Nicolas Gilbert, poète du 18ᵉ siècle, nous livre avec ‘Le Poète Malheureux’ une œuvre qui explore les tumultes de l’âme créatrice. Dans ce poème, il dépeint la douleur et l’infortune qui accompagnent souvent le parcours artistique. À travers des métaphores puissantes et une symbolique riche, Gilbert nous invite à réfléchir sur le rapport entre l’art, la souffrance, et la quête de vérité. Ce poème est un témoignage intemporel de la condition humaine, faisant écho à des sentiments universels.
Ainsi je m’abusais. Sans guide, sans secours, J’abandonne, insensé, mon paisible village, Et les champs où mon père avait fini ses jours. Cieux, tonnez contre moi ; vents, armez votre rage ; Que, vide d’aliments, mon vaisseau mutilé Vole au port sur la foi d’une étoile incertaine, Et par vous loin du port soit toujours exilé. Mon asile est partout où l’orage m’entraîne. Qu’importe que les flots s’abîment sous mes pieds ; Que la mort en grondant s’étende sur ma tête ; Sa présence m’entoure, et, loin d’être effrayés, Mes yeux avec plaisir regardent la tempête : Du sommet de la poupe, armé de mon pinceau, Tranquille, en l’admirant, j’en trace le tableau. Je n’avais point alors essuyé de naufrage Mon génie abusé croyait à la vertu. Et, contre les destins rassemblant son courage, Se nourrissait des maux qui l’avaient combattu. Mon sort est d’être grand, il faut qu’il s’accomplisse; Oui, j’en crois mon orgueil, tout, jusqu’à mes revers. Qui de ceux dont la voix éclaira l’univers N’a point de l’infortune éprouvé l’injustice? Un dieu, sans doute un dieu m’a forgé ces malheurs Comme des instruments qui peuvent à ma vue Ouvrir du cœur humain les sombres profondeurs, Source de vérités, au vulgaire inconnue. Rentrez dans le néant, présomptueux rivaux; Ainsi que le soleil, dans sa lumière immense. Cache ses astres vains levés en son absence, Je vais vous effacer par mes nobles travaux. Mon âme (quel orgueil, grand Dieu, l’avait séduite!) Dévorait des talents le trône révéré. Et dans tous les objets dont je marche entouré. Ma gloire en traits de feu déjà me semble écrite. Prestiges que bientôt je vis s’évanouir ! Doux espoir de l’honneur, trop sublime délire ! Ah ! revenez encor, revenez me séduire : Pour les infortunés, espérer c’est jouir. Je n’ai donc en travaux épuisé mon enfance Que pour m’environner d’une affreuse clarté Qui me montrât l’abîme où je meurs arrêté. Ne valait-il pas mieux garder mon ignorance ?
En conclusion, ‘Le Poète Malheureux’ nous rappelle que la créativité est souvent liée à une profonde souffrance. Ce poème invite à une introspection sur nos propres luttes et visions artistiques. N’hésitez pas à explorer d’autres œuvres de Nicolas Gilbert pour découvrir toujours plus de nuances de son génie poétique.