Harrar,
Les routes où tes pieds ont saigné, tous les bouges
Et cette cendre au bord des mers
Mortes ou
Rouges,
Mais comme toi j’attends le
Seigneur : il est tard.
Corps calciné, tremblant de fièvre sous la toile,
Tes pitoyables fils ardent vers ton destin ;
Mais on ne refait pas le trajet d’une étoile.
Pour moi, j’attends aussi le
Christ, au noir matin.
Vagabond de seize ans, tout couvert de rosée,
De vermine et de fleurs, chère tête embrassée,
Ange du grand chemin, que l’on ne voyait pas.
Les labours déferlaient comme l’océan gronde
Et l’aube t’imposait la glacé de ses bras.
Si tes yeux détruisaient l’apparence du monde,
Un autre renaissait sous chacun de tes pas.
Fils du ciel qui cuvais le vin bleu dans les granges,
Amant des bords maudits sans verdure et sans eau.
Quand un dernier rayon brûlera mes rideaux,
Aurai-je comme toi ce lit encerclé d’anges ?
L’aube rallumera les flaques et les socs ;
Et mes rigides draps dans l’alcôve profonde…
A l’heure du
CHRISTUS
VENIT, au chant du coq.
Je t’attendrai,
Rimbaud qui n’étais pas au monde.