L’Île aux Serments Perdus
Où les vagues en deuil égrènent leurs écumes,
Une ombre se dessine au crépuscule amer,
Silhouette de chagrin drapée dans la mer.
Elle attend. L’horizon, miroir de son attente,
Répète chaque soir la promesse absente :
Un voile blanc jadis déchiré par les flots,
Un anneau d’or rouillé par l’absence et les mots.
« Reviens quand la bruyère aura fleuri deux fois,
Quand les alcyons chanteront au bord des bois. »
Mais les saisons, cruelles en leur lente valse,
Ont semé dans ses mains des cendres et des fausses.
Les nuits, elle dialogue avec les astres morts,
Cherchant dans les constellations un remords,
Tandis que le ressac, éternel complice,
Lui murmure l’adieu d’un amour en supplice.
Un coffret de nacre où dort un billet pâli :
« Je partirai chercher l’aurore à l’autre rive… »
L’encre a fui comme l’eau des marais clandestins,
Ne laissant que des pleurs calligraphiés en vain.
Un jour, un navire noir fendit la brume épaisse,
Portant au mât un chiffon couleur de détresse.
Elle crut voir danser, sous les cordages lourds,
Le spectre d’un sourire effacé par les jours.
Mais l’équipage muet aux regards de glaçon
Lui tendit une épave en lieu de trahison :
Un coffret jumeau rouillé par les abîmes,
Où se tordait un nom que les courants anonymes
Avaient grignoté jusqu’à l’os de l’oubli.
En son cœur se brisa le miroir espéré.
La mer alors chanta son hymne de veuvage,
Tissant à ses chevilles un linceul de varech.
Elle gravit la falaise où niche l’espérance,
Pieds nus sur les débris de leur adolescence.
Dans le ciel ulcéré, les goélands moqueurs
Déchiquetaient les lambeaux de ses douces leurres.
Au bord du précipice où naissent les tempêtes,
Elle défit sa tresse au parfum de noyées,
Et dans les profondeurs où gisent les mensonges,
Offrit son corps nuptial aux algues menteuses.
Depuis, quand la lune boit les pleurs du granit,
On entend une voix qui maudit l’infini :
« Ô toi qui fis des cœurs un jeu de marées basses,
Pourquoi m’avoir vêtue d’amour et de carcasses ? »
L’île dort désormais sous un suaire bleu,
Gardienne de serments morts avant d’être vieux.
Les pêcheurs évitent son rivage fantôme
Où chaque grain de sable pleure un écho d’homme.
Et parfois, dans le chœur des vents mélancoliques,
On croit saisir au loin deux syllabes tragiques
Qui se cognent, éclats d’un vase précieux,
Entre les rochers noirs et les sanglots des cieux.
« `