Le Chant des Sables et des Flots
Où s’efface, impitoyable, le sablier des âges,
Marin, âme solitaire, contemple l’immense étendue
De mers embrasées, vastes, aux forces inconnues.
Là, chaque vague s’élance, furieuse, en cavale,
Comme un monstre obscur brandissant sa faucille fatale ;
Et la mer, inexorable, aux regards d’acier froid,
Berce, puis dévore tout rêve et toute joie.
Pieds nus sur le sable froid, le front couturé d’ombre,
Marin songe à l’antique lutte où tout se contemple et sombre,
À l’homme, si fragile, contre la nature immense,
Au destin qui, tissé d’écume, tord la danse.
La mer est une allégorie, un oracle sans pitié,
Elle murmure aux vents lourds l’inévitable vérité :
Que l’homme n’est que poussière, funambule égaré,
Sur le fil du temps fuyant, bientôt effacé, oublié.
Il marche, le cœur chargé de fulgurantes pensées,
Chaque pas creusant l’ombre d’une âme oppressée ;
Les flots grondants, tels d’invisibles géants,
Mènent la danse funeste aux ballets navrants.
Le vent soulève les voiles blanches d’une barque esseulée,
Blottie contre le sable où s’épuise la pensée ;
Marin contemple, frémissant, ce fragile espoir,
Qu’échoue à jamais luttant contre le désespoir.
— Ô mer, dit-il, Toi qui dérobes leur sang aux vents sans fin,
Dis-moi, pourquoi le ciel ne cesse-t-il son chagrin ?
Pourquoi ce chant déchirant, de rumeurs inexorables,
Chante-t-il la fin des jours, la perte ineffable ?
Le silence est sa réponse, la mer ne s’émeut pas ;
Son âme est un gouffre froid où l’homme se noie sans voix.
La vague s’élève encore, amère et souveraine,
Et dans le regard du marin s’allume une rêverie lointaine.
Il se souvient des fables que jadis l’on racontait,
Où les héros, bravant tempêtes, retournaient, exaltés.
Mais ici, point d’échappée, ni triomphe vainqueur,
Sinon la lente chute, la mélancolique douleur.
Alors Marin contemple l’horizon défait,
Plaine où l’infini se fond dans un ciel muet,
Et réalise, supplicié, que le destin se noue,
Comme le fil fragile d’une toile à bout de souffle.
— Pourquoi luttes-tu encore, ô cœur prisonnier ?
— Demande la voix sourde des sables agités.
— Parce qu’en chaque battement s’écrit une histoire,
Même si elle s’achève dans le noir de la mémoire.
Le vent s’engouffre, emportant mots et pensées,
Comme emportés par cette mer, jamais apaisée ;
La nuit paraît tomber, lourde, dans l’âpre silence,
Fermant sur le monde sa pâle délivrance.
Marin, à genoux, les larmes au coin des yeux,
Sent l’étau du temps perdre son masque précieux.
Il sait que demain s’achève la longue attente,
Que la mer le réclame en sa danse dévorante.
En cette heure où s’éteint la dernière lueur,
La mer s’amplifie, hideuse arbitre de leur cœur,
Enlaçant dans ses bras froids la chair et l’espoir,
Elle met fin au voyage, à la quête illusoire.
Et tandis que la vague engloutit son corps,
Que les étoiles pleurent, suspendues à l’aurore,
Le murmure sordide d’un destin sans retour
S’élève autour des vents, chant funeste pour toujours.
Sous le regard impassible des cieux fatigués,
Le marin disparaît, à tout jamais emporté ;
Et reste sur la plage, aux songes interdits,
Le tracé d’un pas seul, que la mer recueillit.
Ainsi vont les heures, noyées dans le grand tourment,
Où l’homme, si frêle, entre en lutte contre le vent ;
Et où, dans le tumulte, se révèle la fable
De la condition humaine, noble mais misérable.
Le chant des sables et des flots, voix immortelle,
Nous conte en sa beauté l’histoire éternelle :
Que la mer, ère au regard d’inexorable destin,
Sait briser tous les steelts, balayant nos chemins.
Ô triste fatalité ! Ô cruel commencement !
Tu demeures la loi des vastes éléments,
Et l’homme, sous tes lois, pauvre âme éphémère,
Vient s’échouer, vaincu, sur ta rive amère.