Le Dernier Soupir du Quai
Le vieux quai s’étend, désert et oublié,
Ses pavés luisants d’une pluie légère
Recueillent en silence la peine amère.
Le vent s’y lève, furtif messager,
Et porte en frissons de doux baisers amers
Les adieux d’un cœur en morne naufrage,
Funeste relique d’un dernier voyage.
Là, solitaire, un homme se tient las,
Amoureux blessé, ses rêves balafrés,
Son regard s’égare aux flots tourmentés,
Où la tristesse danse en âpre trépas.
Le temps s’est figé, montrant son visage,
Dans l’ombre docile d’une nuit sans âge,
Il songe aux heures où tendres promesses
Égrenaient en soupirs l’éclat de sa jeunesse.
« Oh douce aimée, qui loin t’es enfuie,
Dis-moi, pourquoi briser une vie,
Où la tendresse se voulait refuge,
Où nos âmes luttaient contre la subterfuge ? »
Le voile du vent, en furtifs murmures,
Répond aux plaies vives de ses blessures,
Dans le fouillis du vent qui déchire,
Rebondit le clin d’un souvenir.
Il se remémore un soir d’été,
Sous l’arbre séculaire enlacé,
Leurs mains mêlées, leurs voix vacillantes,
Leurs serments doux, leurs âmes flottantes.
Le reflet de l’eau, en éclats d’argent,
Abritait le feu de leurs serments.
Mais l’ombre diffuse, sourde et perfide,
S’insinua dans leur essence timide,
Laissant place au doute, à l’éloignement,
Fragilisant leur fragile serment.
Il se souvient de ses pas hésitants,
Sur le sentier noir de ce pardon absent,
Et des larmes cachées aux rives du cœur,
De ce dernier adieu, orage douloureux.
Le vent, alors, murmure entre les grains,
Comme un hymne brisé par le chagrin,
Portant sans trêve ces doux adieux,
Comme un écho lointain, triste et silencieux.
« O toi que j’aimais, mystère imprenable,
Ta fuite fut douce, inexorable,
Ô combien j’aurais voulu t’arrêter,
Avant que la nuit n’engloutisse nos étés. »
Il ferme les yeux, son âme ploie,
Sous la charge ardente de sa froide loi,
La condition humaine, si fragile et vaine,
Qui fait des cœurs fiers de simples fontaines,
Prêtes à se briser sous l’assaut cruel
D’un destin rude, taciturne et éternel.
Des gouttes dévalent, perles délicates,
Sur son visage, traces d’âmes ingrates,
Et l’horizon s’efface, pâle et trouble,
Dans la mer d’oubli où ses espoirs s’écoulent.
Lentement, son pas se fait plus lourd,
Il quitte ce lieu d’un dernier détour,
Le quai murmure un soupir funèbre,
Sous la pluie fine qui pleure de ténèbres.
« Adieu » souffle alors le vent, feutré,
Un secret glissé, jamais révélé,
Comme un mot d’amour, trop tard prononcé,
Dans ce théâtre d’ombre et de vérité.
Ainsi s’efface, sous l’averse austère,
Le rêve brisé d’un cœur solitaire,
Et le quai désert, âme éplorée,
Recueille l’écho d’une vie fanée.
Dans ce tableau où l’oubli s’infiltre,
L’homme au cœur brisé se perd sans filtre,
Et le temps, cru et sans remords, s’enfuit,
Emportant tout, même l’écho des nuits.
Il reste alors ce port de silence,
Témoin fidèle de l’ultime absence,
Où l’amour défunt, fragile et consumé,
Repose en paix, à jamais damné.
Sous la pluie fine, le vent, complice,
Emporte au loin ses rêves évanouis,
Et l’amoureux, dans un dernier soupir,
S’éteint au seuil d’un éternel avenir.