NâÃĐtait-ce pas la destinÃĐe qui, par ce minuit de Juillet, â nâÃĐtait-ce pas la destinÃĐe, dont le nom est aussi chagrin, â qui me commanda cette pause devant la grille du jardin pour respirer lâencens de ces sommeillantes roses ? Aucun pas ne sâagitait : le monde dÃĐtestÃĐ tout entier dormait, exceptÃĐ seulement toi et moi (oh ! cieux ! â oh ! Dieu ! comme mon cÅur bat dâaccoupler ces deux noms !), exceptÃĐ seulement toi et moi. â Je mâarrÊtai, â je regardai, â et en un instant toutes choses disparurent. (Ah ! aie en lâesprit ceci que le jardin ÃĐtait enchantÃĐ !) Le lustre perlÃĐ de la lune sâen alla : les bancs de mousse et le mÃĐandre des sentiers, les fleurs heureuses et les gÃĐmissants arbres ne se firent plus voir : des roses mÊmes lâodeur mourut dans les bras des airs adorateurs. Tout, â tout expira, sauf toi, sauf moins que toi, sauf seulement la divine lumiÃĻre en tes yeux, sauf rien que lâÃĒme en tes yeux levÃĐs. Je ne vis quâeux ; â ils ÃĐtaient le monde pour moi. Je ne vis quâeux, â les vis seulement pendant des heures, â les vis seulement jusquâalors que la lune sâen alla. Quelles terribles histoires du cÅur semblÃĻrent inscrites sur ces cristallines, cÃĐlestes sphÃĻres ! Quelle mer silencieusement sereine dâorgueil ! Quelle ambition osÃĐe ! pourtant quelle profonde, quelle insondable puissance pour lâamour !
Mais voici quâà la fin la chÃĻre Diane plongea hors de la vue dans la couche occidentale dâun nuage de foudre : et toi, fantÃīme, parmi le sÃĐpulcre des arbres, te glissas au loin. Tes yeux seulement demeurÃĻrent. Ils ne voulurent pas partir ; â ils ne sont jamais partis encore !
Ãclairant ma route solitaire à la maison cette nuit-là , ils ne mâont pas quittÃĐ (comme firent mes espoirs) depuis. Ils me suivent, ils me conduisent à travers les annÃĐes. Ils sont mes ministres ; pourtant je suis leur esclave. Leur office est dâilluminer et dâembraser ; mon devoir, dâÊtre sauvÃĐ par leur brillante lumiÃĻre, et purifiÃĐ dans leur feu ÃĐlectrique, et sanctifiÃĐ dans leur feu ÃĐlysÃĐen. Ils emplissent mon ÃĒme de beautÃĐ (qui est espoir), et sont loin, au haut des cieux, â les ÃĐtoiles devant qui je mâagenouille dans les tristes, taciturnes veilles de ma nuit ; tandis que, dans le rayonnement mÃĐridien du jour, je les vois encore, â deux suaves, scintillantes VÃĐnus, inextinguibles au soleil.
Extrait de:
Les PoÃĻmes dâEdgar Poe, (1889) traduit par StÃĐphane MallarmÃĐ