L’ÉCHO D’UNE MÉMOIRE ÉVANESCENTE
Où le sable, impassible, se mue en une mer muette,
Errant, le soldat, revenant du tumulte infernal du front,
Se trouve seul face à l’éternelle mélancolie des dunes,
Portant dans ses yeux l’ombre d’un passé inexorable
Et dans son âme meurtrie, le soupir de mille adieux.
Il marche, pas alourdis par la poussière des jours révolus,
Sur la route incertaine d’une quête vouée à l’oubli,
Les souvenirs se déliançant tel un voile de brume,
Sur les vestiges d’un rêve naufragé, en exil et en silence.
Chaque grain de sable vibrant sous le souffle du vent
Porte en lui l’écho d’un temps où l’espoir se faisait rocher.
Aux confins de la mémoire, le soldat se souvient
Des fracas des combats, de la fureur des armes,
Où, jadis, les éclats d’une gloire vaine obscurcissaient
Les lueurs de l’amour fraternel et de la douce clarté de l’instant.
Mais ici, au cœur de ce désert infini, l’euphorie s’écroule,
Et il se voit, spectre errant, abîmé par le souvenir.
Sous un ciel d’un bleu éthéré, déchiré par l’horizon,
Il murmure à lui-même, dans un souffle inaudible :
« Ô destin, pourquoi m’as-tu abandonné,
Aussi seul que l’ombre sur le sable brûlant ? »
Sa voix se mêle à celle du vent, en un chœur mélancolique,
Et l’air semble suspendu dans la lente agonie du temps.
Là, dans l’immensité, le désert se fait théâtre
Des rêves épars et des regrets muets,
Où chaque dune, chaque creux, se fait miroir
De l’âme en déroute d’un cœur qui ne sait oublier,
Des amis tombés au champ d’honneur et des sourires envolés,
Qui, un jour, par l’ardeur du combat furent fanés.
Il évoque ces instants où la vie paraissait ardente,
Où la fraternité régnait en maître sur la plaine,
Où, même l’ombre d’un soldat pouvait reléguer
Tout éclat de peine, nourrissant l’espérance
D’un lendemain où l’amour vaincrait la nuit.
Pourtant, sur cette terre d’errances, nul ne salue l’allégresse.
Dans le silence (trop lourd de solitude), se dressent des mirages,
Vaste fresque d’images d’un passé exalté et cruel,
Où le soldat, tel un funambule sur le fil du destin,
Confronté aux fantômes d’un rêve effacé, cherche jadis
À recouvrer la chaleur d’un regard ennemi devenu ami,
Et à effacer la blessure que la guerre a gravée en son cœur.
Il avance, pas après pas, dans l’aridité d’un temps déchu,
Où le vent effleure, caresse l’amertume de ses plaies;
L’horizon, comme une promesse incertaine, s’étire
Tandis qu’il épouse sa peine dans une danse silencieuse.
« À quoi bon poursuivre, » pense-t-il, « cette route sans retour,
Quand chaque écho de mes pas me rappelle un jamais soufflé ? »
Les dunes ondulent sous les lueurs d’un crépuscule flamboyant,
Et la nature, dans sa majesté immuable, se fait le témoin
Du périple obsessionnel du soldat en quête,
D’un salut illusoire, d’une rédemption trop trop lente,
Où l’ombre et la lumière se fondent en un pacte muet,
Nourrissant l’indicible douleur d’un cœur en errance.
Il se souvient des nuits glacées au campement,
D’un feu vacillant qui éclairait l’abîme de ses pensées,
Des paroles échangées sous l’étoile complice du ciel,
Où chaque confidente larme se perdait dans l’infini.
Ces murmures d’amitié, à jamais figés dans le temps,
Résonnent encore, tel un refrain de vie révolue.
« Où donc se cache le repos ? » interroge-t-il l’univers
Avec une voix pleine de supplications amères,
Cherchant un écho, une réponse dans le fracas du silence,
Mais trouver en vain que le son des vents, lugubres vers,
Ne fait que souligner la vacuité de sa destinée,
Et l’écrin froid où s’entortille son ultime espérance.
La quête, désormais, n’est qu’un chemin vers l’oubli,
Où se dissipent, comme des ombres, les vestiges d’un passé,
Et chaque pas le conduit plus loin de ce qu’il fut,
Vers une inévitable disparition dans l’immensité.
La vie, dans cette errance, n’est qu’un fil ténu se rompant,
Dans l’inexorabilité d’un destin froid et impitoyable.
Tout au long de son périple, il se heurte aux vestiges
D’une civilisation éphémère, marquée par l’empreinte du combat,
Où jadis résonnait, fier, le tambour de la vaillance,
N’écrivant plus que l’histoire d’un homme en perdition,
Sacrifiant l’amour et l’illusion sur l’autel de l’oubli,
Et voyant les ombres jadis proches se dissoudre en poussière.
Au cœur d’un moment de grâce mourante,
Lorsque le soleil enflamme de ses rayons incertains
Les dernières traces d’un jour qui s’enfuit,
Le soldat, épuisé, se redresse devant l’horizon,
Observant la fusion du ciel et du désert,
Dans une symphonie triste mêlée aux cris du vent désert.
Il se parle à lui-même, d’une voix vibrante et faible,
« Ô toi, ombre de mes jours anciens,
Si parmi ces sables sans fin se trouve la clef
Qui saurait apaiser cette douleur lancinante,
Ne retiens point en ton cœur l’amertume des combats,
Mais accueille la paix, même si l’oubli doit être ta demeure. »
Ainsi, dans une ultime rencontre avec son reflet,
L’homme se voit, dans le creux d’un mirage,
L’image évanescente d’un être qui ne sera plus jamais entier,
Et les échos de son histoire se fondent dans le silence
De ce désert infini, où la quête se meurt doucement,
Emportant avec elle l’ardeur d’un destin tragiquement scellé.
Dans l’obscurité d’une nuit sans étoiles,
Quand le firmament se voile d’un linceul de ténèbres,
Les derniers battements de son cœur, comme un dernier battement
D’une musique endormie, s’entrelacent avec le vent,
Tandis qu’il s’abandonne au sommeil éternel,
Laissant derrière lui le sillage d’une existence effacée.
Le désert, témoin impassible de cette lutte intérieure,
Absorbe avec une infinie tristesse l’âme d’un homme
Qui, dans la course infernale entre passé et présent,
N’a su trouver que la douleur, et l’ombre du souvenir,
Allant vers l’oubli comme un tribut inéluctable
D’un destin cruel, mais d’une beauté tragiquement romantique.
Et quand la première lueur de l’aube survient,
Dessinant sur le sable les stigmates d’une nuit d’agonie,
Le vent s’empare des derniers mots murmurés,
Les transformant en poussière d’or dans une danse macabre
Où la mélancolie s’inscrit en lettres de sable,
Écrivant à jamais le poème funeste de ce soldat éthéré.
Telle est la fin, inévitable, d’une quête vaine et sincère,
Naviguant entre l’ombre et la lumière,
Sur le sentier désert, où le passé se dissipe
Et où l’âme, en quête d’un repos impossible,
Se fond dans le néant, emportant le souffle d’un amour
Qui, jadis si vibrant, n’a laissé qu’un regret intemporel.
Ô lecteur, contemple l’écho d’une mémoire évanescente,
Laisse-toi porter par ce flot de tristesse et de beauté,
Car en ces vers se cache l’ultime vérité
De la condition humaine, fragile et douloureuse :
Même le plus vaillant des cœurs, au terme de sa lutte,
Succombe inévitablement aux bras de l’oubli.
Le soldat, arraché à son passé, à ses espoirs naufragés,
S’est éteint dans le murmure d’un désert sans fin,
Et son souvenir, tel un spectre errant sous la voûte céleste,
Résonne encore en échos incertains, vibrants d’une mélancolie
Qui ne s’éteindra jamais, mais continuera de hanter
Les abîmes de nos âmes, témoins fragiles de nos propres quêtes d’infini.
Dans le silence persistant du désert,
Où chaque ombre rappelle l’illusion d’une vie révolue,
Le soldat repose désormais, libre de ses chaînes terrestres,
Emporté par le vent, en communion éternelle avec l’oubli,
Laissant derrière lui cette quête tragique, inéluctable,
Où la mélancolie se fait écho d’une vie, un rêve, une âme disparue.