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De Vent
Le poème ‘De Vent’ de Jean Orizet nous transporte au bord des falaises majestueuses, où la mer rencontre la terre. À travers des images puissantes, Orizet nous invite à réfléchir sur les luttes d’antan et la mémoire qui s’accroche aux paysages. Ce poème résonne avec une profondeur émotionnelle, reliant l’histoire des ancêtres à notre présent, tout en célébrant la beauté brute de la nature.
UN FORT SUR LA FALAISE Sur l’aigu des chevaux de frise et le grain dur des enceintes, combien d’épées, de haches et de lances ont ébréché leur fil, dès l’aube de l’Histoire, à Dun Aengus, formidable forteresse bâtie sur un vertige d’océan. Tous ici ont guerroyé dans la grande île d’Aran où les morts sont accroup’s sous les dalles: Pietés, Fir-Bolgs, Fomo-rés, Scythes, Ibères puis Gaëls, un siècle avant notre ère. Quand leurs batailles s’éteignaient, le troc prenait la relève, et du vin grec réjouissait le cœur des Celtes noyés dans les brumes de cette Ultima Thulé. Le grondement des rouleaux atlantiques, leur claquements métalliques contre les rochers, cent mètres plusbas sous l’à-pic, montent, en ce matin d’été, vers la muraille du fort qu’ils escaladent. Alors le voyageur, debout sur le terre-plein face au large, fermant les yeux l’espace d’une seconde afin d’échapper au vertige, croit entendre le tumulte des anciens combats; l’instant d’après, son regard ayant glissé vers une herbe étonnamment verte, il songe qu’à la fin, les guerriers se firent pasteurs, ce qu’ils sont aujourd’hui encore sur cette fracture de monde où les éclats de rire ont remplacé, dans le bleu des regards, tous les éclats de lances. FINIS TERRAE J’aime ces proues de continents où la terre, lasse de tendre l’échiné, s’abandonne à la mer en arêtes aiguës qu’un sceau d’écume estampille. Ce sont lieux de fractures, d’entailles, de déchirements, acteurs et témoins des assauts répétés que se livrent, depuis le commencement du monde, les forces qui fondent le monde et celles qui voudraient l’engloutir. Rien n’est joué, sur ces promontoires, du grand mouvement tellurique, d’où leur teneur en magie. Coups de lame en un même océan ou lignes de clivage entre deux mers contraires, points véliques des portulans sur la route des épices, ils nous parlent, au vent de l’Histoire, de naufrages et de conquêtes pour les essaims de caravelles et les armadas de galions. Au quotidien, ils disent la vie terraquée des bergers-pêcheurs, ceux du Cabo da Roca au Portugal, ceux de Slea Head en Irlande, autre pointe extrême à l’occident. Sur ces falaises, l’herbe est rendue glissante par la pluie et les embruns. Les moutons, parfois, y perdent pied et coulent vers l’abîme. Quand, par chance, une arête rocheuse interrompt leur chute, les bergers se font alpinistes et prennent tous les risques pour remonter la brebis égarée. Après les pointes à l’ouest j’ai vu les pointes au sud: Gibraltar où cesse encore l’Europe, et Le Cap où l’Afrique s’achève entre deux océans. Autres races, autres climats, autre faune, mais le même vertige des à-pics et des lointains. Sur ces fins de terre là, vivent des singes qui vont et viennent en liberté. A Gibraltar, on raconte qu’ils s’en iront le jour où les anglais feront de même. Au Cap de Bonne Espérance, pas de légende semblable. Nos singes du bout du monde semblent décidés à vivre sur leur éperon jusqu’à la fin des temps — ils y étaient à l’origine — quel que puisse être le destin des hommes blancs et noirs dont ils escaladent irrespectueusement les capots des voitures venues leur rendre visite. S’il fallait parier sur les derniers êtres vivants destinés à peupler ces rocs, je miserais volontiers sur les singes. MÉMOIRE DU NORD Rivages encore, ceux de la mer du Nord où je traque des lambeaux de vent que le temps, malgré moi, protège. Parti de Noordwijk j’ai marché vers Katwijk et presque jusqu’à Scheveningen baignée dans les nuages froids de Jacob Van Ruisdaël. Aux talons instables des dunes j’ai croisé des chevaux montés par des créatures d’outre-vague, écrasé des coques vides à la nacre naufragée, frôlé d’électriques méduses. Le vent m’a échappé ; le temps a buté contre un souffle qui tentait de réconcilier arbres d’os et barques pâlies. Me voilà au bout de ma course. Avec les pétroliers un autre monde surgit : mur à l’odeur de naphte où cogne un battement salé. Le demi-tour est impossible. Tandis que monte la marée, une bouffée de sable gris peu à peu m’envahit la gorge. Derrière un damier de tulipes et sous la griffe des moulins, je me noierai dans le soleil très pur d’une mémoire où « tout est vanité et poursuite du vent ».
Ce poème nous rappelle que chaque paysage porte en lui les échos du passé. Invitez-vous à explorer davantage les œuvres de Jean Orizet et à partager vos pensées sur cette belle fresque de mémoire et de nature.