Le soleil a fini, recommencé son tour :
Je puis enfin vers ta demeure
Tourner mes tristes yeux lassés de voir le jour.
O toi, jadis l’objet du plus ardent amour !
Toi, que j’aimais encor d’une amitié si tendre,
Eucharis, si tu peux m’entendre
Des bords du fleuve affreux qu’on passe sans retour,
Reçois ces derniers vers que j’adresse à ta cendre !
Lorsque du sort, si jeune, éprouvant la rigueur,
Tu périssais, hélas! d’un mal lent et funeste,
Moi-même, tu le sais, consumé de langueur,
Je voyais de mes jours s’évanouir le reste.
Tu mourus : à ce coup, j’en atteste les dieux.
Je demandai la mort ; j’étais prêt à te suivre ; À mes plus chers amis j’avais fait mes adieux.
Catilie à l’instant vint s’offrir à mes yeux,
Me serra sur son cœur; et je promis de vivre.
Trop heureux sous sa douce loi,
Elle-même aujourd’hui permet que je t’écrive :
Tout ce qui te connut te regrette avec moi.
Et cherche à consoler ton ombre fugitive.
Déjà, les yeux mouillés de pleurs,
Et brisant son beau luth qui résonnait encore.
Le doux chantre d’Êléonore ‘
Sur tes restes chéris a répandu des fleurs.
Il t’élève un tombeau; c’est assez pour ta gloire.
Moi, plus timide, tout auprès
Je choisis un jeune cyprès,
Et là je grave notre histoire. À ce mot,
Eucharis, ne va point t’alarmer.
Loin de moi tous ces noms dont un amant accable
L’objet qu’il cesse de charmer !
Le temps a dû me désarmer.
Et ton cœur n’est point si coupable.
Pour un autre que moi s’il a pu s’enflammer.
Sans doute il était plus aimable…
Hélas! savait-il mieux aimer?
N’importe : dors en paix, ombre toujours chérie ;
D’un reproche jaloux ne crains plus la rigueur :
Ma haine s’est évanouie.
Tu fis, sept ans entiers, le bonheur de ma vie ;
C’est le seul souvenir qui reste dans mon cœur.