Écrite par Donatien Alphonse François de Sade, ‘La Vérité’ est une puissante déclaration poétique sur la révolte contre les dogmes religieux. Au cœur de cette œuvre, Sade dépeint une critique acerbe de la religion, la qualifiant d’imposture et exaltant les plaisirs de la nature. Cette poésie s’inscrit dans un contexte historique où la pensée philosophique du siècle des Lumières remet en question les croyances établies, faisant de Sade une figure emblématique du mouvement.
Quelle est cette chimère impuissante et stérile,
Cette divinité que prêche à l’imbécile
Un ramas odieux de prêtres imposteurs ?
Veulent-ils me placer parmi leurs sectateurs ?
Ah ! jamais, je le jure, et je tiendrai parole,
Jamais cette bizarre et dégoûtante idole,
Cet enfant de délire et de dérision
Ne fera sur mon cœur la moindre impression.
Content et glorieux de mon épicurisme,
Je prétends expirer au sein de l’athéisme
Et que l’infâme
Dieu dont on veut m’alarmer
Ne soit conçu par moi que pour le blasphémer
Oui, vaine illusion, mon âme te déteste.
Et pour t’en mieux convaincre ici je le proteste.
Je voudrais qu’un moment tu pusses exister
Pour jouir du plaisir de te mieux insulter.
Quel est-il en effet ce fantôme exécrable.
Ce jean-foutre de
Dieu, cet être épouvantable
Que rien n’offre aux regards ni ne montre à l’esprit,
Que l’insensé redoute et dont le sage rit.
Que rien ne peint aux sens, que nul ne peut comprendre,
Dont le culte sauvage en tous temps fit répandre
Plus de sang que la guerre ou
Thémis en courroux’
Ne purent en mille ans en verser parmi nous »?
J’ai beau l’analyser, ce gredin déifique,
J’ai beau l’étudier, mon œil philosophique
Ne voit dans ce motif de vos religions
Qu’un assemblage impur de contradictions
Qui cède à l’examen sitôt qu’on l’envisage.
Qu’on insulte à plaisir, qu’on brave, qu’on outrage,
Produit par la frayeur, enfanté par l’espoir »,
Que jamais notre esprit ne saurait concevoir.
Devenant tour à tour, aux mains de qui l’érigé.
Un objet de terreur, de joie ou de vertige
Que l’adroit imposteur qui l’annonce aux humains
Fait régner comme il veut sur nos tristes destins,
Qu’il peint tantôt méchant et tantôt débonnaire.
Tantôt nous massacrant, ou nous servant de père,
En lui prêtant toujours, d’après ses passions,
Ses mœurs, son caractère et ses opinions :
Ou la main qui pardonne ou celle qui nous perce.
Le voilà, ce sot
Dieu dont le prêtre nous berce.
Mais de quel droit celui que le mensonge astreint
Prétend-il me soumettre à l’erreur qui l’atteint ?
Ai-je besoin du
Dieu que ma sagesse abjure
Pour me rendre raison des lois de la nature ?
En elle tout se meut, et son sein créateur
Agit à tout instant sans l’aide d’un moteur ». À ce double embarras gagné-je quelque chose ?
Ce
Dieu, de l’univers démontre-t-il la cause?
S’il crée, il est créé, et me voilà toujours
Incertain, comme avant, d’adopter son recours.
Fuis, fuis loin de mon cœur, infernale imposture;
Cède, en disparaissant, aux lois de la nature :
Elle seule a tout fait, tu n’es que le néant
Dont sa main nous sortit un jour en nous créant.
Evanouis-toi donc, exécrable chimère !
Fuis loin de ces climats, abandonne la terre
Où tu ne verras plus que des cœurs endurcis
Au jargon mensonger de tes piteux amis !
Quant à moi, j’en conviens, l’horreur que je te porte
Est à la fois si juste, et si grande, et si forte,
Qu’avec plaisir,
Dieu vil, avec tranquillité.
Que dis-je ? avec transport, même avec volupté.
Je serais ton bourreau, si ta frêle existence
Pouvait offrir un point à ma sombre vengeance.
Et mon bras avec charme irait jusqu’à ton cœur
De mon aversion te prouver la rigueur^.
Mais ce serait en vain que l’on voudrait t’atteindre,
Et ton essence échappe à qui veut la contraindre.
Ne pouvant t’écraser, du moins, chez les mortels.
Je voudrais renverser tes dangereux autels
Et démontrer à ceux qu’un
Dieu captive encore
Que ce lâche avorton que leur faiblesse adore
N’est pas fait pour poser un terme aux passions.
Ô mouvement sacrés, fières impressions.
Soyez à tout jamais l’objet de nos hommages.
Les seuls qu’on puisse offrir au culte des vrais sages,
Les seuls en tous les temps qui délectent leur cœur,
Les seuls que la nature offre à notre bonheur !
Cédons à leur empire, et que leur violence,
Subjuguant nos esprits sans nulle résistance,
Nous fasse impunément des lois de nos plaisirs :
Ce que leur voix prescrit suffit à nos désirs’.
Quel que soit le désordre où leur organe entraîne,
Nous devons leur céder sans remords et sans peine.
Et, sans scruter nos lois ni consulter nos mœurs,
Nous livrer ardemment à toutes les erreurs
Que toujours par leurs mains nous dicta la nature.
Ne respectons jamais que son divin murmure ;
Ce que nos vaines lois frappent en tous pays
Est ce qui pour ses plans eut toujours plus de prix.
Ce qui parait à l’homme une affreuse injustice
N’est sur nous que l’effet de sa main corruptrice,
Et quand, d’après nos mœurs, nous craignons de faillir,
Nous ne réussissons qu’à la mieux accueillir ».
Ces douces actions que vous nommez des crimes,
Ces excès que les sots croienr illégitimes.
Ne sont que les écarts qui plaisent à ses yeux,
Les vices, les penchants qui la délectent mieux;
Ce qu’elle grave en nous n’est jamais que sublime ;
En conseillant l’horreur, elle offre la victime :
Frappons-la sans frémir, et ne craignons jamais
D’avoir, en lui cédant, commis quelques forfaits.
Examinons la foudre en ses mains sanguinaires :
Elle éclate au hasard, et les fils, et les pères.
Les temples, les bordels, les dévots, les bandits,
Tout plaît à la nature : il lui faut des délits.
Nous la servons de même en commettant le crime :
Plus notre main l’étend et plus elle l’estime ».
Usons des droits puissants qu’elle exerce sur nous
En nous livrant sans cesse aux plus monstrueux goûts* :
Aucun n’est défendu par ses lois homicides,
Et l’inceste, et le viol, le vol, les parricides,
Les plaisirs de
Sodome et les jeux de
Sapho,
Tout ce qui nuit à l’homme ou le plonge au tombeau,
N’est, soyons-en certains, qu’un moyen de lui plaire.
En renversant les dieux, dérobons leur tonnerre
Et détruisons avec ce foudre étincelant
Tout ce qui nous déplaît dans un monde effrayant.
N’épargnons rien surtout : que ses scélératesses
Servent d’exemple en tout à nos noires prouesses.
Il n’est rien de sacré : tout dans cet univers
Doit plier sous le joug de nos fougueux travers « .
Plus nous multiplierons, varierons l’infamie,
Mieux nous la sentirons dans notre âme affermie,
Doublant, encourageant nos cyniques essais,
Pas à pas chaque jour nous conduire aux forfaits.
Apres les plus beaux ans si sa voix nous rappelle,
En nous moquant des dieux retournons auprès d’elle :
Pour nous récompenser son creuset nous attend;
Ce que prit son pouvoir, son besoin nous le rend.
Là tout se reproduit, là tout se régénère ;
Des grands et des petits la putain est la mère,
Et nous sommes toujours aussi chers à ses yeux,
Monstres et scélérats que bons et vertueux.
Cette divinité que prêche à l’imbécile
Un ramas odieux de prêtres imposteurs ?
Veulent-ils me placer parmi leurs sectateurs ?
Ah ! jamais, je le jure, et je tiendrai parole,
Jamais cette bizarre et dégoûtante idole,
Cet enfant de délire et de dérision
Ne fera sur mon cœur la moindre impression.
Content et glorieux de mon épicurisme,
Je prétends expirer au sein de l’athéisme
Et que l’infâme
Dieu dont on veut m’alarmer
Ne soit conçu par moi que pour le blasphémer
Oui, vaine illusion, mon âme te déteste.
Et pour t’en mieux convaincre ici je le proteste.
Je voudrais qu’un moment tu pusses exister
Pour jouir du plaisir de te mieux insulter.
Quel est-il en effet ce fantôme exécrable.
Ce jean-foutre de
Dieu, cet être épouvantable
Que rien n’offre aux regards ni ne montre à l’esprit,
Que l’insensé redoute et dont le sage rit.
Que rien ne peint aux sens, que nul ne peut comprendre,
Dont le culte sauvage en tous temps fit répandre
Plus de sang que la guerre ou
Thémis en courroux’
Ne purent en mille ans en verser parmi nous »?
J’ai beau l’analyser, ce gredin déifique,
J’ai beau l’étudier, mon œil philosophique
Ne voit dans ce motif de vos religions
Qu’un assemblage impur de contradictions
Qui cède à l’examen sitôt qu’on l’envisage.
Qu’on insulte à plaisir, qu’on brave, qu’on outrage,
Produit par la frayeur, enfanté par l’espoir »,
Que jamais notre esprit ne saurait concevoir.
Devenant tour à tour, aux mains de qui l’érigé.
Un objet de terreur, de joie ou de vertige
Que l’adroit imposteur qui l’annonce aux humains
Fait régner comme il veut sur nos tristes destins,
Qu’il peint tantôt méchant et tantôt débonnaire.
Tantôt nous massacrant, ou nous servant de père,
En lui prêtant toujours, d’après ses passions,
Ses mœurs, son caractère et ses opinions :
Ou la main qui pardonne ou celle qui nous perce.
Le voilà, ce sot
Dieu dont le prêtre nous berce.
Mais de quel droit celui que le mensonge astreint
Prétend-il me soumettre à l’erreur qui l’atteint ?
Ai-je besoin du
Dieu que ma sagesse abjure
Pour me rendre raison des lois de la nature ?
En elle tout se meut, et son sein créateur
Agit à tout instant sans l’aide d’un moteur ». À ce double embarras gagné-je quelque chose ?
Ce
Dieu, de l’univers démontre-t-il la cause?
S’il crée, il est créé, et me voilà toujours
Incertain, comme avant, d’adopter son recours.
Fuis, fuis loin de mon cœur, infernale imposture;
Cède, en disparaissant, aux lois de la nature :
Elle seule a tout fait, tu n’es que le néant
Dont sa main nous sortit un jour en nous créant.
Evanouis-toi donc, exécrable chimère !
Fuis loin de ces climats, abandonne la terre
Où tu ne verras plus que des cœurs endurcis
Au jargon mensonger de tes piteux amis !
Quant à moi, j’en conviens, l’horreur que je te porte
Est à la fois si juste, et si grande, et si forte,
Qu’avec plaisir,
Dieu vil, avec tranquillité.
Que dis-je ? avec transport, même avec volupté.
Je serais ton bourreau, si ta frêle existence
Pouvait offrir un point à ma sombre vengeance.
Et mon bras avec charme irait jusqu’à ton cœur
De mon aversion te prouver la rigueur^.
Mais ce serait en vain que l’on voudrait t’atteindre,
Et ton essence échappe à qui veut la contraindre.
Ne pouvant t’écraser, du moins, chez les mortels.
Je voudrais renverser tes dangereux autels
Et démontrer à ceux qu’un
Dieu captive encore
Que ce lâche avorton que leur faiblesse adore
N’est pas fait pour poser un terme aux passions.
Ô mouvement sacrés, fières impressions.
Soyez à tout jamais l’objet de nos hommages.
Les seuls qu’on puisse offrir au culte des vrais sages,
Les seuls en tous les temps qui délectent leur cœur,
Les seuls que la nature offre à notre bonheur !
Cédons à leur empire, et que leur violence,
Subjuguant nos esprits sans nulle résistance,
Nous fasse impunément des lois de nos plaisirs :
Ce que leur voix prescrit suffit à nos désirs’.
Quel que soit le désordre où leur organe entraîne,
Nous devons leur céder sans remords et sans peine.
Et, sans scruter nos lois ni consulter nos mœurs,
Nous livrer ardemment à toutes les erreurs
Que toujours par leurs mains nous dicta la nature.
Ne respectons jamais que son divin murmure ;
Ce que nos vaines lois frappent en tous pays
Est ce qui pour ses plans eut toujours plus de prix.
Ce qui parait à l’homme une affreuse injustice
N’est sur nous que l’effet de sa main corruptrice,
Et quand, d’après nos mœurs, nous craignons de faillir,
Nous ne réussissons qu’à la mieux accueillir ».
Ces douces actions que vous nommez des crimes,
Ces excès que les sots croienr illégitimes.
Ne sont que les écarts qui plaisent à ses yeux,
Les vices, les penchants qui la délectent mieux;
Ce qu’elle grave en nous n’est jamais que sublime ;
En conseillant l’horreur, elle offre la victime :
Frappons-la sans frémir, et ne craignons jamais
D’avoir, en lui cédant, commis quelques forfaits.
Examinons la foudre en ses mains sanguinaires :
Elle éclate au hasard, et les fils, et les pères.
Les temples, les bordels, les dévots, les bandits,
Tout plaît à la nature : il lui faut des délits.
Nous la servons de même en commettant le crime :
Plus notre main l’étend et plus elle l’estime ».
Usons des droits puissants qu’elle exerce sur nous
En nous livrant sans cesse aux plus monstrueux goûts* :
Aucun n’est défendu par ses lois homicides,
Et l’inceste, et le viol, le vol, les parricides,
Les plaisirs de
Sodome et les jeux de
Sapho,
Tout ce qui nuit à l’homme ou le plonge au tombeau,
N’est, soyons-en certains, qu’un moyen de lui plaire.
En renversant les dieux, dérobons leur tonnerre
Et détruisons avec ce foudre étincelant
Tout ce qui nous déplaît dans un monde effrayant.
N’épargnons rien surtout : que ses scélératesses
Servent d’exemple en tout à nos noires prouesses.
Il n’est rien de sacré : tout dans cet univers
Doit plier sous le joug de nos fougueux travers « .
Plus nous multiplierons, varierons l’infamie,
Mieux nous la sentirons dans notre âme affermie,
Doublant, encourageant nos cyniques essais,
Pas à pas chaque jour nous conduire aux forfaits.
Apres les plus beaux ans si sa voix nous rappelle,
En nous moquant des dieux retournons auprès d’elle :
Pour nous récompenser son creuset nous attend;
Ce que prit son pouvoir, son besoin nous le rend.
Là tout se reproduit, là tout se régénère ;
Des grands et des petits la putain est la mère,
Et nous sommes toujours aussi chers à ses yeux,
Monstres et scélérats que bons et vertueux.
En réfléchissant aux vers provocateurs de ‘La Vérité’, nous sommes invités à questionner nos propres croyances. Explorez davantage les œuvres de Sade et continuez à remettre en cause les normes établies en partageant vos pensées.