Au-delà des dernières planètes aux confins du système solaire
Dans l’obscurité pure et le froid absolu tourne autour du
Soleil une invisible sphère
Idole informe et vague,
O ma mère cruelle et glacée en coulisses !
Par milliards ses cristaux gravitent lentement liges dans ses anneaux qu’elle a voulu enclore
Je reviens du royaume de la comète mère, noir nuage d’Oort où les ténèbres donnent un air de pelage à la mort!
Nuage d’Oort, Ô mère morte d’aucune carte stel-laire, trop lointain réservoir cométaire !
Cimetière spiral au fond du corridor, ombre tirant les corps, ombre étirant les peaux !
O
Nuage agrandi encore par ma pensée !
Suaires des dortoirs insoupçonnés du monde où s’échappe parfois un éclat de mémoire, drapeau élémentaire !
Tanière illusoire des origines, hangar !
Et je dois revenir tous les siècles au
Dépôt…
D’une chiquenaude parfois je m’en vais et voilée je m’élance penchée pour un tournoi sans fin
Je descends tout au long du fluide univers à travers les premières nébuleuses ou d’une île-univers à l’autre
Remontant le passé dense et chaud je vois les galaxies s’attirer et s’enfuir en cohortes
Et captant la lumière du grand brasier qui flotte j’emporte la rumeur amplifiée du
Rien
Et toute seule sous mon dôme, fille aux cheveux d’argent sans âge ni désir, j’erre aux miroirs concaves qui se moquent
Écarlate au périhélie, glacée bleutée à l’aphélie, éphémère équivoque !
La galaxie est une serre où s’étirent d’énormes fleurs, des tubuleuses qui s’allongent
Et dans ses beaux quartiers je reconnais la
Terre : c’est la petite
Bleue qui songe
Le
Soleil colossal ventriloque des nuits exalte mon itinéraire
Quand je m’émeus à ses rayons sur cent millions de lieues ma bannière l’escorte
Bientôt je resplendis, nocturne cimeterre sur la
Sublime
Porte !
Et toute saoule sous mon daisj’emporte au loin tous les parfums des océans et des forêts
Les guetteurs de l’espace à présent que je passe à portée de leur voix m’exhortent en prières
Suivez-moi, remontons aux aurores du
Nuage d’Oort !
Ne levez pas le voile où dorment mes secrets !
Que suffise l’attrait des peurs que je provoque !
Signes sûrs du néant conjuré par la vie sur la
Terre
Montez en moi barque chantante, fendons l’obscurité attachante des deux !
Allons dans l’univers explosif où éclate le rire des dieux, l’immense rire des dieux !