Un jet d’eau dans les airs s’élevait sous l’ombrage.
Et retombait à travers le feuillage
En perles, en rubis, en globules roulants.
Notre jet d’eau s’oublie, ainsi que c’est l’usage (On a vu, de tous temps, les sots se prévaloir) ;
Il insulte dans son langage
L’onde obscure du réservoir,
Qui subvenait à tout son étalage.
Vois, lui dit-il, ce pompeux appareil,
Si jusqu’à moi peut arriver ta vue ;
Vois ces gerbes d’argent dont s’enrichit la nue,
Et que j’oppose aux tayons du soleil. À quoi sets-tu, misérable eau dormante?
Quand je m’élève aux cieux, à mes pieds tu croupis ;
Ton voisinage me toutmente.
Et gâte bien souvent les lieux que j’embellis.
Comme il parlait, un des canaux se brise :
Au fond du réservoir, il s’entrouvre un chemin.
Et soudain
L’onde sourdit, décroît, coule et s’épuise ;
Vous eussiez vu les rubis s’exhalet,
Toutes les gerbes disparaître
Et les perles dégringoler.
Notre orgueilleux commence à se connaître :
Il baisse, il tombe, il ne peut plus aller.
Il est à sec.
Vous devinez peut-être
De ma fable quel est le sens :
Appauvrissez le peuple, adieu l’éclat des grands.