Le Jardin des Larmes Célestes
Mêlent leurs soupirs aux sanglots de l’aurore,
Un enfant sans racines, errant comme une feuille morte,
Cherchait l’écho d’un nom que les tombes ont emporté.
Son pas frêle creusait les sentiers de mystère,
Sous un dôme de glycine où pleuraient les lianes,
Jardin secret tissé de brumes et de fièvre,
Où chaque fleur était un mensonge en prière.
Il s’appelait Florian, ou peut-être Chimère —
Les murs lézardés se taisaient sur son histoire —
Mais ses yeux couleur d’orage, lourds de mémoire obscure,
Scrutaient les rosiers fous étreignant les statues.
Un matin de gel blanc, il vit danser une ombre
Parmi les hélianthes penchés en quête d’âme :
Robe d’azur pâli, cheveux de nuit sans astres,
Et des mains plus fragiles que porcelaine ancienne.
« Êtes-vous le fantôme égaré de ma mère ? »
Murmura-t-il, voix prise aux ronces du silence.
L’apparition tourna son visage de cendre,
Sourire tissé de brume et de réminiscence :
« Je suis l’écho d’un rêve où tu t’es cru roi,
La mélodie perdue que ton sang reconnaît,
Chercheur d’absolu aux semelles d’argile,
Ton cœur bat-il encore sous les neiges anciennes ? »
Il la suivit. Les lys, complices, s’entrouvrirent,
Guidant leurs pas fiévreux vers un pavillon sombre
Où la lumière, captive en des vitraux blessés,
Peignait sur leurs deux fronts des auréoles fausses.
Nuits de confessions sous les pétales lunaires,
Elle lui contait l’univers en effaçant les murs :
« Vois-tu, chaque étoile est un soupir de la terre,
Et l’amour n’est qu’un mot que le vent dénature. »
Il l’aima. D’un amour vorace et clandestin,
Comme on aime un mirage au désert des insomnies.
Elle lui donnait des roses aux parfums de cendres,
Des baisers sans empreinte où bruissaient des adieux.
« Pourquoi vos lèvres ont-elles le goût du néant ?
Et pourquoi votre cœur ne bat-il pas en rythme ? »
Elle étendit sa main sur un buisson d’épines :
« Regarde saigner l’illusion qui nous enlace. »
Un pacte fou germa dans la serre aux violettes :
Il irait dérober aux fontaines du temps
L’eau qui corrode les masques et les apparences,
Pour boire son essence à la source des âges.
Mais le jardin veillait, jaloux de ses sortilèges.
Les iris bleus, sentinelles aux regards de verre,
Coupèrent le chemin menant au labyrinthe
Où dormait, dit-on, le secret des origines.
« Fuis ! » lui souffla l’aimée un soir de pluie acide,
« Ma forme n’est que cire fondue au supplice,
Ta quête est un poison doré, bel orphelin,
Je ne suis que le vide habillé de tes larmes. »
Il refusa le deuil, armé de sa folie tendre,
Piétina les gardénias hurlant de rage,
Et plongea dans l’étang glacé des vérités,
Croyant étreindre enfin l’envers du miroir.
L’eau fut un couteau lent tranchant chair et songes.
Quand il émergea, nu sous le ciel éventré,
Le jardin n’était plus qu’un champ de ruines,
Et l’ombre bien-aimée — poussière parmi les poussières.
Ses doigts serrèrent vainement des souvenirs liquides,
Tandis que s’évaporaient les couleurs du mensonge.
Il comprit alors, hurlant vers les cieux sans écho,
Que chercher son reflet dans l’œil d’une chimère
Est pis que de mourir — c’est vivre sans mirage.
Le crépuscule avala son corps en sarments secs,
Les ronces lui firent un linceul de tendresse amère,
Et quelque part, une rose noire éclose dans l’ombre
Gardait en son calice un sanglot pétrifié.
Maintenant, quand la lune boit les pleurs des statues,
On entend une voix qui chante sans visage :
« L’amour vrai n’est jamais que celui qu’on invente,
Et le seul paradis — celui qu’on ne trouve pas. »
Le jardin dort toujours, plein de rumeurs fantômes,
Où des enfants perdus cherchent en vain la clairière,
Tandis qu’au fond des puits, les étoiles captives
Raclent éternellement leur chanson de cen
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