Lamentations d’un Aube Éteinte
I
Dans l’ombre épaisse d’un temps en renaissances,
Où l’espoir renaît sous les cieux d’espérance,
Errant, solitaire, dans la brume des vestiges,
Vivait un musicien aux songes prodigieux et fous,
Vagabond des routes, égaré parmi les usages,
Dont la lyre chantait l’amour en vers mélodieux ;
Sous l’azur vacillant des jours aux rares auspices,
Sa peine en silences peints en notes harmonieuses.
II
Au détour d’un sentier, aux pierres en décadence,
Se dressait un château aux fastes d’autrefois,
Oublié par le temps, prison d’une révérence,
Où jadis régnaient mille feux, mille éclats ;
Là, l’âme de l’édifice offrait sa présence,
En murmures de vents, en ombres de soie,
Et le musicien, ému par la douce absence,
Croisa le seuil d’un lieu aux douleurs d’autrefois.
III
Dans ce palais abandonné, aux tours en délire,
Chaque mur portait la trace d’une ère exquise ;
Les arches défraîchies semblaient en désir
De conter mille légendes, d’ôter la bise ;
Ainsi s’ouvrait, en un souffle, l’antique empire,
Réminiscence d’un temps de faste et de devise,
Où, dans l’âme des pierres, s’allumait le souvenir
D’un amour interdit que le destin divise.
IV
Le musicien, le cœur vibrant d’ardente ivresse,
Accosta ce sanctuaire de splendeur déchue ;
Ses pas, en écho aux soupirs d’une tristesse,
Résonnaient sur le marbre d’une histoire perdue ;
Il se sentait l’écho d’une noble caresse,
L’empreinte d’un amour jadis si reconnu,
Quand, en la clarté d’une nuit enchanteresse,
Une dame apparut – ombre aux yeux désunis.
V
Elle était l’âme d’un rêve et l’éclat de l’aurore,
Aux traits délicats, par le destin fauchée ;
Laissant, sur son front pâle, d’effleurés décors
De souvenirs d’un temps où renaissait la beauté ;
Leurs regards se lièrent, en un instant encore,
Frôlant l’infini d’une espérance murmurée ;
Mais le destin, cruel, trahit la vie et son or,
Scellant en silence leur triste vérité.
VI
« Ô vous, muse évanescente, bel astre de lumière,
Quelle chanson me redonnera le goût du bonheur ? »
Interrogea-t-il, la voix pleine d’une prière,
Tandis qu’en son œil tremblait une larme de douleur.
La dame, d’un geste doux, perça la nuit amère,
Répondant d’un ton las et empli de douceur :
« Notre amour est un songe, fragile chimère,
Que le temps, en son inéluctable course, efface en pleurs. »
VII
Ainsi se fit le serment, sous voiles de destinée,
Dans le silence empli d’orangers et de cyprès ;
Le musicien, cœur en fête et en éternelle émoi,
S’arma de sa lyre pour composer l’adieu :
Chaque note, en résonance, portait sa foi
Et l’espoir fragile d’un futur moins malheureux ;
Mais le destin lui-même tissait l’amère croix
De la séparation, de l’éphémère jeu.
VIII
Les jours s’égrenant en accords désespérés,
Offraient à l’âme errante un chemin de regrets ;
Au sein du vieux château, résonnait la clameur
D’un passé retrouvant ses fastes d’autrefois ;
L’écho des violons, par la pierre tourmenté,
Évoquait le bonheur d’une union que l’on croit
Hélas, destinée à finir en douleur,
Car l’amour sincère se meurt sous mille lueurs.
IX
Dans les corridors vides, le temps se suspendait,
Et le musicien, en errance, se faisait prieur
Des réminiscences d’un temps qui s’en allait,
Où la pureté d’un baiser unissait les cœurs ;
Chaque souffle de vent en secret murmurait
La douce mélodie d’amours aux vives lueurs ;
Mais sous le regard morne du destin inhumain,
Sa bien-aimée s’effaçait, s’éloignant du chemin.
X
« Ma dulcinée, ô flamme de mes jours incertains,
Pourquoi faut-il que nos âmes soient déchirées ? »
Murmura-t-il, étreint par le destin malsain,
Observant ses rêves en poussière dispersées ;
La dame, pâle fantôme, aux yeux si sereins,
Répliqua, d’un soupir aux notes désolées :
« Le sort nous condamne à un amour en déclin,
Où, pour survivre, il nous faut nous séparer. »
XI
Leurs voix s’unirent, telles deux rivières en peine,
Dans l’étreinte sacrée d’un ultime serment :
Tel un adagio amer, où l’instant se traîne,
Ils conviaient l’espoir à errer seul dans le vent ;
L’amour, fragile esquif, aux vents de l’ombre humaine,
Glissait sur les flots d’un destin implacable ;
Et le château, en silence, pleurait dans sa peine
Le dernier accord d’une vie inévitable.
XII
Les murs anciens, témoins de mille passions,
Accueillirent en échos la plainte du musicien,
Dont la lyre, devenue naufragée des illusions,
Jouait des sonates tristes pour un hymne incertain ;
Chaque pierre soupirait sous les lourdes émotions,
Tandis que l’âme errante, en quête d’un lendemain,
Voyait s’effacer le temps d’une tendre union,
Confrontée aux affres d’un implacable destin.
XIII
Aurore maintenant, réveil d’un jour qui se fige,
Offrait peu à peu le tableau d’un amour déchu ;
La dame, dans la pâle lueur, semblait une ligue
D’ombres et de silences, en un adieu jamais vu ;
« Va, mon tendre troubadour, qu’en ton cœur j’abrite
La flamme d’un souvenir, d’un rêve jamais vaincu,
Mais le vaste monde réclame l’ultime fuite,
Et nos âmes, désormais, doivent se dire adieu. »
XIV
Ainsi, dans le hall immense, sous l’arche funeste,
Les deux êtres se séparaient au gré du destin,
Le musicien, le cœur en flammes et en geste,
S’en allait, emportant les accords d’un matin ;
Sa lyre, toute en pleurs, en son écho manifeste
La splendeur d’un amour condamné à l’éloignement ;
Le château, témoin muet de la douleur funeste,
Gardait l’empreinte d’un adieu aux accents sanglants.
XV
Les couloirs étroits semblaient pleurer des regrets,
Et, dans le silence froid des salles délaissées,
Résonnaient en échos des promesses aux attraits,
Des serments jadis graves aux cœurs sincères embrasés ;
Le musicien vagabond, en son âme meurtrie,
Portait en chaque note la nostalgie amère,
Celui qui jadis, par l’amour, fut si ébloui,
Voyait s’envoler son rêve en une ombre légère.
XVI
Errant sur les marches d’un escalier oublié,
Il évoquait la grâce et la pureté des jours,
Où sa muse, dans l’instant, en vérité incarnée,
Sculptait avec ses yeux l’art pur de ses amours ;
Mais le temps, implacable, forgeait sa destinée,
Saccageant d’un trait précis l’union des deux cœurs ;
Et le chant de la beauté, par le sort trahi,
Se dissolvait en larmes sur le marbre en pleurs.
XVII
Sous la voûte immense où se mêlaient les ombres,
Le musicien s’arrêta, en proie à l’inéluctable ;
Les derniers rayons d’or, sur l’horizon qui sombre,
Nourrissaient la vision d’un amour inévitable ;
Il sentait, en son esprit, la douleur qui s’encombre,
Et, dans sa lyre brisée, l’écho d’un chant lamentable.
« Adieu, ô bel idéal, mon rêve d’autrefois, »
Implorait-il en silence, en vers et en émoi.
XVIII
Alors, dans l’ultime soupir d’un vent qui se meurt,
La dame, en apparition, se fondit en l’air :
« Pars, cher ami, que notre adieu en pleurs
Trace un chemin de tristesse à travers l’univers ;
Car, dans la durée du temps, le destin se meurt,
Et l’amour qu’on scella en un instant éphémère
N’est que l’éclat fugace d’une vie en douleurs,
Où chaque aurore naît pour célébrer le désert. »
XIX
Là, dans l’immuable silence d’un palais déchu,
Le musicien vagabond, ancré en son grand chagrin,
Savait qu’à jamais l’amour, à la brèche incongrue,
Serait la fleur fanée d’un destin trop incertain ;
Avec sa lyre ensanglantée et ses notes abattues,
Il parcourut l’âme des lieux en un pèlerin,
Cherchant en chaque recoin l’ombre de sa muse,
Effleurant l’infini d’un rêve qui se fuse.
XX
Et, dans le crépuscule d’un dernier et funeste jour,
Les ombres s’allongèrent en un triste requiem ;
Le vent, porteur des adieux, dispersait l’amour,
Témoignant du drame scellé par le temps extrême.
Le musicien, en exil du bonheur d’antan,
Laissa son empreinte en vers sur le vieux parvis,
Où la mémoire d’un serment, jadis éblouissant,
Conserve l’écho d’un adieu, d’un instant incompris.
XXI
Dans la froideur du matin, aux ailes du passé,
Resplendissait encore la splendeur d’un souvenir,
Mais le cœur, meurtri, ne pouvait plus s’attacher
Aux mirages d’un bonheur trop fragile à retenir ;
Il errait, solitaire, sur les terres désolées,
Portant sur sa lyre la plainte d’un amour à fuir,
Savoir que la vie, d’un geste fatidique, brisée,
Emporterait sans retour l’espoir de se réunir.
XXII
Ainsi se fit l’épilogue d’un destin révolu,
Où l’âme d’un vagabond, en une infinie complainte,
Laissa un sillage d’horreurs et de larmes incongrues
Sur l’autel d’un château, témoin d’une passion éteinte.
Les vers du musicien, en un triste murmure,
Résonnent en échos dans l’oubli des couloirs,
Et, dans le silence d’un amour en fissures,
Vit l’humanité pleurer sa fatalité sans espoir.
XXIII
Là où jadis s’élevait l’ivresse d’un baiser,
Se dresse aujourd’hui le monument d’un adieu,
Le souvenir d’un rêve en flammes brisé,
Et l’âme d’un musicien, seul, errant comme un feu.
Chaque note envolée, chaque accord épuisé,
Rappelle aux cœurs meurtris la vanité des jeux,
Où l’amour se délite, dans l’ombre de l’éternité,
Et la renaissance se meurt, en un secret douloureux.
XXIV
Ô lecteur, contemple en ce monument funeste
La tragédie éternelle d’un amour inavoué,
Où le destin, par son art cruel et sinistre,
Fauche le bonheur au détour d’un chemin sacré.
Retiens donc ce chant, cette lyre délaissée,
Témoignage poignant d’un rêve inachevé,
Car en chaque adieu, en chaque larme versée,
Vibre la mélodie d’une vie à jamais fanée.
XXV
Dans l’ultime soupir d’un crépuscule absurde,
Le vagabond s’éloigne, son regard lourd d’amertume,
Et dans le château abandonné, la pierre s’excuse
D’avoir vu s’évanouir la lueur d’un cœur en brume.
La renaissance, jadis sérénade d’un temps superbe,
N’est plus qu’un regret, une ombre que la vie consume ;
Ainsi se scelle, pour l’éternité, la douloureuse rumeur
D’un amour fuyant, d’un adieu, d’une ultime ode à l’horreur.
XXVI
Et quand, jadis, vous lirez ces vers en souffrance,
Que le cœur en émoi se perde en méditation,
Sachez qu’en chaque note, en chaque ultime cadence,
Vit la tragédie sublime d’une humaine condition.
Car l’amour, tel un astre, brille en pure incandescence,
Avant de s’éteindre, victime de sa propre passion,
Et ce musicien errant, en sa mélancolie dense,
Laisse en nos âmes l’empreinte d’un adieu sans rémission.
XXVII
Ainsi s’achève l’épopée, en un triste crépuscule,
Où la Renaissance, jadis chantée en mille refrains,
Conserve dans le silence d’un château en virgule
La plainte éplorée d’un cœur battant vers ses chagrins.
Et dans l’ultime lamentation d’une âme qui s’accuble,
Le musicien vagabond s’efface parmi ses desseins,
Laisse derrière lui un sillage d’espoir et de naufrage,
Témoignant que, parfois, l’amour se meurt en hommage.
XXVIII
Que retentisse alors, dans l’écho du firmament,
La triste symphonie d’un adieu inévitable ;
Quiconque, en lisant ces vers vibrera en ressentiment
Devant l’inéluctable destin, l’ombre inéluctable.
Car nul ne peut échapper aux implacables tourments,
Qui, de la Renaissance, font l’ultime fable ;
Le musicien, en errance, demeure en nos sentiments,
Témoin d’un rêve envolé, d’un amour ineffable.