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Dans le Leurre du Seuil

Dans ‘Dans le Leurre du Seuil’, Yves Bonnefoy nous plonge dans une exploration poétique profonde, où se mêlent des réflexions sur l’existence et la mortalité. Ce poème, emblématique du 20ᵉ siècle, interroge la nature du langage et la façon dont il façonne notre perception du monde. À travers des métaphores puissantes et des images saisissantes, Bonnefoy invite le lecteur à contempler les seuils entre vie et mort, mémoire et oubli.
Heurte, Heurte à jamais. Dans le leurre du seuil. A la porte, scellÃĐe. A la phrase, vide. Dans le fer, n’ÃĐveillant Que ces mots, le fer. Dans le langage, noir. Dans celui qui est là Immobile, à veiller A sa table, chargÃĐe De signes, de lueurs. Et qui est appelÃĐ Trois fois, mais ne se lÃĻve. Encore quand Le bras n’est plus que cendre DispersÃĐe. Plus avant que le chien Dans la terre noire Se jette en criant le passeur Vers l’autre rive. La bouche pleine de boue. Les yeux mangÃĐs, Pousse ta barque pour nous Dans la matiÃĻre. Quel fond trouve ta perche, tu ne sais, Quelle dÃĐrive. Ni ce qu’ÃĐclaireront, saisis de noir. Les mots du livre. Plus avant que le chien Qu’on recouvre mal On t’enveloppe, passeur, Du manteau des signes. On te parle, on te donne Une ou deux clefs, la vaine Carte d’une autre terre. Tu ÃĐcoutes, les yeux dÃĐjà dÃĐtournÃĐs Vers l’eau obscure. Tu ÃĐcoutes, qui tombent. Les quelques pelletÃĐes. Plus avant que le chien Qui est mort hier On veut planter, passeur. Ta phosphorescence. Les mains des jeunes filles Ont dÃĐgagÃĐ la terre Sous la tige qui porte L’or des grainÃĐes futures. Tu pourrais distinguer encore leurs bras Aux ombres lourdes, Le gonflement des seins Sous la tunique. Rire s’enflamme là-haut Mais tu t’ÃĐloignes. Tu fus jetÃĐ sanglant Dans la lumiÃĻre. Tu as ouvert les yeux, criant, Pour nommer le jour. Mais le jour n’est pas dit Que dÃĐjà retombe La draperie du sang, à grand bruit sourd, Sur la lumiÃĻre. Rire s’enflamme là-haut. Rougeoie dans l’ÃĐpaisseur Qui se dÃĐsagrÃĻge. DÃĐtourne-toi des feux De notre rive. Plus avant que le feu Qui a mal pris Est placÃĐ le tÃĐmoin du feu, l’indÃĐchiffrÃĐ, Sur un lit de feuilles. Faces tournÃĐes vers nous. Lecteurs de signes. Quel vent de l’autre face, inentendu, Les fera bruire ? Quelles mains hÃĐsitantes Et comme dÃĐcouvrant Prendront, feuilletteront L’ombre des pages ? Quelles mains mÃĐditantes Ayant comme trouvÃĐ ? Oh, penche-toi, rassure, NuÃĐe Du sourire qui bouge En visage clair. Sois pour qui a eu froid Contre la rive La fille de Pharaon Et ses servantes. Celles dont l’eau, encore Avant le jour, RellÃĻte renversÃĐe L’ÃĐtoffe rouge. Et comme une main trie Sur une table r Le grain presque germÃĐ De l’ivraie obscure Et sur l’eau du bois noir Prenant se double D’un reflet, oÃđ le sens Soudain se forme, Accueille, pour dormir Dans ta parole, Nos mots que le vent troue De ses rafales. ÂŦ Es-tu venu pour boire de ce vin, Je ne te permets pas de le boire. Es-tu venu pour apprendre ce pain Sombre, brÃŧlÃĐ du feu d’une promesse, Je ne te permets pas d’y porter lumiÃĻre. Es-tu venu ne serait-ce que pour Que l’eau t’apaise, un peu d’eau tiÃĻde, bue Au milieu de la nuit aprÃĻs d’autres lÃĻvres Entre le lit dÃĐfait et la terre simple, Je ne te permets pas de toucher au verre. Es-tu venu pour que brille l’enfant Au-dessus de la flamme qui le scelle Dans l’immortalitÃĐ de l’heure d’avril OÃđ il peut rire, et toi, oÃđ l’oiseau se pose Dans l’heure qui l’accueille et n’a pas de nom, Je ne te permets pas d’ÃĐlever tes mains au-dessus de l’ÃĒtre oÃđ je rÃĻgne clair. Es-tu venu, Je ne te permets pas de paraÃŪtre. Demandes-tu, Je ne te permets pas de savoir le nom formÃĐ par tes lÃĻvres. Âŧ Plus avant que les pierres Que l’ouvrier Debout sur le mur arrache Tard, dans la nuit. Plus avant que le flanc du corbeau, qui marque De sa rouille la brume Et passe dans le rÊve en poussant un cri Comble de terre noire. Plus avant que l’ÃĐtÃĐ Que la pelle casse, Plus avant que le cri Dans un autre rÊve, Se jette en criant celui qui Nous reprÃĐsente, Ombre que fait l’espoir Sur l’origine, Et la seule unitÃĐ, ce mouvement Du corps — quand, tout d’un coup, De sa masse jetÃĐe contre la perche Il nous oublie. Nous, la voix que refoule Le vent des mors. Nous, l’œuvre que dÃĐchire Leur tourbillon. Car si je viens vers toi. qui as parlÃĐ. Gravats, ruissellements. Échos, la salle est vide. Est-ce ÂŦ un autre Âŧ, l’appel qui me rÃĐpond. Ou moi encore ? Et sous la voÃŧte de l’ÃĐcho, multipliÃĐ Suis-je rien d’autre Qu’une de ses flÃĻches, lancÃĐe Contre les choses ? Nous Parmi les bruits. Nous L’un d’eux. Se dÃĐtachant De la paroi qui s’ÃĐboule. Se creusant, s’ÃĐvasant. Se vidant de soi. S,’empourprant. Se gonflant d’une plÃĐnitude lointaine. Regarde ce torrent, Il se jette en criant dans l’ÃĐtÃĐ dÃĐsert Et pourtant, immobile. C’est l’attelage cabrÃĐ Et la lace aveugle. Écoute. L’ÃĐcho n’est pas autour du bruit mais dans le bruit Comme son gouffre. Les (alaises du bruit, Les entonnoirs oÃđ se brisent ses eaux, La saxifrage S’arrachent de tes yeux avec un cri D’aigle, final. OÃđ heurte le poitrail de la voix de l’eau, Tu ne peux l’entendre. Mais laisse-toi porter, œil ÃĐbloui, Par l’aile rauque. Nous Au fusant du bruit, Nous PortÃĐs. Nous, oui. quand le torrent A mains brisÃĐes Jette, roule, reprend L’absolu des pierres. Le prÃĐdateur Au faÃŪte de son vol. Criant. Se recourbe sur soi et se dÃĐchire. De son sein divisÃĐ par le bec obscur Jaillit le vide. Au faite de la parole encore le bruit, Dans l’œuvre La houle d’un bruit second. Mais au faite du bruit la lumiÃĻre change. Tout le visible infirme Se dÃĐsÃĐcrit, Braise oÃđ passe l’appel D’autres campagnes Et la foudre est en paix Au-dessus des arbres, Sein oÃđ bougent en rÊve Sommeil et mort. Et brÃŧle, une couleur, La nuit du monde Comme s’ÃĐploie dans l’eau Noire, une ÃĐtoffe peinte Quand l’image divise Soudain le flux, Criant son grain, le feu. Contre une perche. Heure RetranchÃĐe de la somme, maintenant. PrÃĐsence DÃĐtrompÃĐe de la mort. Ampoule Qui s’agenouille en silence Et brÃŧle DÃĐviÃĐe, secouÃĐe Par la nuit qui n’a pas de cime. Je t’ÃĐcoute Vibrer dans le rien de l’œuvre Qui peine de par le monde. Je perçois le piÃĐtinement D’appels Dont le pacage est l’ampoule qui brÃŧle Je prends la terre à poignÃĐes Dans cet ÃĐvasement aux parois lisses OÃđ il n’est pas de fond Avant le jour. Je t’ÃĐcoute, je prends Dans ion panier de corde Toute la terre. Dehors, C’est encore le temps de la douleur Avant l’image. Dans la main de dehors, fermÃĐe, A commencÃĐ Ã  germer Le blÃĐ des choses du monde. Le nautonier Qui louche de sa perche, mÃĐditante, A ton ÃĐpaule Et toi, dÃĐjà celui que la nuit recouvre Quand ta perche recherche mais vainement Le fond du fleuve, Lequel est, lequel se perdra. Qui peut espÃĐrer, qui promettre ? PenchÃĐ, vois poindre sur l’eau Tout un visage Comme prend un feu, au reflet De ton ÃĐpaule.
En résumé, ‘Dans le Leurre du Seuil’ est une œuvre qui incite à la réflexion sur la condition humaine et la quête de sens. N’hésitez pas à explorer d’autres poèmes de Yves Bonnefoy et à partager vos pensées sur cette œuvre fascinante.

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