L’histoire culturelle de la France est un domaine d’étude immense qui explore l’ensemble des champs culturels, des idées, des sentiments collectifs, des mentalités et des arts de la population résidant dans les frontières de l’actuelle France métropolitaine, depuis ses origines jusqu’à nos jours.
L’étude de cette histoire est fondamentale pour comprendre l’identité française et son influence, mais elle présente aussi des défis méthodologiques importants, notamment pour les périodes anciennes où les sources sont rares et majoritairement centrées sur les élites.
Les Origines Médiévales (Ve – XVe siècles)
Les débuts de la culture française remontent à la période de la royauté franque (Ve – Xe siècles). Reconnaître les mouvements intellectuels des peuples francs durant cette époque et les rattacher à la culture française soulève des problématiques méthodologiques. Cependant, un consensus historique permet de tirer certaines conclusions. Durant les premiers siècles du Moyen Âge, la culture écrite était principalement en latin et très liée à la religion chrétienne. Les laïcs écrivaient peu, et la culture germanique des maîtres francs n’a pas été fixée par écrit. Une première langue française a commencé à apparaître durant cette période, mais elle n’était pas encore un vecteur de culture écrite. Le plus ancien document officiel en langue française est considéré comme les Serments de Strasbourg signés en 842.
La culture carolingienne (VIIIe – Xe siècles) a vu un essor intellectuel significatif, non pas initialement par volonté politique, mais pour former un clergé capable de guider le peuple vers Dieu. Cet objectif a mené à une renaissance culturelle plus large. Ce renouveau a été préparé et aidé par des renaissances intellectuelles antérieures en Espagne, dans les îles britanniques et en Italie, ainsi que par l’arrivée d’étrangers en Francia. Une caractéristique de la culture carolingienne est l’interdépendance des centres d’études, avec des lettrés et érudits se déplaçant, discutant et diffusant textes et idées, créant une grande unité culturelle dans le monde franc. L’apport central de cette époque est l’étude et la transmission de l’écriture et de la grammaire latine, motivées par le désir de lire et comprendre les textes anciens, notamment religieux. Cela a conduit au développement de la minuscule caroline et à un latin plus correct. De nombreux lieux de copie et des bibliothèques ont été établis.
Durant la société féodale (XIe – XIIIe siècles), l’étude des structures culturelles est contrainte par les sources, se limitant principalement aux élites (clercs et aristocratie). La langue de cette culture était encore très majoritairement le latin, bien que quelques textes en langue vulgaire (vernaculaire) aient existé, sans donner une vision globale de la culture en langue commune. La documentation disponible est surtout textuelle (religieuse, juridique, administrative) et exclut l’oralité, mode de transmission majoritaire pour la population de l’époque. Le savoir écrit restait l’apanage d’une infime minorité. L’étude de la culture des femmes de cette période est particulièrement difficile en raison de la rareté des textes écrits par elles.
Les lieux de culture ont évolué, les centres d’enseignement quittant progressivement les monastères pour s’insérer dans les villes. Les universités ont émergé, comme celles de Paris (officialisée en 1200), Montpellier (médecine, droit) et Toulouse (droit), devenant d’importants lieux de savoir. La cour est également devenue un lieu de culture, notamment les cours d’Aquitaine et de Champagne, réunissant lettrés et poètes tels que Chrétien de Troyes.
La culture ecclésiastique a été marquée par les principes augustiniens, s’enrichissant de nouvelles sources antiques réinterprétées dans une optique chrétienne. Une littérature cléricale est apparue, s’adressant progressivement à un public laïc et commençant à écrire en langue vernaculaire au XIIIe siècle. Cette littérature inclut des récits d’histoire (chroniques, annales, gesta, récits de croisade), de la littérature d’édification (visant la clarté et la simplification pour toucher le public laïc, comme les œuvres d’Abélard ou Bernard de Clairvaux), des écrits encyclopédiques et de la poésie latine. Les récits de croisade sont parmi les premiers à être rédigés en langue vernaculaire.
La fin du Moyen Âge (XIVe – XVe siècles) a vu l’enseignement croître qualitativement et quantitativement, bien qu’il reste inégalitaire. La connaissance de la lecture s’est répandue grâce à l’apparition de nombreuses petites écoles et à la création d’universités permettant aux fils d’élites d’accéder à une culture universitaire. Il est difficile de mesurer précisément le taux d’alphabétisation, mais il y a une croissance de la part de la population ouverte à la culture écrite. La vie culturelle parisienne a gagné en importance, l’université et la cour attirant des personnalités prestigieuses. L’humanisme, né en Italie, a commencé à se diffuser en France, d’abord parmi des lettrés privés, l’université de Paris rejetant initialement la plupart de ces nouveautés.
La Renaissance (XVIe siècle)
Le XVIe siècle fut une période de profondes transformations culturelles en France, qualifiée de « Révolution lente ». L’humanisme français a puisé son inspiration dans la renaissance italienne (XIVe-XVe siècles) et les savants byzantins. Des figures comme Pétrarque ont influencé le mouvement vers les belles-lettres latines et la recherche d’une langue élégante. Cette effervescence a été fortement soutenue par les rois de France, notamment François Ier, qui a développé la bibliothèque royale et créé le collège des lecteurs royaux en 1530. La révolution de l’imprimé a transformé le rapport à l’oral, renforçant la place de l’écrit et des sachant lire. L’autorité des idées a commencé à provenir de l’écrit plutôt que de la transmission orale.
Le Grand Siècle (XVIIe siècle)
La société française du XVIIe siècle fut profondément imprégnée par la religion. Le milieu dévot, bien que non structuré, se retrouvait autour de valeurs et de combats communs, caractérisé par une proximité avec l’Espagne (modèle de pureté chrétienne) et une forte intolérance. L’essor d’une religion personnelle et intériorisée fut une grande nouveauté culturelle de l’âge classique. Une vaste littérature de dévotion soutint ce mouvement. Le mysticisme chrétien connut un succès important. Cependant, une minorité exprima une version plus radicale, rejetant l’art et affichant un mépris pour le corps. À partir des années 1660, l’emprise catholique se stabilisa, avec un clergé mieux formé.
Sous l’impulsion de Louis XIV et Colbert, la monarchie a mis en œuvre un programme culturel visant à glorifier le roi. Le contrôle de la culture par l’État a atteint un degré élevé, orientant les forces créatrices vers les académies, les produits de luxe et les sciences. Une censure sévère écartait les écrits jugés scandaleux. Les académies récemment créées « glorifiaient » le roi. La fondation de l’Académie française par Richelieu en 1635 marqua une date importante, ayant pour mission de donner des règles certaines à la langue française et de la rendre pure et éloquente. Le Dictionnaire de l’Académie, dont la première édition date de 1694, est resté une œuvre vivante, symbolisant le lien entre une nation et sa langue.
La langue française est devenue une langue internationale au cours du XVIIe siècle, utilisée pour la diplomatie et par certains grands penseurs européens. L’art français a également fortement influencé de nombreux artistes européens.
Sur le plan social, l’enseignement humaniste généralisé a créé une division entre la masse analphabète, l’élite lettrée et un groupe encore plus minoritaire ayant accès aux études humanistes, caractérisé par un amour de la spéculation abstraite et un mépris pour les savoirs matériels. La culture apportée par l’écrit ne se limitait cependant pas aux seuls lecteurs, car la lecture à voix haute pour l’entourage était courante. La première littérature de colportage est apparue dans les années 1630 avec la Bibliothèque bleue, créant un marché éditorial plus large pour des ouvrages variés (spiritualité, abécédaires, fictions, etc.), souvent retravaillés et censurés pour correspondre aux normes sociales de l’élite dévote.
La littérature a été de plus en plus surveillée et censurée par les organes royaux à partir des années 1680. Une partie de l’édition devait être imprimée clandestinement ou à l’étranger. Le conflit entre les Anciens et les Modernes a marqué cette époque, remettant en question le respect absolu des autorités héritées de l’Antiquité. Les salons littéraires, comme celui de Madame de Lambert au début du XVIIIe siècle, ont émergé comme de nouveaux foyers culturels, notamment à Paris.
Le Siècle des Lumières (XVIIIe siècle)
Le XVIIIe siècle fut l’époque de l’épanouissement d’un esprit critique public et de l’affaiblissement progressif des autorités traditionnelles (royauté, Église). La culture des Lumières, portée par des philosophes souvent en conflit avec les institutions, visait à éclairer l’Homme pour qu’il s’émancipe des traditions mentales. Cet esprit critique s’est développé tant dans les milieux lettrés que dans l’ensemble de la population.
La République des lettres, vaste et variée, se fondait sur l’écrit et l’imprimé, évoluant au sein d’une élite large et éclairée. Le sens critique s’est appliqué au savoir anthropologique (exploration et description d’autres cultures), à l’usage de l’observation et de l’expérimentation en science, et à la critique des œuvres culturelles. Les récits de voyage et la découverte d’autres cultures ont été utilisés par les philosophes pour mettre en doute les vérités occidentales établies, souvent par le biais de l’utopie ou la confrontation des morales. Des auteurs comme Montesquieu avec les Lettres persanes ont illustré cette approche.
Le concept du « peuple » est devenu central dans les discours des élites, bien que souvent théorisé et caricaturé sans tenir compte de la réalité de la masse des Français. Les élites ont cherché à mieux connaître la population, notamment par le biais d’enquêtes fiscales ou de la police. Un modèle du peuple idéal capable d’accéder aux attributs de l’homme civilisé par l’éducation s’est diffusé, entraînant une acculturation dans les deux sens, où les normes de l’élite étaient adaptées et détournées par la population, et inversement.
Une abondante littérature visait à guider les individus vers un état d’homme civilisé par l’apprentissage des règles de vie. La diffusion des usages de la société de cour à l’ensemble de la population s’est faite par divulgation et imitation, à travers les récits, les traités de bienséance, la littérature et les gravures. Cela a conduit à une plus grande maîtrise de soi, une modération dans les paroles et les actes. Des pratiques concrètes comme l’usage des fourchettes et cuillères ou l’exigence de chambres séparées se sont répandues. La pudeur est devenue une part importante du comportement social, avec un effacement progressif de la vision de la nudité. Une diminution de la violence privée et institutionnelle a été observée, tandis que les atteintes aux biens (vols, escroqueries) sont devenues plus fréquentes devant les tribunaux.
Parallèlement, des formes propres à la culture populaire existaient, liées à la production intellectuelle des lettrés, comme les placards, affiches protestataires utilisant l’écrit imprimé contre l’élite. Ces textes anonymes et imparfaits dénonçaient la cherté de la vie, les mœurs des puissants, ou commentaient la vie quotidienne et les grands événements.
Les origines culturelles de la Révolution française résident dans l’effritement des fondements des deux piliers de la civilisation traditionnelle : la religion catholique et ses pratiques, et la majesté royale. Cette mutation, vers 1750-1770, a diffusé l’idée d’une civilisation vieillissante. La culture est devenue un enjeu politique majeur à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe. Pendant la Révolution et l’Empire, la culture a été mobilisée pour construire un nouveau système, avec le rôle de l’imprimé et la propagande impériale. Le centre culturel s’est déplacé de Versailles à Paris, avec ses salons, cercles d’artistes et académies. Les écrivains sont devenus des autorités morales indépendantes du pouvoir.
Le XIXe et XXe siècles
Le XIXe siècle français (1815-1880) a notamment été marqué par le romantisme français. Il a vu la France passer d’une culture traditionnelle à une culture de masse. Les structures culturelles, le mouvement romantique et la diffusion de la culture sont des aspects étudiés pour cette période. De profonds changements culturels ont eu lieu entre les années 1840 et 1880, avec de nouveaux cadres mentaux, écoles et pratiques. Les débuts de la culture de masse se situent entre les années 1880 et 1914, incluant les cultures de la Belle Époque, le temps des avant-gardes et l’émergence de la culture de masse. On y croise des figures variées comme Alexandre Dumas, Marie Curie, ou Édouard Manet, et des phénomènes comme les revues de music-hall et le Tour de France.
Le XXe siècle a été marqué par une efflorescence artistique dans les milieux parisiens et un essor des loisirs de masse et de la culture populaire durant l’entre-deux-guerres. La Quatrième République a cherché à mettre en place une démocratisation culturelle, bien que l’époque soit également marquée par une uniformisation et une américanisation de la culture. La culture de masse s’est épanouie dans les années 1960 et 1970, avec le rôle du Ministère de la Culture.
L’étude des pratiques culturelles en France sur le long terme (depuis 1970) révèle six tendances permettant de qualifier près d’un demi-siècle de culture.
En résumé, l’histoire culturelle française se caractérise par une évolution constante, des influences variées (romaine, germanique, chrétienne, italienne, espagnole, nord-européenne), le rôle central de la langue et de sa régulation (Académie française), le développement des institutions d’enseignement et des lieux de culture (monastères, écoles, universités, cours, salons), la transformation des rapports entre culture écrite et orale, les interactions complexes entre les cultures d’élite et populaires, l’influence croissante de l’État (notamment sous Louis XIV) puis son affaiblissement face aux idées nouvelles (Lumières), la politisation de la culture, et enfin la transition vers une culture de masse. Les sources disponibles montrent une riche tapisserie culturelle, bien que l’accès à la culture de la grande masse de la population, en particulier pour les périodes anciennes, reste un défi pour les historiens.