Le Pont des Adieux Silencieux
Un pont tendu, fragile, au-dessus des dédains ;
Là, l’Âme, solitaire, en l’ombre de son soir,
Vient déposer son fardeau, ses adieux incertains.
Le fleuve, vaste oracle aux reflets chiffonnés,
Garde en ses bras muets les soupirs des vents morts,
Échos d’un temps révolu aux instants abandonnés,
Où se nouent les regrets au creux des ports.
Âme, ô voyageur de la douleur muette,
Tu marches avec l’ombre au pas lourd, sans retour ;
Ton cœur est un exil que nul soleil n’apprête,
Une prison d’espoir où se meurt le jour.
Là, sous la voûte d’air, le vent s’allonge et pleure,
Portant les halètements d’un corps lassé,
Chaque soupir brisé tisse une œuvre de peur,
En cette traversée où s’est tout défait.
« Adieu, murmure funèbre, adieu à ce monde,
Où l’âme enchaînée cherchait sa liberté. »
Ainsi parle en silence, aux paroles profondes,
Le passant qui s’arrête aux destins brisés.
Sa pensée dérive, embrasse la mémoire
D’un temps où au rivage, un regard s’est perdu,
Un serment évaporé dans le souffle illusoire,
Une promesse éteinte, à jamais disparue.
Ô pont, funeste lien entre deux solitudes,
Ta corde suspendue aux nues des regrets,
Figure d’un instant où s’évanouit l’habitude,
Où le présent se brise aux couleurs des arrêts.
Les pierres chantent bas sous les pas d’Âme lasse,
Telles les lèvres closes d’un rêve à jamais tu,
Et chaque battement d’air dans cette masse
Fait danser les ombres sous un ciel déçu.
La mélancolie roule au fil des courants,
Emportant les espoirs dans les plis du ruisseau,
Et le vent, messager des soupirs errants,
Compose un chant funèbre aux accents si beaux.
« Comme oublier ces heures où brillait la lumière ? »
S’interroge l’Âme sur la rive incertaine,
Puis se perd dans le vide, dans l’ombre de la pierre,
Inondant ses sanglots de froide étreinte pleine.
Ô toi, cœur blessé qui prends l’ultime chemin,
Ne sens-tu point vibrer sous tes pas hésitants,
L’écho de ces adieux mêlés aux souffle du matin,
Qui meurent au détour des flots navigants ?
Le pont gémit de son métal vacillant,
Comme un frêle espoir que l’on s’apprête à rompre ;
Sous l’azur déserteur, le temps se fait crissant,
Et l’Âme, en cet instant, voit son monde s’effondre.
La brume engloutit les derniers rayons d’or,
Et le silence, profond, épouse le néant ;
Seul un chant partagé par le vent qui dévore,
Fait vibrer l’absence d’un souffle mourant.
« Adieu », souffle l’Âme à l’onde noire et froide,
« Adieu à ce pont dressé au-delà du regret,
Où tout fut un instant d’illusion, une croix de honte,
Une marche vers l’oubli pourtant tant désiré. »
Ainsi s’éteint la voix dans l’écho des soupirs,
Le pont se referme, défenseur du silence ;
Et l’Âme disparue en ses longues délires,
N’est plus qu’un frisson sur l’eau, une douce absence.
Le pont reste, vestige d’un rêve suspendu,
Au-dessus du fleuve, éclat de mélancolie ;
Il porte l’empreinte d’adieux jamais rendus,
Garde le poids sourd d’une douleur infinie.
Dans le vent qui s’élève, un soupir se propage,
Un dernier cri perdu dans l’ombre des vieux jours ;
L’Âme s’est retirée, engloutie par l’orage,
Laissant derrière elle la mémoire du retour.
Sur le fleuve abyssal, dans l’orbe silencieuse,
Le pont comme un tombeau touche à son dernier souffle ;
Écho d’une vie, d’une tristesse précieuse,
Onde meurtrie où s’éteint la lumière souple.
Ô passant, regarde ce pont aux ans voilés,
Vois l’Âme qui s’efface en ses longs regrets tissés ;
Et retiens qu’en ce lieu sombre, où tout s’est mêlé,
Le silence est roi, et le temps est blessé.