Le Chant des Sables Éternels
Sous le ciel implacable, forgé d’airain et de braise,
Ses pieds, fantômes ardents, creusent l’océan silencieux
Qui dévore les rêves ainsi que les prières.
Le désert, cathédrale sans cloches ni chants,
Étire ses dunes en vagues de suaire,
Et le voyageur, spectre aux lèvres crevassées,
Porte en sa paume un médaillon éteint –
Cœur de métal où dort un visage absent.
Depuis des lunes que les étoiles comptent en secret,
Il foule l’infini, buvant l’horizon menteur,
Tandis qu’en lui murmure une voix cristalline,
Souffle d’un amour égaré dans les brumes du temps.
« Reviens », disait-elle, et ses mains, feuilles de saule,
Effleuraient les peurs nichées au creux de son âme.
Mais le destin, joueur cruel de dés invisibles,
Avait lié leurs souffles à un sablier fêlé :
Un souffle au nord, un autre au sud, séparés par les larmes.
Un soir où le soleil saigna sur les sables froids,
L’homme vit se dresser, parmi les mirages dansants,
Une ombre frêle, robe tissée de vent et de mémoire.
« Es-tu réelle ? » gronda sa voix, rouillée par les silences.
L’apparition, telle une note échappée du néant,
Tendit vers lui des doigts translucides :
« Je suis l’écho de ce que tu as aimé,
Le reflet d’un baiser envolé vers les nues.
Pour me rendre chair, il te faudra payer le prix… »
Sans hésiter, il offrit ses nuits aux dieux arides,
Son sang sécha en offrande aux racines du vent,
Et chaque pas devint un pacte avec l’abîme.
La soif, compagne fidèle, lui vola ses larmes,
Mais dans ses yeux brûlait l’espoir insensé
De presser contre lui ce qui n’était déjà plus.
Les corbeaux, témoins lugubres de son martyre,
Traçaient dans le ciel des cercles prophétiques
Tandis qu’il bâtissait son chemin de croix en poussière.
À l’aube où la lune se fendit comme un fruit mûr,
L’ombre prit forme : chevelure de nuit vivante,
Yeux puits d’oubli où se noyaient les constellations.
« Tu m’as rendue au monde, mais le monde nous renie »,
Soupira-t-elle, voix mêlée au crissement des sables.
Il voulut l’étreindre, mais ses bras ne saisirent
Qu’un corps de brume que dispersait la bourrasque.
« Ton sacrifice a effacé ta trace de la terre,
L’éternité ne connaîtra plus ton nom… »
Alors, il comprit l’atroce marché conclu :
Sa vie n’était plus qu’un sable dans le sablier,
Monnaie d’échange pour une illusion d’aurore.
Pourtant, quand elle posa sur sa tempe enfiévrée
Un baiser plus léger que la chute d’une plume,
Il sourit à l’univers implacable et muet.
« Une heure d’amour vaut l’anéantissement »,
Murmura-t-il en voyant fondre son propre corps
En perles de lumière que le désert avala.
Maintenant, quand la lune caresse les dunes,
On dit qu’un soupir erre entre les vallons mornes,
Portant un médaillon rouillé par les adieux.
Les voyageurs égarés, l’oreille contre le vide,
Entendent parfois deux voix mêlées dans les rafales –
L’une qui pardonne, l’autre qui pleure sans fin.
Et le vent, ce funeste messager des solitudes,
Raconte encore l’histoire de celui qui choisit
D’être oublié de tous pour n’être oublié d’une.
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