Le léopard et l’écureuil

Un ĂŠcureuil sautant, gambadant sur un chĂŞne, Manqua sa branche, et vint, par un triste hasard, Tomber sur un vieux lĂŠopard Qui faisait sa mĂŠridienne. Vous jugez s’il eut peur ! En sursaut s’ĂŠveillant, L’animal irritĂŠ se dresse ; Et l’ĂŠcureuil s’agenouillant Tremble et se fait petit aux pieds de son altesse. Après l’avoir considĂŠrĂŠ, Le lĂŠopard lui dit : je te donne la vie, Mais Ă  condition que de toi je saurai Pourquoi cette gaĂŽtĂŠ, ce bonheur que j’envie, Embellissent tes jours, ne te quittent jamais, Tandis que moi, roi des forĂŞts, Je suis si triste et je m’ennuie. Sire, lui rĂŠpond l’ĂŠcureuil, Je dois Ă  votre bon accueil La vĂŠritĂŠ : mais, pour la dire, Sur cet arbre un peu haut je voudrais ĂŞtre assis. – Soit, j’y consens, monte. – J’y suis. À prĂŠsent je peux vous instruire. Mon grand secret pour ĂŞtre heureux, C’est de vivre dans l’innocence ; L’ignorance du mal fait toute ma science ; Mon cœur est toujours pur, cela rend bien joyeux. Vous ne connaissez pas la voluptĂŠ suprĂŞme De dormir sans remords : vous mangez les chevreuils, Tandis que je partage Ă  tous les ĂŠcureuils Mes feuilles et mes fruits ; vous haĂŻssez, et j’aime : Tout est dans ces deux mots. Soyez bien convaincu De cette vĂŠritĂŠ que je tiens de mon père : Lorsque notre bonheur nous vient de la vertu, La gaĂŽtĂŠ vient bientĂ´t de notre caractère. Extrait de: Fables