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Voyage intérieur sous un château abandonné

Voyage intérieur sous un château abandonné
Plongez dans un univers où le temps s’efface et où les murs d’un château abandonné murmurent des secrets enfouis. Ce poème vous invite à suivre un voyageur solitaire, porteur d’un luth noirci, à travers les couloirs hantés d’un passé qui refuse de mourir. Chaque pas réveille des échos de mélodies perdues, des rires éteints et des amours défuntes, jusqu’à ce que la musique devienne une quête périlleuse vers la vérité.
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Le Dernier Accord du Voyageur

Au crépuscule fauve où les pierres sanglotent,
Un homme aux doigts usés franchit l’arche des rois,
Portant comme relique un luth noirci de moires,
Son manteau, linceul lourd des printemps disparus.
Le château, spectre auguste aux dentelles de ronces,
Déploie ses corridors où danse un vent mordant,
Et dans chaque fenêtre éclatée de douleur,
S’accroche un lambeau d’ombre qui ressemble à son âme.

Il avance. Ses pas font germer les silences,
Réveillant sous la poussière un écho de clavecin,
Des rires en suspens dans les tapisseries,
Des valses que le temps a dévorées cruelles.
Soudain, au cœur du deuil des marbres éventrés,
Une note frémit, liquide et cristalline :
C’est la voix d’un piano que personne ne touche,
Qui chante pour les morts tapis dans les portraits.

« Qui donc pleure ici les amours défuntes ? »
Murmure le musicien à l’instrument fantôme.
Les murs exhalent alors un soupir de parchemin,
Et la mélodie prend corps, femme diaphane,
Ses cheveux nimbés d’un clair de lune ancien,
Ses mains tissant l’absence en accords inachevés.
« Je fus le chant d’un cœur qui battit sous ces voûtes,
Le dernier souffle heureux avant que tout ne meure. »

Il la suit, hagard, par les escaliers de brume,
Où chaque marche est un soupir de violoncelle,
Jusqu’à la chambre close aux tentures déchirées,
Cercueil de velours rouge où gît un manuscrit.
Sur les portées jaunies, une partition tremble,
« Symphonie de l’Adieu » écrite en encre de nuit.
« Joue-la, » dit l’apparition d’une voix de source fraîche,
« Et tu sauras pourquoi ton destin t’a conduit ici. »

Ses doigts sur les cordes frôlent d’abord le doute,
Puis la musique naît, serpent de braise et de pluie,
Elle déchire le linceul des années mortes,
Ressuscite un instant les bougies du banquet.
Dans le reflet terni d’un miroir sans mémoire,
Il voit défiler cent visages sans regard,
Des mains qui se cherchaient dans le frisson des robes,
Un enfant courant parmi les rires éventrés.

Mais soudain le lied vire au glas funéraire,
Les notes se tordent en lianes venimeuses,
Le piano fantôme hurle comme une bête,
Les portraits saignent noir sur leur toile pourrie.
« Arrête ! » crie la dame, « Tu réveilles Ceux-là
Dont les noms furent arrachés au livre du monde ! »
Trop tard. Le château entier se met à palpiter,
Avale le musicien dans ses entrailles de pierre.

Il tombe, il roule, il voit défiler les mensonges :
L’enfant qui croyait aux étoiles sous son toit,
L’adolescent fuyant avec des chansons vides,
L’homme usant ses semelles aux chemins de chimères.
Au fond du puits sans fond où grouillent les vérités,
Une créature attend, faite de clefs rouillées,
Son sourire est la fêlure au flanc de toute chose,
Son nom est écrit dans la poussière qui danse.

« Tu voulais savoir, » dit-elle en effritant les mots,
« Mais il n’est de réponse que dans l’abdication.
Donne-moi ton luth, donne-moi tes souvenirs,
Je ferai de ta vie un adagio pour le néant. »
Il lutte, se raccroche aux mélodies perdues,
À l’amour d’une mère envolé en fumée,
Au premier baiser de printemps sous les lilas,
Au frisson sacré quand naquit sa symphonie.

Un à un, les fils crissent, se rompent dans sa chair,
Les notes s’évadent en nuée de corbeaux,
Le luth n’est plus qu’un bois mort entre ses bras,
Et son propre visage lui devient étranger.
Quand l’oubli lui mord l’âme avec ses dents de lait,
Il comprend trop tard le piège de la quête :
Chercher son cœur, c’est perdre jusqu’à son nom,
Et la vérité n’est qu’un écho qui se meurt.

Le château se referme comme une paupière,
Recrache au matin un homme sans passé,
Assis au bord du chemin, les mains vides et pâles,
Fredonnant un air que personne ne reconnaît.
Les voyageurs diront bien plus tard, pleins de crainte,
Qu’en ces pierres maudites rôde une ombre sonore,
Un fantôme de musique qui sanglote la nuit,
Cherchant éternellement la clef de son silence.

Et sous les orties folles où se meurt le sentier,
Un luth brisé s’enfonce dans la terre avide,
Tandis qu’au fond des cieux indifférents et froids,
Tourne la mélodie que plus personne n’entend.

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Ce poème nous rappelle que la quête de soi peut être un voyage périlleux, où chaque découverte nous éloigne un peu plus de ce que nous croyions être. À travers les échos d’un château abandonné, nous découvrons que la vérité n’est peut-être qu’un reflet évanescent, et que parfois, chercher son cœur, c’est risquer de perdre jusqu’à son nom. Laissez-vous emporter par cette méditation sur la mémoire, l’oubli et le prix de la connaissance.
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Auteur: Jean J. pour unpoeme.fr
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