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Écrire «L’écriture»
Dans ‘L’écriture’, Jacques Izoard nous invite à une profonde réflexion sur le processus d’écrire et la matérialité des mots. Écrit au 20ᵉ siècle, ce poème allie une sensibilité exceptionnelle à l’exploration du geste d’écrire, révélant la dichotomie entre la volonté de créer et les limitations imposées par la page. À travers des métaphores saisissantes, Izoard interroge la nature même de l’écriture et son impact sur l’âme.
La bille d’acier enveloppée d’encre. L’encre enveloppe la bille d’acier; la minuscule tête de l’encre roule (roulée, l’eau lave le corps entier, salit, couvre d’eau claire le corps entier). Corps: objet de chair. Corps cache cœur. Courbes et vanilles, ou coqs de laine. Le rouge rougit le papier. Dans cette chambre, deux mains terrassent la page; et les deux mains d’hier, les deux mains d’avant-hier; bref, cent mains ont touché cent carrés de papier blanc Y ont tracé le voyage du verre brisé, car, n’est-ce pas, l’écriture qui s’allonge est un fil de verre ténu. Long liseron d’encre des doigts crispés dans une position artificielle. Crocheter l’écriture. Dépenser l’encre, en noyer les mots. S’appliquer à écraser la petite tête de l’encre. La frotter dans son galimatias. Deux doigts-socles et trois doigts serrés sur l’instrument d’écriture. Et poing posé sur la table. Petit abri de paume. Main travailleuse: aveugle, elle obéit sans savoir lire; elle bouge sans savoir écrire. Elle est aveugle, elle est muette. Une petite machine fabrique les mots dans le coude, bien loin. La main les hume, ou les appelle, les aspire. Ds glissent le long des veines, arrivent au bout des doigts, se couchent sur le papier, se pétrifient très doucement, morts dans leurs arabesques, d’une minceur infime. Un regard d’aigle a pouvoir sur eux. Les bandelettes invisibles du regard les soudoient, leur font rendre la solitude. L’écriture écrit-elle? Ou n’est-elle qu’un très petit cheval qui suit les doigts légers? Ou n’est-elle qu’un long cheveu de sang que l’on tire du cœur? Les petits mots se ressemblent et s’assemblent. Procession de petits os lavés, délavés; squelettes d’oiseaux minuscules qu’on ne saurait éparpiller. La cartouche d’encre est dans le doigt. Dans l’œil et dans le cœur. Et rien ne coule, rien ne se renverse. Le papier sec tue le regard, casse la vue. Impasse repue de l’encre où les paroles meurent dès qu’on les dit. Écrire l’écriture de l’écriture. Scruter l’écriture et ne pas cesser de lire, de lier, de délier, de délirer, de détruire la blancheur du papier. Fibres et tendons produisent un peu de sueur; l’encre sèche ne sèche plus. Corps physique de la main travailleuse, qui dépense la sueur et se fatigue, et qui oublie que ce qu’elle voulait écrire, elle ne l’avait jamais su.
Ce poème incite les lecteurs à méditer sur leur propre expérience de l’écriture et sa signification. N’hésitez pas à explorer d’autres œuvres de Jacques Izoard pour découvrir davantage de ses réflexions poétiques sur l’art de créer.