D’accord avec ma grand’ maman,
J’ai vécu mes jeunes années
Sur le pâtis de l’Isle-Adam.
J’ai poussé dans de l’herbe folle,
Comme un modeste liseron.
Je gaminais, après l’école,
Avec le trèfle & le mouron.
Quand je partis pour le collége,
Les moindres brins, mes chers amis,
Semblaient me plaindre. Où donc allais-je ?
Où le gazon n’est guère admis.
Depuis lors j’ai couru le monde,
J’ai rendu mon sort orageux.
Ah ! que ma course vagabonde
M’a conduit loin des premiers jeux !
Après quarante ans de tumulte,
Rassasié d’heur & malheur,
Je renais doucement au culte
Des pâtis dont l’herbe est en fleur.
Dès qu’un regret me décourage,
Mon ennui prend la clef des champs ;
Je m’en vais dans un pâturage
Retrouver mes premiers penchants.
Je m’étends parmi les fleurettes ;
Les petits bouquets tout joyeux
Dressent leurs pompons, leurs aigrettes,
Pour me regarder dans les yeux.
Ces bonnes gens de l’humble flore
Semblent m’appeler par mon nom ;
Car chacun se souvient encore
De m’avoir eu pour compagnon.
Camarades de mon enfance,
Ô vous qui me reconnaissez !
Brins d’herbe, prenez ma défense
Contre l’ennui des jours passés.