L’antilabe : une technique rhétorique en poésie dramatique
L’**antilabe** (du grec : ἀντι « mutuellement » ou « correspondant », λαβή, « prise » ou « poignée ») est une technique rhétorique utilisée dans le drame versifié ou le drame de salon, où une seule ligne de dialogue est répartie entre deux ou plusieurs personnages, voix ou entités. Le vers conserve généralement son intégrité métrique, tandis que les fragments de ligne prononcés par les personnages peuvent ou non être des phrases complètes. Dans la mise en page du texte, les fragments de ligne qui suivent le premier sont souvent indentés (« ligne tombante ») pour montrer l’unité de la ligne de vers.
Par exemple, dans un échange :
BRUTUS : Paix alors. Pas de mots. CLITUS : Je préfère me tuer.
Ces trois phrases prononcées par deux personnes ne forment en réalité qu’une seule ligne en vers libre :
Paix alors. Pas de mots. Je préfère me tuer.
Dans le drame grec ancien
« Le dispositif a vu le jour dans la tragédie classique comme un moyen d’intensifier la tension dramatique. » Il figure dans presque toutes les pièces de Sophocle et d’Euripide. Cette technique rend le dialogue moins solennel et plus agité : elle est particulièrement adaptée aux scènes d’excitation, où un locuteur réagit continuellement aux idées d’un autre. Par exemple, dans l’**Oedipe** de Sophocle, « lorsque Créon saisit Antigone, ils s’engagent dans une strophe lyrique excitée, pleine d’antilabe, à laquelle participent Œdipe, Créon et le chœur. » Dans **Électre**, l’antilabe se manifeste lorsque Oreste tente d’inciter Égisthe à entrer dans la maison afin de pouvoir le tuer. L’antilabe est utilisé avec une liberté particulière dans les œuvres tardives d’Euripide. Dans les pièces d’Eschyle, à l’exception possible de **Prométhée enchaîné**, ce phénomène n’apparaît pas.
« Les échanges dialogiques utilisant à la fois la stichomythie et l’antilabe sont fréquents chez Sénèque. Ils se retrouvent dans toutes les tragédies, sauf dans **Phoenissae**. »
Dans le drame de la Renaissance
David Eggenberger note que « [le dispositif] était fréquemment utilisé par les dramaturges de la Renaissance. » Un exemple extrême chez Shakespeare est :
Mort ? Mon seigneur ? Une tombe. Il ne vivra pas.
Exemple de poème en utilisant l’antilabe
Voici un exemple de poème qui illustre l’**antilabe** :
La nuit tombe, le ciel s'assombrit, Les étoiles brillent, scintillent, Dans le silence, une ombre passe, Un murmure doux, un souffle léger.
Dans ce poème, chaque ligne peut être considérée comme un fragment d’**antilabe**, où les idées se répondent et se complètent, créant ainsi une dynamique poétique. Par exemple, la première ligne est suivie d’une deuxième qui complète l’image, tout en restant distincte, ce qui renforce la continuité du thème nocturne.