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À mon Cotre le Négrier

Tristan Corbière, poète du 19e siècle, nous plonge au cœur de la nostalgie maritime avec son poème ‘À mon Cotre le Négrier’. À travers des images évocatrices, il explore la séparation d’un marin et de son navire, symbole de liberté et d’aventure. Ce poème, empreint d’émotion, reste un témoignage poignant des luttes et des joies de la vie en mer.
Allons file, mon cotre! Adieu mon Négrier. Va, file aux mains d’un autre Qui pourra te noyer… Nous n’irons plus sur la vague lascive Nous gîter en fringuant! Plus nous n’irons à la molle dérive Nous rouler en rêvant… — Adieu, rouleur de cotre, Roule mon Négrier, Sous les pieds plats de l’autre Que tu pourras noyer. Va! nous n’irons plus rouler notre bosse… Tu cascadais fourbu; Les coups de mer arrosaient notre noce, Dis : en avons-nous bu!… — Et va, noceur de cotre! Noce, mon Négrier! Que sur ton pont se vautre Un noceur perruquier. …Et, tous les crins au vent, nos chaloupeuses ! Ces vierges à sabords! Te patinant dans nos courses mousseuses!… Ah! c’étaient les bons bords!… — Va, pourfendeur de lames, Pourfendre, ô Négrier! L’estomac à des dames Qui pairont leur loyer. …Et sur le dos rapide de la houle, Sur le roc au dos dur, À toc de toile allait ta coque soûle… — Mais toujours d’un œil sûr! — — Va te soûler, mon cotre : À crever! Négrier. Et montre bien à l’autre Qu’on savait louvoyer. …Il faisait beau quand nous mettions en panne, Vent-dedans vent-dessus; Comme on péchait!… Va : je suis dans la panne Où l’on ne pêche plus. — La mer jolie est belle Et les brisans sont blancs… Penché, trempe ton aile Avec les goélands!… Et cingle encor de ton fin mât-de-flèche, Le ciel qui court au loin. Va ! qu’en glissant, l’algue profonde lèche Ton ventre de marsouin! — Va, sans moi, sans ton âme; Et saille de l’avant!… Plus ne battras ma flamme Qui chicanait le vent. Que la risée enfle encor ta Fortune * En bandant tes agrès ! — Moi : plus d’agrès, de lest, ni de fortune… Ni de risée après! …Va-t’en, humant la brume Sans moi, prendre le frais, Sur la vague de plume… Va — Moi j’ai trop de frais. — Légère encor est pour toi la rafale Qui frisotte la mer! Va… — Pour moi seul, rafale, la rafale Soulève un flot amer!… Large voile de beau temps. — Dans ton âme de cotre, Pense à ton matelot Quand, d’un bord ou de l’autre, Remontera le flot… — Tu peux encor échouer ta carène Sur l’humide varech;. Mais moi j’échoue aux côtes de la gêne, Faute de fond — à sec —
Cette œuvre de Corbière incite à réfléchir sur la relation entre l’homme et la mer, ainsi que sur la beauté éphémère des souvenirs. N’hésitez pas à explorer davantage ses écrits pour découvrir d’autres facettes de sa poésie.

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