Le Dernier Chant de l’Horloge Éternelle
Dans la nef où le temps s’accoude à des piliers,
Un jeune homme pâlit sous les arceaux altiers.
Ses doigts, froids comme l’ambre où se fige l’automne,
Cherchent en vain les mots que la douleur couronne.
La cathédrale bruit de murmures fanés,
Échos d’un passé mort aux plis abandonnés.
Il vient, chaque minuit, hanter les corridors
Où les vitraux blessés saignent des auroras.
Son manteau, lourd de cendre et de rimes perdues,
Traîne un sillage amer sur les dalles tordues.
Les gargouilles, témoins de ses sanglots muets,
Gardent l’écho des vers qu’il n’acheva jamais.
Un jour, il crut saisir, entre deux ombres vaines,
Le parfum d’un été enfui dans les verrières.
Une voix, faible accord d’un luth enseveli,
Murmura son prénom dans le creux de la nuit.
« Ô temps, rends-moi l’instant où brillaient les étoiles,
Où mes chants déroulaient leur soie sur les toiles ! »
Mais le silence, armé de son glaive d’onyx,
Éventra le soupir qui montait des prodiges.
Seul resta le grimoire ouvert sur un adieu,
Où chaque lettre saigne un espoir dévêtu.
L’horloge, au clocher noir, rongeait les destinées,
Ses aiguilles mordant la chair des années mortes.
***
Il revit, en un rêve où tremblaient les cierges,
Le jardin de jadis peuplé de lys vierges.
Une ombre y dansait nue sous les saules tremblants,
Couronnée de lilas et de printemps roulants.
« Qui donc es-tu, fantôme au sourire d’abîme ?
Spectre ou souvenir pris au piège des rimes ? »
La vision tendit vers lui des mains de brume :
« Je suis ce que tu perds, ce que la nuit allume,
L’étreinte évaporée au seuil de ton désir,
Le premier vers volé par le vent du plaisir.
Cherche-moi dans les plis du temps qui se déchire,
Mais nul ne peut boire deux fois l’eau du délire… »
Le poète, égaré dans ce dédale obscur,
Sentit fondre ses pas dans les marbres impurs.
Les murs, telles des pages froissées par l’histoire,
Se refermaient sur lui comme un livre de gloire.
« Par pitié, laisse-moi racheter mon matin !
Je donnerai mes vers pour un seul rendez-vous ! »
La cathédrale alors, telles des lèvres austères,
Lui répondit d’un chant de pierre et de mystère :
« L’homme n’est qu’un fuseau dans le métier des cieux,
Tu peux pleurer, prier, maudire l’univers —
Personne ne détient les clefs de l’envers. »
***
Les ans passaient, rongeurs silencieux des âmes,
Le poète errait, spectre aux prunelles de flamme.
Ses cheveux, fils d’argent tissés par les hivers,
Couvraient d’un linceul blanc ses espoirs entr’ouverts.
Un soir, il vit son nom, gravé sur une pierre,
Lisant les dates nues de son étrange guerre :
« Ci-gît l’enfant ravi par le chant des étoiles,
Mort d’avoir trop aimé les reflets sans étoffe.
Passant, n’y laisse pas de larmes ou de roses —
Le temps mange les pleurs comme il mord toute chose. »
Alors, il comprit que sa quête insensée
N’était qu’un vain reflet dans l’eau du temps passée.
Les cloches, à minuit, sonnèrent le glas noir,
Et la nef tout entière exhala son savoir :
« Nul ne peut revenir au jardin de son rêve —
La vie est un adieu qui lentement s’élève. »
Il tomba, poids léger qu’efface une poussière,
Ses vers mêlés aux cendres, son souffle à la lumière.
La cathédrale veille, éternelle gardienne,
Où chaque pierre pleure une mélodie ancienne.
Et si l’on tend l’oreille aux plaintes de la voûte,
On entend gémir deux syllabes : « Déroute… »
L’horloge continue, impassible, à tourner,
Dévore les amants, les rois, les nouveau-nés.
Dans l’ombre, un parchemin se déchire de lui-même —
Il ne reste que Dieu pour connaître le poème.
Un jeune homme pâlit sous les arceaux altiers.
Ses doigts, froids comme l’ambre où se fige l’automne,
Cherchent en vain les mots que la douleur couronne.
La cathédrale bruit de murmures fanés,
Échos d’un passé mort aux plis abandonnés.
Il vient, chaque minuit, hanter les corridors
Où les vitraux blessés saignent des auroras.
Son manteau, lourd de cendre et de rimes perdues,
Traîne un sillage amer sur les dalles tordues.
Les gargouilles, témoins de ses sanglots muets,
Gardent l’écho des vers qu’il n’acheva jamais.
Un jour, il crut saisir, entre deux ombres vaines,
Le parfum d’un été enfui dans les verrières.
Une voix, faible accord d’un luth enseveli,
Murmura son prénom dans le creux de la nuit.
« Ô temps, rends-moi l’instant où brillaient les étoiles,
Où mes chants déroulaient leur soie sur les toiles ! »
Mais le silence, armé de son glaive d’onyx,
Éventra le soupir qui montait des prodiges.
Seul resta le grimoire ouvert sur un adieu,
Où chaque lettre saigne un espoir dévêtu.
L’horloge, au clocher noir, rongeait les destinées,
Ses aiguilles mordant la chair des années mortes.
***
Il revit, en un rêve où tremblaient les cierges,
Le jardin de jadis peuplé de lys vierges.
Une ombre y dansait nue sous les saules tremblants,
Couronnée de lilas et de printemps roulants.
« Qui donc es-tu, fantôme au sourire d’abîme ?
Spectre ou souvenir pris au piège des rimes ? »
La vision tendit vers lui des mains de brume :
« Je suis ce que tu perds, ce que la nuit allume,
L’étreinte évaporée au seuil de ton désir,
Le premier vers volé par le vent du plaisir.
Cherche-moi dans les plis du temps qui se déchire,
Mais nul ne peut boire deux fois l’eau du délire… »
Le poète, égaré dans ce dédale obscur,
Sentit fondre ses pas dans les marbres impurs.
Les murs, telles des pages froissées par l’histoire,
Se refermaient sur lui comme un livre de gloire.
« Par pitié, laisse-moi racheter mon matin !
Je donnerai mes vers pour un seul rendez-vous ! »
La cathédrale alors, telles des lèvres austères,
Lui répondit d’un chant de pierre et de mystère :
« L’homme n’est qu’un fuseau dans le métier des cieux,
Tu peux pleurer, prier, maudire l’univers —
Personne ne détient les clefs de l’envers. »
***
Les ans passaient, rongeurs silencieux des âmes,
Le poète errait, spectre aux prunelles de flamme.
Ses cheveux, fils d’argent tissés par les hivers,
Couvraient d’un linceul blanc ses espoirs entr’ouverts.
Un soir, il vit son nom, gravé sur une pierre,
Lisant les dates nues de son étrange guerre :
« Ci-gît l’enfant ravi par le chant des étoiles,
Mort d’avoir trop aimé les reflets sans étoffe.
Passant, n’y laisse pas de larmes ou de roses —
Le temps mange les pleurs comme il mord toute chose. »
Alors, il comprit que sa quête insensée
N’était qu’un vain reflet dans l’eau du temps passée.
Les cloches, à minuit, sonnèrent le glas noir,
Et la nef tout entière exhala son savoir :
« Nul ne peut revenir au jardin de son rêve —
La vie est un adieu qui lentement s’élève. »
Il tomba, poids léger qu’efface une poussière,
Ses vers mêlés aux cendres, son souffle à la lumière.
La cathédrale veille, éternelle gardienne,
Où chaque pierre pleure une mélodie ancienne.
Et si l’on tend l’oreille aux plaintes de la voûte,
On entend gémir deux syllabes : « Déroute… »
L’horloge continue, impassible, à tourner,
Dévore les amants, les rois, les nouveau-nés.
Dans l’ombre, un parchemin se déchire de lui-même —
Il ne reste que Dieu pour connaître le poème.
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