Le couplet élégiaque : une forme poétique ancienne
Le couplet élégiaque est une forme poétique utilisée par les poètes lyriques grecs pour aborder divers thèmes, généralement de moindre envergure que ceux des épopées. Les poètes romains, en particulier Catulle, Properce, Tibulle et Ovide, ont adopté cette même forme en latin plusieurs siècles plus tard. Comme avec le couplet héroïque anglais, chaque paire de vers a souvent un sens propre tout en faisant partie d’une œuvre plus vaste.
Chaque couplet se compose d’un vers en hexamètre dactylique suivi d’un vers en pentamètre dactylique. Voici une représentation graphique de sa scansion :
– uu | – uu | – uu | – uu | – uu | – x
– uu | – uu | – || – uu | – uu | –
– représente une syllabe longue, u une syllabe courte, uu une syllabe longue ou deux syllabes courtes, et x est une syllabe longue ou courte (anceps).
Les anciens percevaient cette forme comme un contraste entre l’action montante du premier vers et la qualité descendante du second. Le sentiment est résumé dans une ligne des Amores d’Ovide : « Que mon œuvre monte en six étapes, retombe en cinq. » L’effet est illustré par le couplet de Friedrich Schiller :
Im Hexameter steigt des Springquells silberne Säule,
Im Pentameter drauf fällt sie melodisch herab.
traduit par Samuel Taylor Coleridge :
In the hexameter rises the fountain’s silvery column,
In the pentameter aye falling in melody back.
et par Alfred, Lord Tennyson :
Up goes the Hexameter with might as a fountain rising.
Lightly the fountain falls, lightly the Pentameter.
Le couplet élégiaque est présumé être la plus ancienne forme grecque de poésie épodique, où un vers ultérieur est chanté en réponse ou en commentaire à un vers précédent. Les chercheurs, qui dans le passé ne savaient même pas qui l’avait créé, théorisent que la forme était à l’origine utilisée dans des chants funèbres ioniens, le nom « élégie » dérivant du grec ε, λεγε ε, λεγε— »Malheur, pleure, pleure ! » Ainsi, la forme était initialement utilisée pour des chants funèbres, généralement accompagnés par un aulos, un instrument à vent à anche double.
Archiloque élargit l’utilisation de la forme pour traiter d’autres thèmes, tels que la guerre, le voyage et la philosophie domestique. Entre Archiloque et d’autres imitateurs, la forme de vers est devenue un véhicule poétique commun pour exprimer toute émotion forte. À la fin du VIIe siècle av. J.-C., Mimnermus de Colophon innova en utilisant le vers pour la poésie érotique. Il composa plusieurs élégies célébrant son amour pour la flûtiste Nanno, et bien que fragmentaires aujourd’hui, sa poésie a clairement influencé le développement ultérieur de la forme romaine.
Properce, pour citer un exemple, note : Plus in amore valet Mimnermi versus Homero — « Le vers de Mimnermus est plus puissant en amour que celui d’Homère. » La forme a continué à être populaire tout au long de la période grecque et a traité de nombreux thèmes différents. Tyrtée composa des élégies sur le thème de la guerre, apparemment pour un public spartiate. Théognis de Mégare exprima son ressentiment en couplets en tant qu’aristocrate aigri à une époque de changement social. Des chefs populaires étaient des écrivains d’élégies : Solon, le législateur d’Athènes, composa sur des sujets politiques et éthiques, et même Platon et Aristote s’essayèrent à ce mètre.
Un exemple célèbre d’un couplet élégiaque est l’épitaphe composée par Simonide de Céos, qui, selon Hérodote, était inscrite sur une pierre pour commémorer ceux qui sont morts à la bataille des Thermopyles en 490 av. J.-C. :
ὦ ξεῖν᾿, ἀγγέλλειν Λακεδαιμονίοις ὅτι τῇδε
κείμεθα τοῖς κείνων ῥήμασι πειθόμενοι.
traduit par Cicéron :
dīc hospes Spartae, nōs t(ē) hīc vīdisse iacentēs,
dum sānctīs patriae lēgibus obsequimur.
À l’époque hellénistique, la bibliothèque d’Alexandrie fit de l’élégie sa forme favorite et la plus développée. Ils préféraient le style plus bref associé à l’élégie par rapport aux formes épiques plus longues, et en firent le médium singulier pour de courts épigrammes. Le fondateur de cette école était Philitas de Cos, éclipsé seulement par l’exposant le plus admiré de l’école, Callimaque ; leur caractère érudit et leur art complexe auraient une forte influence sur les Romains.
Comme beaucoup de formes grecques, l’élégie fut adaptée par les Romains pour leur propre littérature. Les fragments d’Ennius contiennent quelques couplets, mais ce sont les élégistes du milieu à la fin du Ier siècle av. J.-C. qui sont le plus souvent associés à la forme distinctive du couplet élégiaque romain. Catulle, le premier de ceux-ci, constitue un lien inestimable entre l’école alexandrine et les élégies suivantes de Tibulle, Properce et Ovide.
Il montre une familiarité avec le style habituel alexandrin d’épigramme concise et une richesse de savoir mythologique, comme dans son 66e poème, Coma Berenices, une traduction directe du Lock of Berenice de Callimaque. Son 85e poème est célèbre :
Odi et amo. Quare id faciam, fortasse requiris?
Nescio, sed fieri sentio et excrucior.
Pour le lire correctement, il est nécessaire de prendre en compte les trois élisions :