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La Chanson d’Amour de J. Alfred Prufrock

La Chanson d’Amour de J. Alfred Prufrock, écrite par le poète américain T. S. Eliot, est une œuvre maîtresse de la poésie moderne. Publié pour la première fois en 1915, ce poème captivant explore les thèmes de l’angoisse existentielle, de l’isolement social et des doutes personnels à travers la voix d’un héros tragique. Avec son style innovant et ses images saisissantes, Eliot nous plonge dans l’esprit tourmenté de Prufrock, dont les pensées résonnent encore aujourd’hui.
Traduction du poÃĻme en langue anglaise The Love Song of J. Alfred Prufrock par Pierre Leyris, 1917 Allons-nous en donc, toi et moi, Lorsque le soir est ÃĐtendu contre le ciel Comme un patient anesthÃĐsiÃĐ sur une table : Allons par telles rues que je sais, mi-dÃĐsertes Chuchotantes retraites Pour les nuits sans sommeil dans les hÃītels de passe Et les bistrots à coquilles d’huÃŪtres, jonchÃĐs de sciure : Ces rues qui poursuivent, dirait-on, quelque dispute interminable Avec l’insidieux propos De te mener vers une question bouleversanteâ€Ķ Oh! ne demande pas : ÂŦ Laquelle ? Âŧ Allons plutÃīt faire notre visite. Dans la piÃĻce les femmes vont et viennent En parlant des maÃŪtres de Sienne. Le brouillard jaune qui frotte aux vitres son ÃĐchine, Le brouillard jaune qui frotte aux vitres son museau A couleuvrÃĐ sa langue dans les recoins du soir, A traÃŪnÃĐ sur les mares stagnantes des ÃĐgouts, A laissÃĐ choir sur son ÃĐchine la suie qui choit des cheminÃĐes, GlissÃĐ le long de la terrasse, bondi soudain, Et voyant qu’il faisait un tendre soir d’octobre, S’est enroulÃĐ autour de la maison, puis endormi. Et pour sÃŧr elle aura le temps, La jaunÃĒtre fumÃĐe qui glisse au long des rues, De se frotter l’ÃĐchine aux vitres ; Tu auras le temps, tu auras le temps De te prÃĐparer un visage pour les visages de rencontre ; Le temps de mettre à mort et de crÃĐer, Le temps qu’il faut pour les travaux et jours des mains Qui soulÃĻvent, puis laissent retomber une question sur ton assiette : Temps pour toi et temps pour moi, Temps pour cent hÃĐsitations, Pour cent visions et rÃĐvisions, Avant de prendre une tasse de thÃĐ. Dans la piÃĻce les femmes vont et viennent En parlant des maÃŪtres de Sienne. Et pour sÃŧr j’aurai bien le temps De me demander: ÂŦ Oserai-je ? Âŧ et ÂŦ Oserai-je ? Âŧ Le temps de me retourner et de descendre l’escalier Avec une couronne chauve au sommet de ma tÊteâ€Ķ (Et l’on dira : ÂŦ Mais comme ses cheveux se font rares! Âŧ) Ma jaquette, mon faux col montant avec fermetÃĐ jusqu’au menton, Ma cravate riche et modeste rehaussÃĐe d’une discrÃĻte ÃĐpingleâ€Ķ (ÂŦ Voyez comme ses bras et ses jambes sont grÊles ! Âŧ) Oserai-je DÃĐranger l’univers ? Une minute donne le temps De dÃĐcisions et de repentirs qu’une autre minute renverse. Car je les ai connus, je les ai tous connus – J’ai connu les soirÃĐes, les matins, les midis, J’ai mesurÃĐ ma vie avec des cuillers à cafÃĐ; Je sais les voix mourantes dans une mourante retombÃĐe Sous la musique venue d’une piÃĻce lointaine Comment, dÃĻs lors, me risquerais-je ? Et j’ai connu les yeux, je les ai tous connus – Ceux qui vous rivent au moyen d’une formule Et une fois mis en formule, une fois ÃĐtalÃĐ sur une ÃĐpingle, Une fois ÃĐpinglÃĐ et me tordant au mur, Comment, dÃĻs lors, commencerais-je A cracher les mÃĐgots de mes jours et dÃĐtours ? Comment, dÃĻs lors, me risquerais-je ? Et j’ai connu les bras dÃĐjà, oui, tous connusâ€Ķ Les bras cernÃĐs de bracelets et blancs et nus (Mais sous la lampe duvetÃĐs de chÃĒtain clair !) Est-ce un parfum de robe Qui me fait ainsi divaguer ? Les bras couchÃĐs sur une table, les bras qui enroulent un chÃĒle. Devrais-je dÃĻs lors me risquer ? Comment devrais-je commencer ? Dirai-je : j’ai passÃĐ Ã  la brune par des rues ÃĐtroites, Et j’ai vu la fumÃĐe qui s’ÃĐlÃĻve de la pipe Des hommes solitaires penchÃĐs en bras de chemise à leur fenÊtre ? Que n’ai-je ÃĐtÃĐ deux pinces ruineuses Trottinant par le fond des mers silencieuses. L’aprÃĻs-midi, le soir dort si paisiblement ! LissÃĐ par de longs doigts, Assoupiâ€Ķ ÃĐpuisÃĐâ€Ķ ou jouant le malade, CouchÃĐ sur le plancher, prÃĻs de toi et de moi. Devrais-je, aprÃĻs le thÃĐ, les gÃĒteaux et les glaces, Avoir le nerf d’exacerber l’instant jusqu’à sa crise ? Mais bien que j’ai pleurÃĐ et jeÃŧnÃĐ, pleurÃĐ et priÃĐ, Bien que j’ai vu ma tÊte (qui commence à se dÃĐplumer) offerte sur un plat, Je ne suis pas prophÃĻteâ€Ķ et il n’importe guÃĻre ; Ma grandeur, j’en ai vu le moment vaciller, Mais j’ai vu l’ÃĐternel Laquais tenir mon pardessus et ricaner, En un mot j’ai eu peur. Aurait-ce ÃĐtÃĐ la peine, aprÃĻs tout, AprÃĻs les tasses, le thÃĐ, la marmelade d’orange Parmi les porcelaines et quelques mots de toi et moi, Aurait-ce ÃĐtÃĐ la peine De trancher bel et bien l’affaire d’un sourire, De triturer le monde pour en faire une boule, De le rouler vers une question bouleversante, De dire : ÂŦ Je suis Lazare et je reviens d’entre les morts, Je reviens pour te dire tout, je te dirai tout Âŧ – Si certaine, arrangeant un coussin sous sa tÊte, Avait dit : ÂŦ Non, ce n’est pas ça du tout; Ce n’est pas ça du tout que j’avais voulu dire. Âŧ Aurait-ce ÃĐtÃĐ la peine, aprÃĻs tout, Aurait-ce ÃĐtÃĐ la peine, AprÃĻs les arriÃĻre-cours, les couchers du soleil et les rues qu’on arrose, AprÃĻs les tasses de thÃĐ et les romans, aprÃĻs les jupes qui traÃŪnent sur le plancher – Et ceci et tant d’autres choses ? Ah! comment exprimer ce que je voudrais dire ? Mais comme si une lanterne magique projetait le motif des nerfs sur un ÃĐcran: Aurait-ce ÃĐtÃĐ la peine si certaine, Arrangeant un coussin ou rejetant un chÃĒle, S’ÃĐtait tournÃĐe vers la fenÊtre en dÃĐclarant: ÂŦ Ce n’est pas ça du tout, Ce n’est pas ça du tout que j’avais voulu dire. Âŧ Le Prince Hamlet ? Non pas, je n’ai jamais dÃŧ l’Être ; Mais un seigneur de la suite, quelqu’un Qui peut servir à enfler un cortÃĻge A dÃĐclencher une ou deux scÃĻnes, à conseiller Le prince ; assurÃĐment un instrument commode, DÃĐfÃĐrent, enchantÃĐ de se montrer utile, Politique, mÃĐticuleux et circonspect ; Hautement sentencieux, mais quelque peu obtus ; Parfois, en vÃĐritÃĐ, presque grotesque – Parfois, presque, le Fou. Je vieillis, je vieillisâ€Ķ Je ferai au bas de mes pantalons un retroussis. Partagerai-je mes cheveux sur la nuque ? Oserai-je manger une pÊche ? Je vais mettre un pantalon blanc et me promener sur la plage. J’ai, chacune à chacune, ouÃŊ chanter les sirÃĻnes. Je ne crois guÃĻre qu’elles chanteront pour moi. Je les ai vues monter les vagues vers le large Peignant les blancs cheveux des vagues rebroussÃĐes Lorsque le vent brasse l’eau blanche et bitumeuse. Nous nous sommes attardÃĐs aux chambres de la mer PrÃĻs des filles de mer couronnÃĐes d’algues brunes Mais des voix d’hommes nous rÃĐveillent et nous noient. Extrait de: 1947, PoÃĻmes 1910-1930, (Seuil)
Ce poème reste une réflexion puissante sur l’humanité et la vulnérabilité. N’hésitez pas à explorer davantage les œuvres de T. S. Eliot pour découvrir d’autres explorations profondes de la condition humaine.
Auteur:T. S. Eliot

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