En un parc qu’ici près depuis peu j’ai fait clore,
Mille amants transformés, qui des lois de l’Amour Sont passés sous celles de Flore : Ils ont pour aliment les larmes de l’Aurore.
Dieux! que ne suis-je entre ces fleurs
Si vous devez un jour m’arroser de vos pleurs !
Vous y verriez Clytie, aux sentiments jaloux,
Qui n’a pu jusqu’ici guérir de sa jaunisse,
Et la fleur de ce Grec dont le bouillant courroux
Ne put souffrir une injustice;
Vous y verriez encore Adonis et Narcisse,
Dont l’un fut aimé de Cypris %
L’autre fut de son ombre aveuglément épris.
Je vous ferais savoir tout ce que l’on en dit,
Vous contant leurs vertus et leurs métamorphoses ;
Quelle fleur vint du lait que Junon répandit
Et quel sang » fit rougir les roses
Qui grossissent d’orgueil dès qu’elles sont écloses,
Voyant leur portrait si bien peint
Dans la vive blancheur des lys de votre teint.
Piqué secrètement de leur éclat vermeil,
Un folâtre Zéphire à l’entour se promène
Et, pour les garantir de l’ardeur du soleil,
Les évente de son haleine;
Mais lorsqu’il les émeut « , il irrite ma peine,
Car aimant en un plus haut point,
Je vois que mes soupirs ne vous émeuvent point.
Là, mille arbres chargés des plus riches présents,
Dont la terre à son gré les mortels favorise
Et sur qui d’un poinçon je grave tous les ans
Votre chiffre et votre devise,
Font en mille bouquets éclater la cerise,
La prune au jus rafraîchissant
Et le jaune abricot au goût si ravissant.
Là, parmi des jasmins plantés confusément
Et dont le doux esprit à toute heure s’exhale,
Cependant que partout le chaud est véhément,
On se peut garantir du hâle
Et se perdre aisément dans ce plaisant dédale
Comme entre mille aimables nœuds
Mon âme se perdit parmi vos beaux cheveux.