La Grande Nuit

La froide nuit d’hiver plane sur les logis, Et la neige ÃĐtincelle et les astres flamboient. Dans l’ombre, les vitraux d’ÃĐglise au loin rougeoient Avec tout l’ÃĐclat pur et pompeux des rubis. Depuis quelques instants les cloches carillonnent, Et dans l’air glacial leur grande voix d’airain, Dont l’ÃĐcho va se perdre au fond du ciel serein, Appelle les croyants aux temples qui rayonnent. Et comme les bergers accouraient autrefois Adorer l’Enfant-Dieu vagissant dans ses langes, La foule, avec ÃĐmoi, sous le regard des anges, S’en vient se prosterner devant le Roi des rois. Hommes, femmes, enfants, adolescents et vierges Fixent, tout frÃĐmissants d’indicibles frissons, Sur les autels dorÃĐs les petits JÃĐsus blonds Tout inondÃĐs des feux ÃĐblouissants des cierges. Et, mariant leur voix aux vieux noÃŦls naÃŊfs Dont on chÃĐrit toujours la douceur infinie, Les orgues font couler de longs flots d’harmonie Qui transportent bien loin les fidÃĻles pensifs. La voix des souvenirs aux ÃĒmes qu’elle embrase Parle d’un soir bÃĐni par-dessus tous les soirs, Et, dorÃĐ des rayons du plus doux des espoirs, BethlÃĐem apparaÃŪt aux fervents en extase. Le regard à la fois surpris et fascinÃĐ, On voit dans une ÃĐtable oÃđ le givre s’attache Le charpentier Joseph et sa femme sans tache Contempler à genoux un enfant nouveau-nÃĐ. On voit ce frÊle enfant rÃĐchauffÃĐ par l’haleine Des deux seuls animaux qu’abrite le rÃĐduit: On voit un ange aller, dans l’ombre de la nuit, Parler à des bergers au milieu d’une plaine. On entend palpiter dans le lointain des voix Qui de l’hymne sans fin sont les ÃĐchos fidÃĻles, On entend par moment des bruissements d’ailes MÊlÃĐs à des accords de luth et de hautbois. On entend proclamer l’ineffable mystÃĻre Du Verbe qui s’est fait chair pour nous racheter: On entend dans les airs des chÃĐrubins chanter : — Gloire à Dieu dans le ciel! paix aux hommes sur terre! ― Entre les bras du rÊve on monte jusqu’au ciel, Et, le cœur palpitant, les prunelles voilÃĐes, On s’enivre du chant des harpes ÃĐtoilÃĐes Qui cÃĐlÃĻbrent celui qu’attendait IsraÃŦl. Puis l’on ÃĐcoute encore en son ÃĒme attendrie Vibrer sur BethlÃĐem l’hosanna triomphant: On revoit, inclinÃĐs sur un petit enfant, Dans leur rÃĐduit glacÃĐ, Joseph avec Marie. Et quand pÃĒlit l’ardeur des cierges de l’autel, Par des chemins oÃđ l’aube a mis ses reflets roses Les croyants, tout joyeux, à leurs maisons bien closes S’en vont faire flamber la bÃŧche de NoÃŦl. Ce feu nouveau proclame aussi le doux mystÃĻre Du Verbe qui voulut parmi nous habiter, Et son pÃĐtillement semble nous rÃĐpÃĐter : — Gloire à Dieu dans le ciel! paix aux hommes sur terre! ―