Le Chant Éphémère du Temps Mouvant
Là où le vent caresse une herbe encore
Tremblante d’humidité, l’Observateur s’assoit,
Sentant sous ses pieds l’âme qui doucement ploie.
Il n’est point maître ici, ni roi des saisons,
Mais humble témoin fidèle de leurs raisons,
Parfums, couleurs, murmures en ballet sans repos,
Il suit la ronde aux bras lourds d’or et de roseau.
**Printemps, éclat des yeux et frissons de la terre**
Par l’étendue endormie, un souffle se libère,
Brisant sous ses doigts l’écorce d’un vieux chêne,
Parant chaque bourgeon d’une jeunesse lointaine.
“Regarde,” dit l’arbre, “comment renaît mon secret,
Quand la vie se dénude aux jardins discrets.”
L’homme écoute en son cœur ces chants d’allégresse,
Voir la fleur s’éveiller est une tendre promesse,
Une poignée d’eau, un rayon, l’osmose,
Et bientôt la prairie chantonne sa métamorphose.
Mais déjà, l’ombre s’étire, l’air devient plus doux,
Et l’Observateur sent, dans ce verger joujou,
Que ce renouveau sert aussi la défaite,
Car tout ce qu’on aime se fond puis s’arrête.
**L’été, cri éclatant sous le firmament ardent**
Les blés d’or chantent haut dans le vent palpitant,
La chaleur épaissit comme un songe d’étuve,
Les fruits lourds pendent enfin dans leurs alcôves.
“Je suis la splendeur, l’instant plein d’allégresse,”
Murmure la ronce au bord de la rivière en liesse.
Dans cette fournaise où chaque feuille brûle,
Le Temps, subtil peintre, nuance tant et nulle
Perpétuité n’existe en ce jour vibrant,
L’ombre et la lumière s’épousent en remontant.
Là, l’homme regarde, pris d’une douce langueur,
Le tourbillon d’odeurs, le sursaut des couleurs.
Il songe soudain : tout s’en va, tout se dérobe,
Même la lumière sur son visage en robe.
**L’automne, soupirs aux teintes orangées**
Le vent se fait messager de feuilles fanées,
Tourbillons d’or tranchés contre l’acier des cieux,
Les arbres versent leurs larmes, un dernier adieu.
“Viens, approche,” dit la vigne aux grappes sombres,
“Goûte ma douceur qui bientôt s’effondre.”
L’âme est plus près de la fin, la peau se tend,
L’Observateur songe aux rires d’antan,
Aux printemps, aux étés maintenant envolés,
Au doux parfum qui parfois fait oublier.
Il se perd à la recherche d’une énigme,
Celle où naît le souffle, où meurt la strophe intime,
Dans l’acajou du ciel orageux, le passage,
D’une saison à l’autre, ici se fait naufrage.
**Hiver, silence blanc, éternelle attente**
Sous un voile glacé, tout se tait, tout se plante,
La terre se replie, le vent se tapit,
Le temps semble suspendu, figé dans la nuit.
“Attends,” souffle le froid en sa voix cristalline,
“Car mon silence est l’ultime discipline.”
L’homme contemple alentour ce doux désert,
Et sa raison se noie dans ce miroir amer.
Mais sous la neige épaisse, la graine invisible
Murmure aux racines une parole indicible.
Ainsi s’achève un cycle et déjà s’ouvre un autre,
Le recommencement, ballet secret, apôtre
D’une loi sans cesse nue, fait dans la couleur,
Nourrie aux pleurs du ciel et aux rires du bonheur.
L’Observateur, fidèle, porte en lui ce reflet,
Et sent dans ses veines l’appel du secret.
Car jamais rien ne meurt, la vie seule s’efface,
Telle une vague d’or qui effleure la surface.
Il se lève alors, le regard vers l’horizon,
Où l’aurore s’étire en douce rébellion,
Et dans ce domaine aux profondeurs muettes,
Il entend renaître l’éternelle conquête.
Ainsi le temps danse, inlassable, léger,
Entre fin et commencement, son voile agité,
Et l’homme, observateur, scrute ce mystère :
La vie est un poème aux rimes éphémères.