous une mer en furie

Guerre sous une mer en furie
Plongez dans ‘Guerre sous une mer en furie’, un poème poignant qui explore les cicatrices invisibles de la guerre et les liens indéfectibles de l’amour. À travers des images puissantes et des émotions brutes, ce texte vous transporte sur un rivage où les vagues rugissantes et les souvenirs douloureux se heurtent, révélant la fragilité de l’âme humaine face à l’immensité de la mer et de la guerre.
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Les Larmes de l’Adieu

Le vent mordait les caps, déchirant les nuées,
L’écume, en sa colère, léchait les rocs ulcérés,
Et lui, spectre en uniforme aux boucles dépeignées,
Marchait vers les récifs où dansait la fumée.

Son âme était un champ ravagé par les obus,
Où chaque pas creusait un sillon de vertige,
Il traînait dans son sang des lambeaux de refus,
Et la guerre en ses yeux brûlait comme un cantique.

«Ô vagues, murmura-t-il, prenez ce qui me reste :
Un cœur trop lourd de noms, des mains vides de serments.
J’ai vu choir tant d’aurores dans la boue funeste,
Portez-moi vers le deuil qui ronge mes ossements.»

La mer en furie ouvrit ses gorges de cristal,
Crachant l’ambre des morts et le sel des naufrages,
Quand soudain, dans le vent, un cri presque animal
Figea l’heure en débris sur le miroir des plages.

C’était une maison, croulant sous les armoises,
Dont les volets battaient tels des ailes d’effroi.
Une ombre à la fenêtre, échevelée et froide,
Tissait avec la pluie un suaire de soie.

«Frère, est-ce toi qui viens, ou le rêve qui ment ?»
La voix avait le goût des larmes trop longtemps bues.
Il reconnut ses yeux, ces deux soleils fumants,
Miroirs où s’était noyé l’enfance absolue.

«Clémence, j’ai marché sur des cendres de villes,
J’ai porté l’univers dans mon sac de soldat.
Mais ton nom dans ma gorge était une bastille,
Et je reviens enchaîné à l’ombre du trépas.»

Elle tendit vers lui des doigts pâles de cire,
«Vois comme le chagrin a miné nos foyers :
Depuis que tu partis, j’attends chaque navire,
Mais les flots ne rendent que des cercueils muets.»

Dans l’âtre où dansait une flamme épuisée,
Il conta les forêts d’acier et de clameurs,
Les tranchées ventres mous ouverts sur les idées,
Les amis devenus poussière et primevères.

«J’ai cru, dit-il, sauver ton sourire en partant,
Mais la gloire n’est qu’un linceul brodé de fables.
J’ai perdu jusqu’à Dieu dans le sang des combats,
Et me voici moins homme que ces rocs implacables.»

Elle ouvrit un tiroir rougi par les années,
En sortit une liasse aux bords mangés de nuit :
«Chaque mot que tu n’écrivis fut une épée,
Chaque silence, un puits où mon espoir a fui.»

L’aveu tomba plus lourd qu’un boulet de canon.
Il lut les lettres jamais parties vers les tranchées,
Où chaque «je t’attends» était un abandon,
Et chaque «reviens» un appel éventré.

«J’ai voulu te protéger de nos désastres,
Crois-tu donc que l’amour se mesure aux dangers ?
J’ai vécu mille morts à guetter les astres,
Tandis que tu fuyais jusqu’à nos vieux vergers.»

Leurs voix se confondaient avec le chœur des lames,
L’orage en eux grondait plus fort que l’océan.
Il prit dans ses mains froides ses tempes de flammes :
«Le monde est un champ vide où germe le néant.»

Elle le mena alors au bord des falaises,
Là où les goélands pleurent en notes fausses.
«Vois-tu ces vagues-là, pareilles à des braises ?
Elles ont emporté ce qui restait de nous.»

Sous un pin tordu par les colères célestes,
Une croix de bois nu oscillait dans le vent.
«C’est ici que j’ai mis nos rêves d’éphémères,
Et chaque marée haute emporte un peu de temps.»

Il tomba à genoux, léchant la terre amère,
Cherchant dans le gravier les traces de ses pas.
«Parle-moi des matins où tu hantais la pierre,
Des soirs où tu croyais entendre mon éclat.»

«J’y venais avec l’aube et ses doigts de rosée,
Je parlais à la mer comme à ton cœur absent.
Mais les flots répondaient par des chants d’épousée,
Et je rentrais plus nue qu’un rivage à marée.»

Alors il comprit que le pire des combats
N’était pas dans la boue où l’on meurt anonyme,
Mais dans ce lent duel entre l’attente d’en bas
Et l’impossible amour qui ronge ce qui anime.

Il se dressa soudain, statue de douleur,
«Clémence, prends ma main, fuyons vers d’autres mondes.
La terre n’est qu’un leurre, et la mer un leurreur,
Mais nos âmes pourront s’unir dans les profondeurs.»

Elle sourit, pareille aux premières déroutes,
«Frère, ne vois-tu pas que je ne suis plus chair ?
Tu parles à un fantôme né de tes doutes,
À l’ombre d’un soupir qui hante ton enfer.»

Le vent cessa son chant. La lune, froide arbitre,
Déchira les nuages en un geste fatal.
Il vit alors trembler les contours de son être,
S’effilocher en brume au seuil de l’immoral.

«Non ! hurla-t-il au ciel peuplé d’indifférents,
Ne me reprends pas cet ultime mirage !
Laisse-moi expier dans ses regards mourants,
Je donnerai mes jours pour un seul de ses pas.»

Mais déjà s’évaporait l’image chérie,
Comme un feu mal éteint que la brume étouffait.
Il resta seul, debout, au bord de la folie,
Avec pour seul trésor l’écho d’un «Je t’aimais».

La mer, ivre de joie, bondit sur le rivage,
L’enlaçant de ses bras chargés d’algues et d’or.
«Viens, soldat sans drapeau, je serai ton image,
Ton linceul, ton pays, ton éternel décor.»

Il marcha vers les flots, docile et sans armure,
Sentit l’abîme doux lécher ses pieds meurtris.
Dans un dernier soupir, il murmura : «Soeur pure…»,
Et la vague l’offrit au silence des cris.

Au matin, on trouva, roulé dans les goémons,
Un sabre rouillé près d’une mèche de fille.
La mer continue, elle, à psalmodier des monts :
«Toute guerre est un adieu qui se joue en famille.»

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Ce poème nous rappelle que les batailles les plus dévastatrices ne se livrent pas toujours sur les champs de guerre, mais dans les recoins silencieux de nos cœurs. Il nous invite à réfléchir sur la manière dont l’amour, la perte et la mémoire façonnent notre existence, et comment, malgré les tempêtes, nous cherchons toujours un refuge dans les bras de ceux que nous avons aimés. La mer, témoin éternel, continue de murmurer ses adieux, nous rappelant que chaque guerre est aussi une histoire d’amour inachevé.
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Auteur: Jean J. pour unpoeme.fr
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