La Symphonie du Crépuscule
Sous la voûte courbée qu’effleure un dernier pleur,
Les âmes en méditation, sereines et flottantes,
S’unissent en un souffle aux teintes enveloppantes.
Le crépuscule d’or, tel un voile suspendu,
Tisse ses fils d’ombre au sein des murs défendus,
Ombres dansantes, pesantes, sur l’étoffe du temps,
Qui portent l’écho doux d’un monde expirant.
Là, dans la vaste nef où l’écho suspend son chant,
Les âmes s’assemblent, confuses, en cet instant.
Figure sans visage, orbe en suspension,
Communient silencieusement en fusion.
Chacune porte en soi l’éclat d’un long voyage,
Entre vivre et mourir, au bord du rivage,
Où l’invisible flotte, allégresse et dilemme,
Poids léger de l’être, éternel problème.
Une chute lente aux reflets incandescents,
S’empare du décor, éteint les feux charmants,
Quand la clarté s’efface, et que le vent du soir
Murmure aux pierres froides un soupir, un espoir.
Dans cette vieille église, creuset du silence,
Les âmes s’entrelacent en profonde révérence,
Chantent l’ultime geste, cette étrange lueur,
Où s’amalgame en pleurs la mort et le bonheur.
L’une, plus lourde encore, se penche et se recueille,
Sa voix intérieure, un chagrin sans orgueil :
« Sommes-nous que poussière et rêve en dissolu,
Ou la promesse ardente d’un cycle continu ? »
Ses compagnons se taisent, mais leurs cœurs vibrants
Frissonnent en reflet d’un monde défaillant,
Car l’instant est fragile, mais condamné toujours,
À naître et à mourir au gré de ses détours.
Le plafond mouvant semble alors s’ouvrir en grâce,
Où le temps, omnipotent, dévoile sa carapace :
Nulle fin n’est vraie que l’aube réparatrice,
Mais chaque fin se mêle à l’éclat de l’office.
Un dialogue s’ébauche, entre l’ombre et la flamme,
Une fusion poignante, douce, mais sans trêve,
Où le dernier rayon touche la poussière,
Et transforme le néant en lumière éphémère.
« Souviens-toi, ô mon cœur, que de ces cendres froides,
Peut surgir une source, une pluie qui déborde ;
Mais à quel prix se paie cette renaissance ?
Dans le silence lourd d’une ultime danse ? »
Les âmes en méditation, suspendues au chagrin,
Affrontent l’indicible, dénouent leur destin.
Elles savent qu’en cet instant où la lumière s’efface,
La fin n’est qu’un pas vers l’invisible espace.
Mais l’espace se referme avec un souffle court,
Et la pénombre gagne, recouvre le parcours,
Comme un voile funèbre sur la scène fanée,
Dévoilant l’âpreté d’une histoire brisée.
Alors l’une se fend, une plainte étouffée,
Un murmure se brise au creux de la vérité :
« Nous étions lumière, nous sommes poussière,
Confondus dans l’ombre, frêles et éphémères. »
Les autres acquiescent, dans un dernier frisson,
Comme des feuilles mortes emportées par les saisons,
Leur souffle s’adoucit, leur flamme se retire,
Mais dans ce retrait même, une force expire.
Une symphonie lente dérive en choeur flétri,
Où le crépuscule pleure le temps qui s’a enfui,
Telle une onde fragile sur le sable doré,
Marquée des pas lourds d’un futur abandonné.
Dans ce lieu suspendu où la lumière chancelle,
Les âmes liquides s’éteignent, étincelles,
Et la vieille église, témoin de ces adieux,
Garde en ses pierres froides le secret des lieux.
Fusion poignante entre fin et commencement,
Où l’éphémère enlace le poids du temps.
Ainsi meurt en silence la douce méditation,
Dans le chant sourd d’une triste conclusion.