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Au Pipirite Chantant
Jean Métellus, poète haïtien renommé, nous offre dans ‘Au Pipirite Chantant’ une exploration poignante de la vie rurale en Haïti. À travers un langage riche et évocateur, il nous fait découvrir le quotidien et les luttes du paysan haïtien, symbolisant la relation profonde entre l’homme, la terre et la spiritualité. Ce poème est une célébration vibrante de la vie, de l’espoir et de la résilience face aux adversités, ce qui en fait une œuvre essentielle dans la littérature haïtienne.
Au pipirite chantant le paysan haïtien a foulé le seuil du jour et dessine dans l’air, sur les pas du soleil, une image d’homme en croix étreignant la vie Puis bénissant la terre du vent pur de ses vœux, après avoir salué l’azur trempé de lumière, il arrose d’oraison la montagne oubliée, sans faveurs, sans engrais Au pipirite chantant pèse la menace d’un retour des larmes Au pipirite chantant les heures sont suspendues aux lèvres des plantations Si revient hier que ferons-nous? Et le paysan haïtien enjambe chaque matin la langue de l’aurore pour tuer le venin de ses nuits et rompre les épines de ses cauchemars Et dans le souffle du jour tous les loas sont nommés Au pipirite chantant le paysan haïtien, debout, aspire la clarté, le parfum des racines, la flèche des palmiers, la frondaison de l’aube Il déboute la misère de tous les pores de son corps et plonge dans la glèbe ses doigts magiques Le paysan haïtien sait se lever le matin pour aller ensevelir un songe, un souhait Sur des terrasses vêtues de pourpre il est happé par la vie, par les yeux des caféiers, par la chevelure du maïs se nourrissant des feux du ciel Le paysan haïtien au pipirite chantant lève le talon contre la nuit et va conter à la terre ses misères dans l’animation d’une chandelle Et son oreille croit plus à la patience des végétaux qu’au vertige du geste, à l’insurrection des herbages plutôt qu’aux prodiges du sermonnaire Car il méprise la mémoire et fabrique des projets Il révoque le passé tressé par les fléaux et les fumées Et dès le point du jour il conte sa gloire sur les galeries fraîches des jeunes pousses A la barbe des dieux, un baume infatigable enchante les feuillages, murmure dans les ruisseaux, s’enracine dans le sol, babille dans les basse-cours, rugit dans l’océan, épie les hommes et azure l’horizon Et le paysan accuse destin baigné de nuit, journées sans arôme, sommeil lavé de larmes et vie aux fibres brisées Au pipirite chantant dans l’eau pure de la source, le paysan se rase, rafraîchit ses jours et attend la caresse du soleil Au pipirite chantant ce prince d’avant-jour s’habille d’innocence, agrippe les sentiers et bénit l’existence Et le sursaut de ses efforts exalte les vergers repus de germes, d’épis, de sueurs humaines Dans le roucoulement de l’aube Sa femme endiablée, sonore de mal-aise, pressait les pas de la grâce Debout avant le jour dans les éclats d’un songe Cheveux dénoués, narines inquiètes tâtant les miettes de la vie Les yeux affamés de signes Oreilles en alerte, intrépides, mesurant le champ du silence, explorant le ressac des heures, en vérité attentives à toutes les rafales des ondes La mère, la mère debout a fait le tour de la maison Saoulée, sans sourire et sans sexe, sans loisirs, sans désirs, elle s’attaquait aux vapeurs de la peur, aux serrures de la solitude, aux peines qui fleurissaient dans l’aube Elle murmurait, repassait, débrouillait un cauchemar Et les fumées de la foi jaillissaient camouflées des coloris de l’enfer, tannées, perdues dans l’estuaire des tempes, soufflées par la soif Ainsi pour elle commençait le blasphème Car un mot effrité est un monde chaviré, une parole délavée, une poitrine offensée, un plaisir englouti, un levain contrarié Pour cette mère se levait la vie De son jeûne surgissaient des souvenirs saccagés, des gisements d’impatience, Et toutes les mères souffraient dans une savane somptueuse parmi les anolis, les assises des termites, les tiques, les fourmis Avant la pointe du jour cette mère méditait Sur la matrice plus féconde que la terre Sur les pousses et les gousses de son corps Sur le sang noir de chaque lunaison Sur les volcans qu’animent ses hanches Cette mère hélait la vie, la blâmait, mesurant le brisement de ses jouissances Elle étourdissait la foi Ses jours sculptaient un amas de tessons Ses efforts offusquaient le sort L’enfer dans son foyer jappait Et qui peut accomplir les desseins de l’enfer si ce n’est le démon lui-même Le diable tonnait L’héritière de l’enfer chantait Elle brassait sa raison poivrée dans la fanfare des funérailles Le diable l’a purifiée et elle s’est endiablée Pour le sommeil et le pain de ses fils Et l’arbre à pain lui tint ce discours : L’écorce de ma santé a grandi Je suis le conquérant des îles Géant et généreux Paré comme de cheveux froissés Comme une aigrette rebelle Hérissé d’humeurs, de prodiges Vêtu de la chair même du jour Ma frondaison assiste au repos du midi Entrailles roses des sanglots du monde Comme un pain de sève silencieuse Huppé comme une comète j’écoute les débats du soir Et ma ramure, mon aubier, mon pied et mon houppier décousent les les contes, les plaintes, remuent l’impact de la vision et raniment les rêves Mon front mesure l’élan de tout vœu Car j’ai logé en tous ma chanson frissonnante Et j’ai donné le plus actif de ma moelle au murmure de la faim J’ai affecté d’éclat la souveraineté du corps Mon épaule ivre délivre toute vertu Ma peau, ma chair, lumière Ma grandeur et ma houppe Tige agreste de l’été, cime frondescente et touffue Les voilà prêtes à la révolution Je dis oui au souffle des Caraïbes Je trafiquerai de la violence J’effeuillerai le repos Comme le soleil baignant la terre Comme les piquants dérouillant les pieds du voyageur Nu, ailé, effilé Je serai là le jour des grandes cérémonies comme un sentier brillant, sensualité claire et vigile, mouillé comme le désir alerte et boursouflé Je protègerai les outrés et les insoumis, les indignés et les émeutiers Mes fruits par grappe se livreront La glèbe entière fourmillera de graines et de drupes Je serai le bras des mutins, le glaive des indigents Et sur tout homme et sur toute vie je répandrai l’arôme salace des grandes insurrections Au piripite chantant chaque goutte de rosée, chaque branche frémissante, le vent caressant les tonnelles, sont messagers des esprits Au piripite chantant la tristesse peint le cœur L’espoir lui-même est sulfureux La campagne avive ses mystères Elle traque déjà ses morts Son ventre est gros de portée de soucis Les morts grandissent sous les vivants Et la plaine d’Haïti a reçu son brin d’eau L’eau de la source amenée par les canaux L’eau du ciel comme un toit de rosée L’eau des yeux comme un enfant sans pain Le sang d’une mère happée par le délire.
En conclusion, ‘Au Pipirite Chantant’ de Jean Métellus invite à une réflexion sur la résilience humaine et la beauté simple de la vie rurale. N’hésitez pas à explorer d’autres œuvres de cet auteur pour ressentir toute la profondeur de sa poésie et ses réflexions sur l’existence.