Un piano chantait dans ces quartiers blancs et neufs où les lauriers, les grilles, les sycomores trembleurs font penser à des amours de pensionnaires.
Les vignes-vierges, comme des cordes de piments rouges,
rampaient dans le vent triste comme une flûte,
qui soufflait doucement dans le crépuscule,
à cette heure où, comme les cœurs, les feuilles bougent.
Mon âme, que ce soit le matin ou le soir, aime les grands murs blancs qui ont des lèvres de roses.
Elle aime les portes fermées qui gardent des choses qui s’enfoncent dans l’ombre où est la véranda.
Amaryllia se promenait à mon côté.
Soucieuse, elle saisit ma canne d’ébène,
comme en devaient avoir, au déclin des Étés
les vieux rêveurs comme
Bernardin de
Saint-Pierre.
Elle me regarda et dit : «
Comme je t’aime…
Je ne me lasse pas de répéter ces mots…
Dis-moi encore que tu m’aimes. »
Je dis : «
Je t’aime… »
Et mon cœur tremblait comme de noirs rameaux.
Il me sembla alors que mon amour pour elle s’échappait en tremblant dans le jour rose et mûr, et que j’allais fleurir, derrière les doux murs, les sabres des glaïeuls dans
les tristes pa -terres.
Vers elle je penchai ma lèvre, mais sans prendre le baiser qu’elle s’attendait à recueillir.
Ce fut plus tendre encore qu’une guêpe chantante qui voudrait sans vouloir se poser sur un lis.
C’était l’heure où l’on voit les premières lumières éclairer la buée des vitres, dans les chambres où, penchés sur un atlas clair, les écoliers
peignent l’Océanie avec des couleurs tendres.
Amaryllia me dit : «
Ah! les petites riches… «
En voici deux qui rentrent avec l’institutrice… »
Alors mon cœur devint grave comme l’Évangile, en entendant
Ces mots, et triste à en mourir.
Ô mon
Dieu !
Je crus voir, à plus de vingt ans de là, la petite enfant que fut
Amaryllia.
Ah! elle était sans doute un peu pauvre et malade… Ô
Amaryllia!
Dis?
Où est ton cartable?
Et, au moment où les enfants riches passèrent, je me sentis trembler au bras de mon amie.
Mon cœur se contractait à la pensée d’un
Christ qui n’appelait à lui que les fils d’ouvriers.