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Maintenant

Le poème ‘Maintenant’ d’Arthur Cravan est une œuvre audacieuse qui s’inscrit dans le contexte du début du 20ᵉ siècle, une époque marquée par des changements rapides et une exploration de l’identité. À travers une ronde d’images saisissantes et un ton à la fois mélancolique et ironique, Cravan interroge notre rapport à nous-mêmes et au monde qui nous entoure. Ce poème reste significatif pour sa capacité à capturer l’essence de la condition humaine moderne, oscillant entre désir et désespoir.
Quelle âme se disputera mon corps?
J’entends la musique:
Serai-je entraîné ?
J’aime tellement la danse
Et les folies physiques
Que je sens avec évidence
Que, si j’avais été jeune fille.
J’eusse mal tourné.
Mais, depuis que me voilà plongé
Dans la lecture de cet illustré
Je jurerai n’avoir vu de ma vie
D’aussi féeriques photographies :
L’océan paresseux berçant les cheminées,
Je vois dans le port, sur le pont des vapeurs,
Parmi des marchandises indéterminées,
Les matelots se mêler aux chauffeurs ;
Des corps polis comme des machines,
Mille objets de la
Chine,
Les modes, et les inventions;
Puis, prêts à traverser la ville,
Dans la douceur des automobiles.
Les poètes et les boxeurs,
Ce soir, quelle est ma méprise,
Qu’avec tant de tristesse,
Tout me semble beau ?
L’argent qui est réel,
La paix, les vastes entreprises,
Les autobus et les tombeaux ;
Les champs, le sport, les maîtresses,
Jusqu’à la vie inimitable des hôtels
Je voudrais être à
Vienne et à
Calcutta,
Prendre tous les trains et tous les navires,
Forniquer toutes les femmes et bâfrer tous les plats.
Mondain, chimiste, putain, ivrogne, musicien, ouvrier, peintre,
[acrobate, acteur,
Vieillard, enfant, escroc, voyou, ange, et noceur,
Millionnaire, bourgeois, cactus, girafe ou corbeau;
Lâche, héros, nègre, singe, don
Juan, souteneur, lord, paysan,
[chasseur, industriel,
Faune et flore.
Je suis toutes les choses, tous les hommes, et tous les animaux !
Que faire?
Essayons du grand air,
Peut-être y pourrai-je quitter
Ma funeste pluralité !
Et tandis que la lune,
Par-delà les marronniers,
Attelle ses lévriers.
Et, qu’ainsi qu’en un kaléidoscope,
Mes abstractions Élaborent les variations
Des accords
De mon corps,
Que mes doigts collés
Au délice de mes clés
Absorbent de fraîches syncopes,
Sous des motions immortelles
Vibrent mes bretelles;
Et, piéton idéal
Du
Palais-Royal,
Je m’enivre avec candeur
Même des mauvaises odeurs.
Plein d’un mélange
D’éléphant et d’ange
Mon lecteur, je balade sous la lune
Ta future infortune.
Armée de tant d’algèbre,
Que, sans désirs sensuels,
J’entrevois, fumoir du baiser.
Con, pipe, eau,
Afrique et repos funèbre,
Derrière les stores apaisés,
Le calme des bordels.
Du baume, ô ma raison!
Tout
Paris est atroce et je hais ma maison.
Déjà les cafés sont noirs.
ne reste, ô mes hystéries!
Que les claires écuries
Des urinoirs.
Je ne puis plus rester dehors.
Voici ton lit; sois bête et dors.
Mais, dernier des locataires,
Qui se gratte tristement les pieds.
Et, bien que tombant à moitié,
Si j’entendais sur la terre
Retentir les locomotives,
Que mes âmes pourtant redeviendraient attentives !
Ce poème pousse à une réflexion sur notre propre identité et nos choix de vie. N’hésitez pas à explorer davantage d’œuvres d’Arthur Cravan ou à partager vos impressions sur ce texte poignant.
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