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À la Néante
Dans ‘À la Néante’, René Daumal nous plonge dans un univers où l’amour se mêle à la souffrance, explorant les profondeurs de l’âme humaine. Écrit au 20ᵉ siècle, ce poème illustre la lutte existentielle de l’homme face au vide et à la douleur. La puissance des mots de Daumal continue de résonner aujourd’hui, invitant le lecteur à réfléchir sur la nature complexe de l’amour et du sacrifice.
Quel beau carnage sans colère en ton honneur, regarde : dans cette nuit polaire aussi blanche que noire, dans ce cœur dévasté aussi bien feu que glace, dans cette tête, grain de plomb ou pur espace, vois quel vide parfait se creuse pour ta gloire. Ni blanc ni noir ni feu ni glace, ni grain de plomb ni pur espace, ce monde-là est bien perdu ! Pour toi, suceuse de ma moelle, toi qui me fais froid dans le dos, pour toi cette dévastation — mais quel silence ! … silence et me voici, moi qui voulais crier toute la lourde douleur condensée minuscule dans le seul petit globe dur d’un univers, moi qui voulais montrer mon sang, comme il coulait quand mes ongles raclaient le dedans de mes côtes, moi qui cherchais des mots triomphaux pour chanter comme sifflait la hache dans les os de ma main quand je m’amputais de moi-même, me voici la parole coupée, me voici minuscule, perdu dans le vertige absolu de ton sein, me voici la voix blanche, me voici ridicule : tout cela n’était rien. Pour ta gloire, non pour la mienne, ce carnage, et sans colère. Ce n’était rien de renier le monde, de tuer le soleil, de tout trahir pour toi, d’assassiner les larves-reflets de moi-même, ce n’était rien de me crever les yeux : j’étais sûr de toi comme de ma mort, j’étais sûr de la toute-évidence de ma nuit qui est ton corps de silence vivant Mais des fantômes de toi-même sont venus, les vampires de soie me consolaient trop bien, la mort vivait trop bien dans les ombres du jour, le temps maudit et toujours neuf s’est renoué. Je ne cherche plus les cris triomphaux car je sais que pour chaque cellule qui divise ma vie, pour le plaisir mauvais qui l’engendra je dois une rançon de douleur infinie. Je m’écorche vivant à force de t’aimer, Mère des formes, sans forme ! toi que je torturais, que je torture encore dans ce lit de Procuste, ma forme honteuse d’homme: toi sans dimension et libre de frontières, je te couche sur ce grotesque lit nuptial, je voudrais t’enfermer dans cette peau stupide. Maintenant que j’ai juré fidélité, si j’aime des détresses vêtues de chairs vivantes, si j’aime le malheur visible dans un corps, que ces chairs meurent! et qu’il meure, ce corps! et qu’il souffre avec moi, et qu’il souffre pour toi. comme je vais dormir désormais à grands pas lentement dévoré cellule par cellule du feu cruel de cet amour lucide. Je ne peux plus te trahir, tu vois bien; «je suis mortel» ; ces mots sont la douceur du vide qui veulent dire : «je suis à toi». Je suis mortel ! Mortel ce que j’aime en ton nom ! Mais le jour de ma mort est interminable.
Ce poème soulève des questions profondes sur l’amour et le sacrifice. N’hésitez pas à partager vos réflexions sur l’œuvre de Daumal ou à découvrir d’autres poèmes qui traitent de thèmes similaires de passion et de douleur.