Le Dernier Chant d’Orphée au Jardin des Adieux
Au cœur d’un clos verrouillé, loin des regards profanes,
Où les rosiers en deuil courbent leurs nobles crêtes,
Un jeune homme aux yeux creux, héritier des sestanes,
Murmure à l’univers le sanglot des poètes.
Son nom, jadis promis aux bouches éternelles,
S’effiloche aujourd’hui dans les plis du destin,
Car chaque vers écrit sous les nocturnes stellæ
Lui dévore un fragment de son souffle argentin.
Clémence, ô Clémence ! Esprit des eaux dormantes,
Toi qui dansis hier sous les saules tremblants,
Pourquoi ton rire d’eau, tes mains si bienfaisantes,
Se changent-ils en brume aux lèvres du volcan ?
Le poète maudit, égaré dans ses transes,
Saisit la lyre d’or que le sort lui confia,
Et parmi les parfums des jasmins en souffrance,
Son chant trouble le ciel où la lune pâlit.
« Ô Muse au corps de source, ombre douce et amère,
Toi que j’aimai d’un cœur trop lourd pour ce bas monde,
Regarde : les pavots ont flétri leur chimère,
L’étang ne garde plus que des reflets de cendre.
Hier, quand tu cueillais les pêches de lumière,
Nos pas entrelacés défiaient le néant,
Mais le pacte ancien scellé dans ma paupière
Exige que s’éteigne ton souffle de printemps.
— Va, dit-elle, et sa voix fut un cristal qui tombe,
Si ton art doit grandir sur mon agonie,
Prends ce baiser glacé, prends ce dernier chrysanthème,
Mais sache qu’en partant j’emporte ton génie.
Les mots que tu semas dans les plis de mon âme
Ont tari la fontaine où buvaient les oiseaux,
Et chaque strophe née de nos nuits sans flamme
A scellé l’invisible étau de nos berceaux.
Le vent se tut soudain. Les statues marbrées
Détournèrent leurs yeux pleins de secrets antiques,
Tandis qu’au fond des bois, les dryades éplorées
Tressaient pour son départ des couronnes mystiques.
Lui, sentant déjà croître en lui le froid des nues,
Étreignit son amour translucide et frileux,
Mais sous ses doigts ardents, la forme reconnue
N’était déjà plus qu’un bouquet d’adieux.
Alors il comprit que sa plume fatale,
En ciselant le Rien pour en faire un Absolu,
Avait lentement bu la sève végétale
Qui maintenait leur monde à l’abri du déluge.
Il vit ses plus beaux vers, ces enfants de la nuit,
Dévorer un à un les pétales de Clémence,
Et chaque rime en deuil, chaque image qui fuit,
Creuser le monument de leur commune absence.
Sous un ciel déserté par les astres complices,
Il poursuivit son chant jusqu’au seuil du matin,
Espérant que l’Enfer, touché par ce supplice,
Rendrait à son jardin son parfum de jasmin.
Mais quand l’aube tendit ses doigts couleur d’opale,
Il ne restait debout qu’un arbre aux fruits de plomb,
Où pendait, oubliée, une lyre spectrale
Dont les cordes chantaient le néant en leur son.
Depuis ce jour funeste où la dernière rose
Effeuilla dans le vide un cœur désenchanté,
Nul n’ose approcher ces allées de chlorose
Où gît, sous chaque pierre, un amour avorté.
Seul parfois, au déclin des lunes trop précises,
Un écho de sanglot trouble le vent salin :
C’est le poète mort qui, dans sa tombe grise,
Recommence éternellement son chant divin.
Où les rosiers en deuil courbent leurs nobles crêtes,
Un jeune homme aux yeux creux, héritier des sestanes,
Murmure à l’univers le sanglot des poètes.
Son nom, jadis promis aux bouches éternelles,
S’effiloche aujourd’hui dans les plis du destin,
Car chaque vers écrit sous les nocturnes stellæ
Lui dévore un fragment de son souffle argentin.
Clémence, ô Clémence ! Esprit des eaux dormantes,
Toi qui dansis hier sous les saules tremblants,
Pourquoi ton rire d’eau, tes mains si bienfaisantes,
Se changent-ils en brume aux lèvres du volcan ?
Le poète maudit, égaré dans ses transes,
Saisit la lyre d’or que le sort lui confia,
Et parmi les parfums des jasmins en souffrance,
Son chant trouble le ciel où la lune pâlit.
« Ô Muse au corps de source, ombre douce et amère,
Toi que j’aimai d’un cœur trop lourd pour ce bas monde,
Regarde : les pavots ont flétri leur chimère,
L’étang ne garde plus que des reflets de cendre.
Hier, quand tu cueillais les pêches de lumière,
Nos pas entrelacés défiaient le néant,
Mais le pacte ancien scellé dans ma paupière
Exige que s’éteigne ton souffle de printemps.
— Va, dit-elle, et sa voix fut un cristal qui tombe,
Si ton art doit grandir sur mon agonie,
Prends ce baiser glacé, prends ce dernier chrysanthème,
Mais sache qu’en partant j’emporte ton génie.
Les mots que tu semas dans les plis de mon âme
Ont tari la fontaine où buvaient les oiseaux,
Et chaque strophe née de nos nuits sans flamme
A scellé l’invisible étau de nos berceaux.
Le vent se tut soudain. Les statues marbrées
Détournèrent leurs yeux pleins de secrets antiques,
Tandis qu’au fond des bois, les dryades éplorées
Tressaient pour son départ des couronnes mystiques.
Lui, sentant déjà croître en lui le froid des nues,
Étreignit son amour translucide et frileux,
Mais sous ses doigts ardents, la forme reconnue
N’était déjà plus qu’un bouquet d’adieux.
Alors il comprit que sa plume fatale,
En ciselant le Rien pour en faire un Absolu,
Avait lentement bu la sève végétale
Qui maintenait leur monde à l’abri du déluge.
Il vit ses plus beaux vers, ces enfants de la nuit,
Dévorer un à un les pétales de Clémence,
Et chaque rime en deuil, chaque image qui fuit,
Creuser le monument de leur commune absence.
Sous un ciel déserté par les astres complices,
Il poursuivit son chant jusqu’au seuil du matin,
Espérant que l’Enfer, touché par ce supplice,
Rendrait à son jardin son parfum de jasmin.
Mais quand l’aube tendit ses doigts couleur d’opale,
Il ne restait debout qu’un arbre aux fruits de plomb,
Où pendait, oubliée, une lyre spectrale
Dont les cordes chantaient le néant en leur son.
Depuis ce jour funeste où la dernière rose
Effeuilla dans le vide un cœur désenchanté,
Nul n’ose approcher ces allées de chlorose
Où gît, sous chaque pierre, un amour avorté.
Seul parfois, au déclin des lunes trop précises,
Un écho de sanglot trouble le vent salin :
C’est le poète mort qui, dans sa tombe grise,
Recommence éternellement son chant divin.
« `