Le genre poétique hudibrastique
Le terme « hudibrastique » désigne un type de vers anglais, nommé d’après l’œuvre de Samuel Butler, Hudibras, publiée en plusieurs parties entre 1663 et 1678. Pour ce poème, Butler a inventé une structure de vers parodique-heroïque.
Contrairement au pentamètre, les vers sont écrits en tétramètre iambique. Le schéma des rimes est identique à celui du vers héroïque (AA BB CC DD), mais Butler utilise fréquemment des rimes féminines pour ajouter une touche humoristique.
Les quatorze premiers vers de Hudibras illustrent cette forme poétique :
Quand le ressentiment civil s’est élevé,
Et que les hommes se sont disputés sans savoir pourquoi ;
Quand de durs mots, jalousies et peurs,
Ont mis les gens ensemble, aux prises,
Et les ont fait se battre, comme des fous ou des ivrognes,
Pour Dame Religion, comme pour une prostituée ;
Dont l’honnêteté, ils osaient tous jurer,
Bien qu’aucun d’eux ne savait pourquoi :
Quand le Trompette Évangélique, entouré
De la bande aux grandes oreilles, a sonné le combat,
Et que le pupitre, tambour ecclésiastique,
A été frappé du poing, à la place d’un bâton ;
Alors le Chevalier abandonna son logis,
Et il sortit pour mener un colonel.
Les rimes telles que « jurer pour » avec « pourquoi » et « ecclésiastique » avec « à la place d’un bâton » sont surprenantes, non naturelles et humoristiques. De plus, la rime de « logis » avec « colonel » est tendue au point de rompre, encore une fois pour un effet humoristique. En outre, le schéma de rimes dans un hudibrastique implique des comparaisons inappropriées. Par exemple, la rime entre « ivrogne » et « prostituée » suggère que les extases religieuses des puritains étaient similaires à l’acte sexuel et à l’ivresse.
Le hudibrastique a traditionnellement été utilisé pour la satire. Jonathan Swift, par exemple, a écrit presque toute sa poésie en hudibrastiques.
Dans l’usage du XVIIIe siècle, le terme « hudibrastique » pouvait également être utilisé de manière grandiloquente pour désigner toute satire générale, comme dans son utilisation pour The Caricature Magazine ou Hudibrastic Mirror publié par Thomas Tegg entre 1807 et 1819.
Exemple de poème hudibrastique
Voici un poème illustrant le genre poétique hudibrastique :
Dans la ville où règne l’absurde,
Les hommes s’égarent, leurs esprits sont sourds ;
Ils discutent de choses, sans fin, sans but,
Leurs voix se mêlent, comme un bruit de flute.
Pour un morceau de pain, ils se battent en duel,
Oubliant l’amour, la paix, le ciel ;
Leurs mots sont des armes, leurs rires des lames,
Dans ce théâtre où chacun se clame.
Les faux prophètes prêchent au coin des rues,
Promettent le bonheur, mais la nuit est crue ;
Et moi, je m’éloigne, spectateur amusé,
De ce bal des fous, où tout est embrasé.
Ce poème respecte les caractéristiques du genre hudibrastique par son utilisation de rimes inattendues et parodiques, ainsi que par ses thèmes satiriques. Les rimes « absurde » et « sourd » ainsi que « duel » et « flute » créent un effet humoristique tout en critiquant les comportements humains.