Aux Portes des Songes
Là où le silence, en secret, se révèle,
Se dressent des portes aux charmes mystérieux,
Gardiennes du secret, du fugace et du vieux.
L’explorateur mûr, âme en quête ardente,
Venait y déchiffrer l’écriture absente
Que le songe tisse au fil de ses langages,
Invitant le sage à des doux partages.
Il franchit, lentement, ces seuils ignorés,
Où l’ombre danse entre les mondes songés,
Chaque pas résonne d’un écho profond,
Comme un souffle d’air venu d’un autre horizon.
Les murs, chargés d’images en filigrane,
Étaient des livres ouverts de cette cabane,
Livrant peu à peu l’énigme enfouie,
D’un cœur cherchant encore sa propre harmonie.
À l’âtre du foyer, là brûlait une flamme,
Où se jouait l’essor d’un rêve en drame.
Il s’approcha, son cœur battant en cadence,
Plein d’espoir, consumé par la révérence.
« Ô langue du rêve, sois mon guide sûr, »
Murmura-t-il, d’une voix douce et pure,
« Enseigne-moi à lire tes signes cachés,
Ces vers muets que l’âme a tracés. »
Le bois craquait, la poussière virevoltait,
Derrière chaque porte, un mystère s’éveillait.
Des portraits flous, aux regards insondables,
Défiaient le temps, défiant l’improbable.
Il vit son reflet en mille éclats brisés,
Chaque fragment un écho de ses pensées,
Un miroir fracturé où se cherchait
L’ombre d’un « moi » que l’on ne savait.
Au fond d’un cabinet, une plume esseulée
Répandait l’encre d’une histoire voilée,
Conte muet que nul mot ne délivre,
Telle une clé pour qui sait l’écrire.
L’explorateur, d’une main tremblante, prit
Cette plume étrange, en un souffle attendri,
Et sur le parchemin fragile déposa
La trace d’un rêve qui ne se dévoila.
Les heures se fondaient en murmures lents,
La maison vivait sous un ciel changeant,
Où la lumière jouait à cache-cache avec l’ombre,
Et le passant se perdait au cœur de la chambre.
Dans ce ballet secret, l’âme s’ouvrait,
Cherchant la vérité que le songe tissait,
Au creux d’une énigme aux entours discrets,
Où se joue enfin le destin des secrets.
Mais quelle est cette voix, douce et clair-obscure,
Qui gronde à l’intérieur, fragile et pure ?
N’est-ce point le reflet du doute, complice fatal,
Ce gardien obscur des remparts du banal ?
L’explorateur s’arrête, songeur et perplexe,
Un dialogue en lui se fait prophète.
« Qui suis-je donc, sinon un rêve aux portes closes,
Un voyageur perdu aux rives moroses ? »
Puis, au seuil d’une salle aux murs de velours,
Il aperçut une clef, suspendue au détour.
Elle brillait faiblement, d’une lueur assagie,
Comme un rayon d’espoir en douce harmonie.
Il saisit l’objet, léger comme le vent,
Et sentit soudain le poids du temps, venant
Lui offrir la chance de déchiffrer enfin
Le langage des rêves, ce mystère sans fin.
Il tourna la clef dans la serrure d’or,
Et la porte s’ouvrit en un long accord.
Un jardin secret, atmosphère de printemps,
S’épanouit devant lui, plein d’éclat mouvant.
Les fleurs chantaient des légendes oubliées,
Les arbres murmuraient d’anciennes injonctions,
Chaque pétale était un mot enchanté,
Qui déclamaient les secrets de ses passions.
Alors l’explorateur, cœur plein de ferveur,
Marcha parmi les songes au doux éclat de l’heure,
Cherchant dans ce théâtre énigmatique et tendre,
Les clefs du mystère qu’il voulait descendre.
Mais au détour d’un sentier, une vérité se présenta :
Les portes qu’il ouvrait n’étaient qu’illusions-là,
Et le plus profond des mondes à arpenter,
Était celui où l’âme se fait aimer.
« Ainsi, dis-toi, ô voyageur à l’âme ardente,
Que le rêve est la langue de la quête incessante ;
Que tu portes en toi mille clés sans nom,
Et que le chemin seul est ta raison. »
Mais avant qu’il ne puisse nommer son choix,
Le jardin s’effaça, semblant un doux mirage,
Et la maison ancienne, en silence, resta —
Une énigme ouverte, un horizon sans fin ni tracas.
Quel destin prendra l’homme aux mille fenêtres,
À l’âme éprise de ses propres mystères ?
Peut-être s’enfoncera-t-il dans un songe nouveau,
Ou bien clora-t-il ce livre au feu des cieux.
Le rêve vit, car il est souffle et rumeur,
Il est ce lien subtil, fragile et vainqueur,
Un chant inachevé, une promesse offerte —
Pour celui qui ose écouter la porte ouverte.