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Érato

Le poème ‘Érato’ de Théodore de Banville, extrait de ‘Les Cariatides’ publié en 1842, invite le lecteur à une profonde réflexion sur la nature et les divinités de l’Antiquité. À travers des vers lyriques et puissants, Banville explore la beauté perdue d’une époque où la nature et les dieux coexistaient en harmonie. Ce poème, empreint de mélancolie et de nostalgie, souligne l’importance de se souvenir des forces spirituelles qui ont longtemps influencé notre existence.
Nature, oÃđ sont tes Dieux ? Ô prophÃĐtique aÃŊeule, Ô chair mystÃĐrieuse oÃđ tout est contenu, Qui pendant si longtemps as vÃĐcu de toi seule Et qui sembles mourir, parle, qu’est devenu Cet ÃĒge de vertu que chaque jour efface, OÃđ le sourire humain rayonnait sur ta face ? OÃđ s’est enfui le chœur de tes Olympiens ? Ô Nature à prÃĐsent dÃĐsespÃĐrÃĐe et vide, Jadis l’affreux dÃĐsert des Éthiopiens Sous le midi sauvage ou sous la nuit livide Fut moins appesanti, moins formidable, et moins Fait pour ce dÃĐsespoir qui n’a pas de tÃĐmoins, Que tu ne m’apparais à prÃĐsent tout entiÃĻre, Depuis que tu n’as plus ce chœur mÃĐlodieux De tes fils immortels, orgueil de la MatiÃĻre. AÃŊeule au flanc meurtri, Nature, oÃđ sont tes Dieux ? Jadis, avant, hÃĐlas ! que l’Ignorance impie T’eÃŧt dÃĐdaigneusement sous ses pieds accroupie, Nature, comme nous tu vivais, tu vivais ! Avec leurs rocs gÃĐants, leurs granits et leurs marbres, Les monts furent alors les immenses chevets OÃđ tu dormais la nuit dans ta ceinture d’arbres. Les constellations ÃĐtaient des yeux vivants, Une haleine passait dans le souffle des vents ; Leur aile frissonnante aux sauvages allures Qui brise dans les bois les grands feuillages roux, En pliant les rameaux courbait des chevelures, Et dans la mer, ces flots palpitants de courroux Ainsi que des lions, qui sous l’ardente lame Bondissent dans l’azur, ÃĐtaient des seins de femme. Mais que dis-je, Ãī Dieux forts, Dieux ÃĐclatants, Dieux beaux, Triomphateurs ornÃĐs de dÃĐpouilles sanglantes, Porteurs d’arcs, de tridents, de thyrses, de flambeaux, De lyres, de tambours, d’armes ÃĐtincelantes, Voyageurs accourus du ciel et de l’enfer, Qui parmi les buissons de Sicile et de Corse Avec vos cheveux blonds toujours vierges du fer Parliez dans le nuage et viviez dans l’ÃĐcorce, Dieux exterminateurs des serpents et des loups, Non, vous n’Êtes pas morts ! En vain l’homme jaloux Dit que l’ÉrÃĻbe a clos vos radieuses bouches : Moi qui vous aime encor, je sais que votre voix Est vivante, et vos fronts cÃĐlestes, je les vois ! Je vois l’ardent Bacchus, Diane aux yeux farouches, VÃĐnus, et toi surtout dont le nom triomphant Écrasera toujours leur espoir chimÃĐrique, Ô Muse ! qui naguÃĻre et tout petit enfant M’a choisi pour les vers et pour le chant lyrique ! Nourrice de guerriers, louangeuse Érato ! DÃĐjà le blanc cheval aux yeux pleins d’ÃĐtincelles, Impatient du libre azur, ouvre ses ailes Et de ses pieds lÃĐgers bondit sur le coteau. Saisis sa chevelure, et dans l’herbe fleurie Que le coursier t’emporte au grÃĐ de sa furie ! Puis quand tu reviendras, Muse, nous chanterons. Va voir les durs combats, les grands chocs, les mÊlÃĐes, Des criniÃĻres de pourpre au vent ÃĐchevelÃĐes, Des blessures brisant les bras, trouant les fronts, Et, comme un vin joyeux sort des vendanges mÃŧres, Le rouge flot du sang coulant sur les armures, Et l’ÃĐpÃĐe autour d’elle agitant ses ÃĐclairs, Et les soldats avec une ÃĒme vengeresse Bondissant, emportÃĐs par le chef aux yeux clairs. Va, mais que ni les rois, ni le peuple, Ãī DÃĐesse, Ne puissent te convaincre et changer ton dessein, Car seule gouvernant les chants oÃđ tu les nommes, Plus forte que la vie et le destin des hommes, L’immuable Justice habite dans ton sein. Puis tu dÃĐlaceras ta cuirasse guerriÃĻre. Alors, bravant l’orage effroyable et ses jeux, Marche, tes noirs cheveux au vent, dans la clairiÃĻre, Va dans les antres sourds, gravis les rocs neigeux, PrÃĻs des gouffres ouverts et sur les pics sublimes Qui fument au soleil, de glace hÃĐrissÃĐs, Respire, et plonge-toi dans les fleuves glacÃĐs. Muse, il est bon pour toi de vivre sur les cimes, De sentir sur ton sein la caresse des airs, De franchir l’ÃĒpre horreur des torrents sans rivages, Et, quand les vents affreux pleurent dans les dÃĐserts, De livrer ta poitrine à leurs bouches sauvages. Le flot aigu, le mont qu’endort l’ÃĐternitÃĐ, La forÊt qui grandit selon les saintes rÃĻgles Vers l’azur, et la neige et les chemins des aigles Conviennent, Ãī DÃĐesse, à ta virginitÃĐ. Car rien ne doit ternir ta puretÃĐ premiÃĻre Et souiller par un long baiser matÃĐriel Ta belle chair, pÃĐtrie avec de la lumiÃĻre. Ton vÃĐritable amant, chaste fille du ciel, Est celui qui, malgrÃĐ ta voix qui le rassure Et ton regard penchÃĐ sur lui, n’oserait pas D’une lÃĻvre timide effleurer ta chaussure Et baiser seulement la trace de tes pas. Oui, c’est moi qui te sers et c’est moi qui t’adore. Viens ! ceux qu’on a crus morts, nous les retrouverons ! Les guerriers, les archers, les rois, les forgerons, Les reines de l’azur aux fronts baignÃĐs d’aurore ! Viens, nous retrouverons le fils des rois Titans Assis, la foudre en main, dans les cieux ÃĐclatants ; Celle qui de son front jaillit, DÃĐesse armÃĐe, Comme jaillit l’ÃĐclair de la nue enflammÃĐe, Et celui qui se plaÃŪt aux combats, dans les cris D’horreur, et portant l’arc avec sa fiertÃĐ mÃĒle Cette amante des bois, la chasseresse pÃĒle Qui court dans les sentiers par la neige fleuris Et montre ses bras nus tachÃĐs du sang des lices ; Celui qui dans les noirs marais vils et rampants Exterminant les nœuds d’hydres et de serpents, De ses traits lourds d’airain les tue avec dÃĐlices ; Puis, celui qui rÃĐgit les DÃĐesses des flots ; Celui-là qu’on dÃĐchire en ses douleurs divines, Qui meurt pour nous et, pour apaiser nos sanglots, Dieu fort, renaÃŪt vivant et chaud dans nos poitrines ; Celle qui, s’ÃĐlançant quand l’ÃĒpre hiver s’enfuit, Ressuscite du noir enfer et de la nuit, Et celle-là surtout, vierge dÃĐlicieuse, Qui fait grandir, aimer, naÃŪtre, sourdre, germer, Fleurir tout ce qui vit, et vient tout embaumer Et fait frÃĐmir d’amour les chÊnes et l’yeuse, Et fait partout courir le grand souffle indomptÃĐ De l’ardente caresse et de la voluptÃĐ. PrÃĻs de nous brilleront le sceptre que dÃĐcore Une fleur, le trident et, plus terrible encore, La ceinture qui tient les dÃĐsirs en ÃĐveil ; L’ÃĐpÃĐe au dur tranchant, belle et de sang vermeille, Dont la lame d’airain pour la forme est pareille À la feuille de sauge, et qui luit au soleil ; L’arc, le thyrse lÃĐger, la torche qui flamboie ; Et la grande Nature avec ses milliers d’yeux Nous verra, stupÃĐfaite en sa tranquille joie, Voyageurs ÃĐblouis, lui ramener ses Dieux ! Extrait de: Les Cariatides, (1842)
En conclusion, ‘Érato’ nous rappelle la splendeur de la nature et la lumière des anciens dieux, tout en invitant les lecteurs à réfléchir sur leur propre relation avec le monde naturel. Partagez vos réflexions sur cette œuvre riche et explorez d’autres poèmes de Banville pour découvrir davantage de ses visions poétiques.

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