L’Éphémère Éclat des Abîmes
Une âme, spectre léger, erre et ne trouve pas
Le repos éternel que la nuit lui promit.
La mer, hydre insensée, en ses reins engloutit
Les échos d’un passé qui hante son sillage,
Tandis que les récifs, tels des crocs de carnage,
Déchirent l’horizon en lambeaux de sang froid.
L’errante, ô désespoir ! cherche en vain son émoi,
Ce souffle qui jadis brûla ses lèvres pâles,
Mais l’oubli, lent venin, ronge ses propres râles.
Ses yeux, deux astres morts, scrutent l’immensité,
Où chaque vague est un remords ressuscité.
« Ô mer, que ta fureur soit l’écrin de ma quête !
Rends-moi ce nom perdu que ton sel interprète,
Ce visage érodé que les courants ont pris… »
Mais Neptune, muet, dans son palais de brise,
N’offre que le miroir des illusions vaines :
L’écume, en se brisant, y peint d’étranges chaînes.
Un jour, peut-être, au creux d’une grotte de nacre,
Elle crut entrevoir une forme qui sacre
L’instant fugace où l’espoir osa l’illuminer.
Ombre aux traits familiers, fantôme à couronner,
Il dansait sur les eaux, courbant les marées folles,
Et sa voix était miel, et sa main, auréole.
« Enfin ! Tu es la clé, l’écho de ma mémoire !
Guide-moi vers le port où s’éteint ma noirceur… »
Mais le spectre, rieur, se fondit en brume noire,
Laissant l’âme enchaînée à son propre malheur.
Les jours, tels des galets, roulèrent dans les creux,
Chaque aube un leurre amer, chaque soir un rite creux.
Un navire fantôme, échoué sur un rêve,
Apparut, voilant l’air de son odeur de grève.
À son bord, un vieux sage, à la barbe de jade,
Tenait entre ses doigts une coupe d’onyx fade :
« Bois ceci, voyageuse aux destins éclatés,
Et tu sauras le prix de tes vœurs avortés.
Mais gare à l’ivresse sourde où s’abîme l’entraille… »
Elle but, et le breuvage, assassin de bataille,
Lui vola jusqu’au nom que ses lèvres criaient.
Dès lors, plus de combats, plus de cris, plus de prières :
La mer devint complice en ses bras meurtriers.
Les sirènes, voyant son essence dissoute,
Chantèrent pour sceller sa chute absolue, irrémédiable.
« Dors, errante, dors ; laisse aux flots ton histoire.
Ton âme n’est qu’un leurre au théâtre de gloire. »
Et tandis que son corps, nébuleuse éphémère,
Se dissolvait dans l’eau, sel larmes et misère,
Une barque d’argent, chargée de lys fanés,
Glissa vers l’infini, portant ses souvenirs nus.
La lune, témoin froid de cet adieu sans gloire,
Cacha son front blessé sous un voile de moire.
Au matin, nul vestige, hormis un chant lointain :
Une mélopée triste où se meurt le destin.
La mer, apaisée, dort dans son lit de crustes,
Et l’âme, à jamais vide, erre entre flux et fûts.
Son nom, jadis flambeau, n’est qu’un mot sans écho,
Car l’illusion règne où triomphe l’eau.
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