Le Miroir des Silences
Là, dans l’ombre épaisse où l’espérance s’incline,
S’élève, oublié, un sanctuaire ancien,
Usé par le vent, par les pleurs du matin.
Ses murs se délitent en soupirs glacés,
Ombres interlopes aux échos glacés ;
Le froid de ses pierres recèle un passé
Que nul ne déchiffre, que nul n’a sondé.
Un homme s’avance, silhouette incertaine,
Mystique errant dans cette vaste enceinte,
Cherchant dans le silence une voix qui puisse
Éclairer son âme, dévoiler l’artifice.
Il porte en soi l’ardeur d’un feu voilé,
Cette quête muette, ce souffle isolé,
Fragile labyrinthe aux mille détours,
Où s’agrippent encor mille ombres d’un jour.
Il foule le pavé que le temps rongeait,
Entend retentir les pas de l’âge effacé,
Chaque pierre raconte un secret enfoui,
Chaque fissure un cri que le temps réduit.
Les vitraux, brisés, gardent encore des lueurs,
Vagues prismes d’un rêve où pleure la couleur ;
La lumière filtrée, en flots douteux,
Danse dans l’air lourd comme un souffle anxieux.
Le silence est roi, un silence solennel,
Chargé d’histoires tissées de fiel et de miel ;
Sa voix invisible s’étire, se déploie,
Rien ne dérange ici, nul bruit, nul émoi.
Le mystique s’arrête, pose son regard las
Sur l’autel délabré d’un temps qui s’efface,
Il cherche un reflet, un signe, une clé,
Une mémoire perdue qu’il croit retrouver.
Il effleure les murs d’une main tremblante,
Sentant vibrer sous la pierre glacée,
Le souffle d’ancêtres aux âmes errantes,
L’écho d’une vérité à jamais scellée.
Un monologue sourd surgit dans son cœur,
Un dialogue ancien, une lutte intérieure :
« Qui suis-je, en ce lieu où tout semble damné ?
Qu’espérer quand l’ombre refuse de parler ? »
Il avance encore dans la nef délaissée,
Repoussant la poussière d’oubli amassée,
Cherchant l’insaisissable, un fragment d’étoile,
Quelque chose qui brille malgré la toile.
Les bancs vacillent, témoins d’un temps révolu,
Sculptés par des mains que la vie a perdues ;
Autour de lui danse un spectacle troublant,
Fantômes transparents d’un monde d’antan.
En ces lieux sacrés, où l’oubli s’étend,
Le mystique entend un murmure s’étendre :
« Ne crains plus le vide, il est ta maison,
Le silence est mère de toute raison. »
Alors le cœur battant, il s’arrête un instant,
Laisse son esprit voguer dans le vent,
Se déleste des chaînes, des doutes et tourments,
Se fond dans le secret du temps épuisant.
Mais la réponse claire refuse son visage,
Comme une étoile cachée sous un orage ;
L’inconnu demeure, tendu dans l’éternel,
Une clé sans serrure, un rêve irréel.
Il quitte l’endroit, lentement, sans bruit,
Portant en lui l’ombre et la douce nuit ;
Son pas s’efface dans l’écho d’un passé,
Le mystère s’épaissit, jamais confronté.
Et sur le seuil béant, il se retourne encore,
Le vieil édifice, gardien des trésors,
Offre à celui qui cherche, en silence, sans voix,
L’écho d’un écho, la promesse parfois.
Car qui peut dire au juste ce que contient
Ce lieu suspendu où le temps se retient ?
Peut-être qu’au-delà du voile du doute,
Attendent les clés d’une autre route.
Le mystique s’en va, laissant à l’abandon
Cette cathédrale aux secrets profonds,
Portant dans son âme la douce blessure
D’un silence infini, d’une infime murmure.
Et dans le souffle long de ce soir qui s’éteint,
S’ouvre un songe vaste, miroir incertain —
Une porte entrouverte sur l’inconnu,
Dont seul le silence connaît l’incongru.