L’éveil de l’Âme au lac des Voiles
Lorsque l’aurore d’ombre en manteau s’étend,
Se glisse en son sein, lentement incertain,
Une Âme en quête, un esprit flottant.
Le lac, miroir sourd aux reflets discrets,
Sommeille déjà d’un souffle de mystère,
Et sous la brume où les songes sont nets,
Nul bruit ne perce, silence de pierre.
L’Âme, frêle esquif au gré des écailles,
Nage dans ces eaux d’un cristal voilé,
Cherchant la clarté sous les pâles guenilles
De l’aube qui lutte à peine dévoilée.
Tout autour, la nature en douce langueur
Verse un souffle lourd de secrets voilés.
Le rose s’efface, cède au gris mineur,
L’incertain règne aux pas de cette journée.
« Pourquoi donc, murmure-t-elle en soupir,
Ce voile dense où se perd mon chemin ?
Où sont les soleils que mes yeux désirent,
Et les rives ouvertes au bout de mon destin ? »
Mais la brume danse, et se fait complice,
Glissant, se faufilant entre les roseaux,
Elle enlace l’âme en tendre supplice,
Offrant un doux voile, un rêve flottant sur l’eau.
L’isolement s’éprend de ce lac profond,
Où nul n’éclaire la sombre pensée,
Chaque reflet devient un monde, un don,
Ombre mouvante d’une volonté blessée.
Ainsi le silence, vaste et épais,
Parle aux cœurs las d’une voix feutrée,
Là où tout s’éteint sous le ciel imparfait,
L’espoir se tapit, fragile vérité.
Les roseaux frémissent d’un souffle ancien,
Comme des doigts tendus vers l’inconnu ;
L’Âme s’abandonne à ce doux chemin,
Vers l’énigme d’or par l’aube déçue.
Et le lac, jadis simple miroir froid,
S’éveille soudain à mille lumines,
Chaînes invisibles soudain se brisent,
Dissipant l’étreinte de ces brumes fines.
Mais l’Âme encore, dans son onde secret,
Cherche sans trêve le jour à cet horizon,
Emplie d’un désir à la fois clair et muet,
De franchir enfin cette opacité sans nom.
« Serai-je délivrée ou bien forever perdue ? »
Chante alors l’écho, soupir des profondeurs.
Un frisson d’attente s’enlace à la vertu,
Gravé dans le temps, secret des heures.
La surface tremble d’une lumière voilée,
Un souffle de vent brise cette énigme,
Promesses ou ombres de vérité voilée,
L’Âme suspendue à cet instant intime.
Elle avance, légère, au bout de ce panorama,
Sans peur, sans repos mais pleine encore d’espoirs,
Un pied dans la brume, l’autre dans le drame,
Entre l’ombre persistante et quelques clartés noires.
« Peut-être l’attente est-elle la lumière,
Et la quête même un chemin sacré ? »
Murmure l’Âme au creux de l’atmosphère,
Cherchant en elle-même un vers à dévoiler.
La brume, compagne fatale et tendre,
Peut-être n’est qu’un voile passager,
Prison douce où l’âme peut apprendre
Que l’obscur s’éclaire dès qu’on veut regarder.
Ainsi s’étire la journée nouvelle,
Roulant sur l’onde ses mystérieux draps,
L’Âme suspendue au fil de l’étincelle,
D’une lueur qui fuit, qui reste en émoi.
Là, dans ce matin aux accents funambules,
Se joue le drame intime et sans décor,
D’une quête éternelle, d’une âme qui scrute
Le sens voilé entre l’ombre et l’aurore.
Et tandis que s’efface le voile pastel,
L’Âme hésite, suspendue au seuil du mystère :
Ouvrir la porte vers l’éclat fidèle,
Ou demeurer au creux de la mer de pierre ?
Le passé s’élève en murmures calmes,
L’avenir se tord dans ses voiles flottants,
L’instant se fige, l’âme en ses palmes,
Balance au milieu d’un lac mourant ou chantant.
Ainsi s’achève ce songe à peine né,
Où le voile dense mêlait nuit et clarté.
L’Âme en sa quête poursuit sa vérité,
Sans fin définie, à fleur d’éternité.