Les Échos de l’Irretrouvable
Ses pas, fantômes lents, frôlent les pavés froids.
La cathédrale bâille, ogive illuminée,
Gueule de pierre avalant l’ombre et les effrois.
Les vitraux, soupirs d’or, sanglotent leur lumière,
Projections d’un ciel mort que l’aube a déserté.
Il cherche en chaque arcade une ombre familière,
Un rire enseveli sous les plis du passé.
Soudain, le chœur s’éveille en murmures d’opale :
Une forme ondoyante émerge du linceul,
Jeune fille au visage évanoui de pâle,
Ses cheveux, un ruisseau de ténèbres en mue.
« Reconnais-tu ces murs où dansaient nos promesses ?
Le temps, geôlier sans cœur, a verrouillé nos voix…
— Ô spectre ! Est-ce ton souffle ou l’errante caresse
Des vents qui se souviennent des noms jadis choisis ? »
Elle tend une main que traverse la lune :
« Je suis le songe épuisé de tes vœux trahis.
L’aurore où tu m’aimas n’est plus qu’une lacune
Dans le livre de chair que le deuil a noirci. »
Il veut saisir sa robe, étoffe de nuages,
Mais les doigts ne captent qu’un frisson de regret.
L’apparition se fond aux nébuleuses pages
Où s’écrivent en creux les amours imparfaits.
« Reste ! » crie-t-il. L’écho ricane en volutes,
La nef engloutit l’ordre des anciens combats.
Le jour naissant déchire les voiles de brume,
Et l’esprit s’évapore en gouttes de lilas.
Seul, il voit s’effriter les fresques du mensonge,
Les piliers se changer en gibets de cristal.
L’espoir, ce feu follet qui dansait sur les songes,
N’est plus qu’un charbon vil rougi par le réel.
Il tombe à genoux, lépreux de solitude,
La voûte pleure en lui des larmes de granit.
Le passé, ce miroir brisé par l’habitude,
Lui renvoie un éclat de visage terni.
Et la cathédrale, orgue immense et funéraire,
Joue en mineur le chant des adieux inouïs,
Tandis que l’horizon dévore la lumière
Et que meurt dans ses yeux l’ultime paradis.