Les Voix du Corridor
Où les murs s’effritent en poussières d’oubli,
Errant solitaire au pas las, disparu
Au creux d’un long couloir veiné d’ennui,
L’Âme en errance cherche un fragile murmure,
Une résonance aux silences assombris,
Un souffle, un reflet d’un être qui s’azur,
Dans ce désert froid où rien ne survit.
Les voûtes, glaciales, étendent leur silence,
Un linceul d’échos sur des dalles rudes,
Le vent s’y hasarde en lente cadences,
Mais nul son ne traîne, nul rire ou plainte crue.
L’Errant, aux yeux creux, entrouvre la mémoire,
Capte en l’abîme vaste des sonorités mortes,
Un soupir profond, fumée de l’histoire,
Une étrange douceur, voilée, qui emporte.
« Qui donc réside en toi, ô silence pesant ? »
Murmure-t-il, sa voix brisée par le froid,
« Quel reflet d’humanité s’offre en attendant,
Que mon cœur vain entende le chant de soi ? »
Il avance, le regard fouillant les ténèbres,
Chaque pas fait vibrer le temps immobile,
Les ombres se désolent, lentes, funèbres,
Sur les murs fanés, sous la pierre fragile.
Parfois, au détour d’un pilier délabré,
Un voile d’illusion caresse son âme,
Et dans l’invisible, un frisson soudain naît,
Comme un écho lointain, érodé de calme.
Cet écho, incertain, déchirure du vide,
Un souffle spectral, dernier souffle humain,
Réveille en son être l’espérance avide,
D’une voix qui le sortirait du lointain.
Les pensées s’emmêlent, entre doute et quête,
L’Errant s’interroge, fidèle à son propre reflet :
« Ne suis-je que ce spectre, errant sans comète,
Cherchant un mot, une âme, un point où s’arrêter ? »
Mais le corridor s’étire, sans fin, sans lumière,
Miroir cruel d’une condition humaine,
Un voyage au cœur d’une pensée austère,
Où le vide répond, infini et diaphane.
Le silence s’étoffe, se fait présence dense,
Il emplit les creux et les fissures anciennes,
Comme un chant sourd, source de révérence,
Le lieu même semble ouvrir ses artères incertaines.
Alors l’Errant parle, brisant l’aberration,
Sa voix tremble, fragile éclat dans la nuit,
« Ô silence, sois ma seule consolation,
Fais-moi entendre l’écho qui me suit. »
Mais la réponse est nue, un souffle imperceptible,
Une onde légère sur la pierre meurtrie,
Le vide résonne d’un murmure indicible,
L’écho du cœur seul, et rien d’autre ici.
Il s’enfonce plus avant, âme en dérive lente,
Dans ce royaume creux de pierre et de nuit,
Errant parmi les spectres d’une mémoire absente,
Cherchant à réunir ce qui jamais ne fuit.
Chaque pas fait vibrer la mémoire suspendue,
Les voûtes pleurent des gouttes de poussière,
Le temps s’efface, se perd, se disjoint tendu,
Dans les replis sombres d’une ancienne lumière.
Les pierres gravent en lui une étrange mélodie,
Que porte le vent, fragile baiser muet,
Un silence chargé d’une secrète furie,
Où s’enlacent les rêves que nul n’a jamais tu.
Et voici qu’au loin, une porte entrevue,
Peu à peu s’ouvre sur un éclat indéfini,
Une lueur tremblante, d’un pâle je-ne-sais-quoi,
Comme une promesse suspendue entre les nuits.
L’Errant titube vers ce frémissement lointain,
Tant d’années ensevelies dans ce froid corridor,
Peut-être une sortie, un possible chemin,
Ou bien l’abîme encore, cette impétueuse aurore.
Il s’arrête alors, attente et doute mêlés,
Son cœur s’emballe à l’orée du mystère,
Seul au seuil d’un monde qui pourrait l’accueillir,
Ou lui laisser l’éternel poids de la pierre.
Le silence alors se fait lourd, presque vivant,
Comme si l’espace lui-même retenait le souffle,
Et l’Errant, saisi d’un vertige troublant,
Songe que l’écho n’est peut-être qu’une trêve qui s’essouffle.
Le dernier souffle s’efface, anié d’espoir,
Mais il reste le vide, cette vaste corolle,
Un espace ouvert, où se brise la mémoire,
Où le temps suspend son infinie parole.
Ainsi s’achève l’errance, mais non la quête,
Car parmi ces murs, sous les étoiles absentes,
L’écho se dérobe, mais jamais ne s’arrête,
Et l’âme continue, éternelle, patiente.
Ô toi qui marches dans les couloirs du silence,
Sache qu’en chaque pierre gît un mystère ardent,
Un chant inachevé, plein de douce violence,
Où l’ombre et la lumière s’entrelacent au vent.
Tu trouveras peut-être, au détour des ruines,
Cette voix intérieure que nul ne peut saisir,
Mais dans ce vide immense où tout se devine,
L’écho est un leurre, un début, un avenir.