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Le Jardin des Mots Oubliés

Le Portail derrière la Bibliothèque

Le Portail derrière la Bibliothèque

Il y avait, derrière la vieille bibliothèque municipale, une porte si petite que la pluie elle-même hésitait à y entrer. Mira la découvrit un après-midi de septembre, la loupe pendue à son cou et des taches d’encre sur la salopette, comme autant de constellations d’histoires. Le mur de pierres, vêtu de lierre, semblait garder un secret depuis toujours. Voyager parmi les rayons de la bibliothèque lui avait appris à écouter le silence des pages ; ce jour-là, ce silence lui murmura un appel.

— Regarde, Jonah, chuchota-t-elle en tirant la manche de son voisin. Est-ce que tu vois ce petit portail ?

Jonah s’approcha en trébuchant légèrement, ses lunettes rondes posées de travers sur le nez. Son sac à dos couvert de pins tinte doucement. Il posa une main sur la pierre et fronça les sourcils, visage sérieux malgré l’étrangeté du lieu.

— On dirait une porte pour les fées ou pour les fourmis, dit-il d’une voix qui voulait être courageuse. Tu crois qu’on a le droit d’ouvrir ?

Mira sourit. L’autorisation n’était jamais venue d’un écriteau : elle venait du désir d’entendre. Elle glissa un doigt dans la serrure minuscule et, à sa surprise, la porte s’ouvrit sur un souffle — un souffle chargé d’arôme de terre tiède et de papier ancien. Devant eux s’étendit un jardin réduit, comme un théâtre où poussaient non pas des roses, mais des fleurs qui semblaient chuchoter.

Des pétales membranés s’agitaient en murmurant des syllabes à peine distinctes. Mira s’accroupit et posa sa main au-dessus d’une fleur pâle. Une voix, douce comme une page tournée, prononça un mot que personne n’avait entendu depuis longtemps. Ce mot, fragile et lumineux, trembla dans l’air avant de se poser dans le creux de sa paume.

— C’est merveilleux, souffla Mme Lenoir en apparaissant derrière eux comme si le mur l’avait appelée. Je vous attendais.

La bibliothécaire avançait avec la lenteur assurée d’une horloge qui connaît les saisons. Son écharpe changeante bruissait comme des marque-pages. Son regard ne jugera jamais, il guide. Elle expliqua d’une voix chaude que ce jardin n’était visible qu’à ceux qui savaient écouter les silences et que chaque fleur portait un mot oublié : tendresse, pardon, promesse, regrets placés ailleurs par la vie.

Mira sentit son cœur battre plus fort. Un mot tombé pouvait retrouver sa voix s’il était rendu à qui de droit. L’idée lui sembla à la fois légère et lourde, comme un papillon portant une lettre importante.

— Nous devons être prudents, dit Mme Lenoir. Les mots guérissent, mais ils peuvent aussi déranger. Le Gardien des Verbena veille à l’équilibre.

Sur ce, une silhouette faite de pages et de pollen passa entre les fleurs, et une voix feuilletée leur parvint comme un écho ancien. Mira comprit alors qu’elle venait d’entrer dans une responsabilité nouvelle : écouter, comprendre, choisir le mot juste.

Les Fleurs qui Murmurent

Les Fleurs qui Murmurent

Le jardin était plus vaste qu’il n’y paraissait, comme si le monde s’était courbé pour faire place à ce verger de mots. Les tiges frémissaient au moindre souffle, et chaque corolle chuchotait une syllabe inouïe. Mira se pencha, fascinée par l’ornementation des pétales qui semblaient tissés de lignes d’encre.

— Écoute, murmura-t-elle, le doigt tendu vers une fleur au teint de perle. Cette fleur dit un mot qui ressemble à une caresse.

La fleur exhala un souffle qui devint le mot lui-même, si fragile qu’il vacilla entre les doigts de Mira. Pardon, souffla-t-elle, une syllabe qui avait la douceur d’un pardon enfin trouvé.

Jonah rit, un son bref et clair qui détonna dans le murmure végétal.

— On dirait que le jardin est une bibliothèque inversée, dit-il. Au lieu d’aligner des livres, il plante des mots.

— Et chaque mot appartient à quelqu’un, précisa Mme Lenoir. Certains ont été oubliés, d’autres négligés. Le Gardien veille à ce qu’on ne rende jamais un mot à la mauvaise personne.

Une fleur plus sombre se dressa, ses bords frangés comme des pages cornées. Son mot était lourd, une confession qui pesait de tout le passé.

— Comment savoir à qui donner un mot ? demanda Mira, la voix tremblante d’une responsabilité naissante.

Le Gardien des Verbena, silhouette vagabonde faite de feuilles de papier, s’approcha en flottant. Sa voix bruissait comme des pages que l’on feuillette.

— L’écoute choisit pour vous, dit-il. Il faut entendre les silences que les mots cherchent à combler. Un mot rendu trop tôt blesse, rendu trop tard ne guérit plus. Trouver le moment juste, c’est apprendre la prudence du cœur.

Alors Mira comprit que ce jardin n’était pas un trésor à piller mais une responsabilité à tenir. Elle cueillit une fleur aux reflets ambrés qui disait promesse. Le mot vint à elle comme une étoffe légère. Elle pensa aussitôt à la vieille voisine qui parlait souvent d’un promesse faite jadis et jamais tenue.

— Nous devons écrire les noms, proposa Jonah, pratique et décidé. Si nous connaissons les histoires, nous saurons guider les mots.

Ils s’installèrent sur une pierre plate. Mme Lenoir leur tendit des marque-pages, des bouts de parchemin, et un petit encreur. Les enfants notèrent chaque mot, sa couleur, la vibration qu’il portait. Écrire devint une façon d’écouter encore.

Autour d’eux, les fleurs continuaient leurs confidences. Le jardin semblait bénir leur attention, et pour la première fois, Mira sentit l’ampleur de ce qui l’attendait : rendre la parole oubliée pouvait réparer des liens, mais aussi changer des vies au détour d’une phrase.

Le Premier Mot Restitué

Le Premier Mot Restitué

Ils durent d’abord apprendre à choisir. Mme Lenoir enseigna la patience comme on enseigne une leçon de bibliothéconomie : avec exemples et récits. La première restitution fut une épreuve de tact. Le mot choisit par Mira était promesse, ambré et frémissant, et appartenait à une femme qui avait autrefois promis d’accompagner son fils jusqu’à la gare, mais qui, un jour, avait laissé l’horloge décider à sa place et n’était jamais venue.

— Elle est seule maintenant, expliqua la bibliothécaire. Ce mot pourrait panser une blessure qui ressemble à une fenêtre cassée. Mais il faut être certain que cela l’aidera.

Jonah proposa un plan ingénieux, fidèle à sa nature pragmatique.

— Nous allons avancer doucement. Je resterai un peu en retrait, dit-il, prêt à détourner l’attention si c’est trop.

Mira se prépara à prononcer le mot avec douceur. Elle frissonna, comme si l’air retenait son souffle. En approchant de la maison de la femme, elle sentit l’ampleur du risque : prononcer promesse pouvait ranimer une douleur qu’on croyait apprise à vivre.

La porte s’ouvrit sur un intérieur rempli de souvenirs empilés comme des livres oubliés. La femme, au visage creusé par le temps, regarda Mira entrer. Le silence entre elles était dense, mais il n’était plus capable d’étouffer la parole qui attendait.

— Madame, dit Mira doucement, j’ai trouvé quelque chose… Un mot qui attendait. Le mot est promesse.

La femme détourna le regard, et ses yeux brillèrent d’une pluie revenue. Le mot, quand il fut prononcé, se posa comme un voile retiré. Un pan de mémoire se déplia, révélant un regret mêlé d’une tendresse presque oubliée.

— Il y a des choses que l’on n’ose plus appeler par leur nom, murmura la femme. Mais entendre ce mot m’a apporté un instant d’apaisement, comme si quelqu’un venait recoudre un coin déchiré du tissu de ma vie.

Sortie de la maison, Mira sentit la légèreté d’une plume lui revenir. Jonah sourit sans bruit. Mme Lenoir posa une main sur son épaule, et le Gardien, dans un souffle de pollen, ferma une humeur de page en signe d’accord.

La restitution du premier mot avait tenu. Mais en rentrant, l’enfant pensa aux autres fleurs, aux mots plus lourds, à ceux qui, rendus sans réflexion, pourraient ouvrir des abîmes. Cette victoire douce leur apprit que le pouvoir des mots exigeait non seulement la volonté de dire, mais aussi la sagesse de choisir le moment et la manière.

Les Conséquences Inattendues

Les Conséquences Inattendues

Après la première réussite, Mira s’enfonça avec enthousiasme dans l’art délicat de rendre des mots. Ils rendirent un pardon à un voisin anciennement fâché, glissèrent une tendresse retrouvée dans la boîte aux lettres d’une jeune mère épuisée, et portèrent une promesse oubliée à un mari veuf qui pleurait encore une absence. Pourtant, chaque mot rendu ouvrait une voie nouvelle, imprévue.

Le pardon apaisa une querelle vieille de dix ans, mais révéla en même temps un mensonge qui avait été maintenu pour protéger une autre personne. La tendresse donnée à la mère provoqua un réveil d’émotions que personne n’avait soupçonné et obligea la famille à se redire des vérités enfouies. La promesse faite au mari ranima une mémoire qui, si elle guérit, fit surgir des questions que personne n’avait osé poser.

— Ce n’est jamais simple, dit Mme Lenoir en refermant un livre. Les mots remués sont comme des pierres dans un ruisseau : ils changent le cours de l’eau.

Mira, qui avait cru que redonner un mot serait uniquement un geste de réparation, découvrit la complexité morale de leurs interventions. Elle avait fait confiance à l’idée pure de guérison, mais la réalité tenait aussi de l’entrelacement et du remous.

Un soir, ils trouvèrent une fleur noire aux reflets d’encre qui murmurait remords. Marta, la voisine, pleura en l’entendant, et le remords, rendu, dévoila une faute ancienne : une lettre non écrite, un choix qui avait causé une séparation. La délivrance de ce mot permit d’apaiser la douleur de celui qui l’avait gardé, mais elle entraîna aussi la nécessité de réparer des dommages collatéraux.

Jonah observa, les mains dans les poches, une gravité nouvelle dans ses gestes.

— On panse, dit-il enfin, mais parfois on découvre que la peau en dessous est plus fragile que prévu. Nous devons apprendre à peser chaque mot comme un remède qui peut être trop fort.

Le Gardien des Verbena vint les voir, ses pages flottantes comme un récit qui change. Il leur parla de l’équilibre entre dire et protéger, de la nécessité d’entendre les non-dits avant d’imposer la parole retrouvée.

— Les mots n’agissent pas seuls, expliqua-t-il. Ils voyagent dans des histoires, des peurs, des habitudes. Parfois, laisser un mot dormir est un acte d’amour. Votre tâche n’est pas seulement de rendre, elle est d’écouter ce qui se passera après.

Mira sentit la responsabilité peser plus lourd. Elle commençait à comprendre que le courage de parler devait s’accompagner du courage d’accepter les conséquences. Et cette leçon, d’une gravité douce, fit mûrir en elle une plus fine capacité à entendre et à choisir.

Le Choix qui Pèse

Le Choix qui Pèse

Un matin, Mira découvrit une fleur aux pétales translucides qui répétait un mot si tranchant qu’il fit frissonner l’air : vérité. Ce mot, dit le Gardien d’une voix feuilletée, appartenait à l’ami d’une famille, porteur d’une information que personne n’osait prononcer. Dire cette vérité réconforterait l’un et blesserait l’autre. Le dilemme se posa comme une pierre sur le chemin.

— Si je dis la vérité, cela soulagera quelqu’un, admit Mira. Mais je crains de blesser quelqu’un que j’aime.

Jonah prit une profonde inspiration et posa sa main sur l’épaule de Mira comme s’il voulait partager son courage.

— Les mots ne sont pas des armes si on sait les tenir, dit-il. Mais ils ne sont pas non plus des pansements universels. Tu devras décider en pensant à la moindre des conséquences.

Ils allèrent questionner Mme Lenoir et le Gardien. La bibliothécaire, avec la sagesse calme qui la caractérisait, raconta une histoire ancienne d’un mot vrai qui avait sauvé une vie mais aussi d’un autre mot vrai qui avait brisé une confiance. Il n’existait pas de règle absolue, seulement des principes : douceur, moment, respect du silence quand il protège.

Mira se trouva partagée. La vérité, expliquait-elle, semblait habillée selon la manière dont on la prononçait. Elle imagina mille façons de porter le mot : un chuchotement, une lettre, un rendez-vous préparé. À chaque variante correspondait une conséquence différente.

Cette nuit-là, Mira se réveilla à l’heure où le ciel hésite entre lune et nuage. Elle pensa aux regards des personnes impliquées, à leurs gestes, à leurs silences. Elle sentit la vérité comme une pierre précieuse qu’il fallait polir avant de la tendre. Prononcer sans mesure, se dit-elle, équivaudrait à lancer la pierre sans filet.

Le lendemain, elle parla longuement avec Jonah, pesant chaque syllabe comme on pèse des héritages. Ils imaginèrent les scénarios, les répliques possibles, la manière dont chacun pourrait recevoir la nouvelle. Mira comprit que parler ne suffisait pas ; il fallait préparer un accueil pour la parole, poser des gestes qui la soutiennent.

Finalement, elle n’accepta pas de rendre la vérité immédiatement. Elle demanda du temps pour tisser des filets de protection : écouter davantage, rencontrer les personnes, créer un espace sûr où la parole pourrait se déposer sans éclater.

Ce choix ne fut pas une abdication mais un acte réfléchi. Le silence, décida Mira, pouvait parfois être la forme la plus tendre de vérité : garder pour protéger, parler pour libérer, selon l’heure et le soin apporté.

Le Sourire qui Répare

Le Sourire qui Répare

Dans un coin du jardin, une fleur rieuse avait survécu aux années comme une petite lanterne. Elle prononçait un mot qu’on disait rarement : réconciliation par un sourire. Ce mot, simple et lumineux, appartenait à deux frères éloignés par un quiproquo d’enfance. Mira et Jonah décidèrent d’essayer une restitution légère afin de mesurer l’effet d’une parole offerte sans jugement.

Ils apportèrent la fleur au banc où les frères se retrouvaient parfois, deux silhouettes solides, l’une plus droite, l’autre un peu voûtée par l’habitude. Sans dramatiser, Mira prononça le mot. Le silence se rompit en un rire contenu, puis en un échange de regards qui cachèrent d’abord la tendresse et la difficulté.

— C’est étrange, dit l’un, comme si un coin de mémoire retrouvait la place qui lui manquait.

La scène fut courte et douce. La réconciliation ne rendit pas instantanément tout comme avant, mais elle posa une pierre de chemin restaurée. Mira vit alors la force de petites attentions : un mot rendu avec prudence peut ouvrir une porte sur la réparation, sans prétendre résoudre tout le passé.

En observant les frères, elle réalisa que la guérison prenait souvent la forme d’un geste humble plutôt que d’une grande proclamation. Jonah, fidèle à son esprit pratique, proposa d’accompagner la réparation par des actions régulières : des visites, des petits services, des mots répétés jusqu’à ce qu’ils deviennent vrais.

— Les mots sont un début, dit-il. Mais il faut les incarner, les faire vivre par la suite, sinon ils restent des pétales qui fanent.

Mme Lenoir confirma ce raisonnement avec un sourire tendre.

— C’est là que l’écoute prend toute sa place, dit-elle. Elle transforme le mot en présence durable.

En rentrant au jardin, Mira cueillit une petite fleur turquoise au parfum d’enfance. Elle pensa à la vérité qu’elle gardait encore pour protéger un être cher. Son choix de silence lui pesait moins désormais : elle comprenait que la parole devait être entourée d’attentions véritables, comme un jardinier entoure une plante fragile.

Cette nuit-là, alors que la lune filtrait à travers le lierre, Mira écrivit dans son carnet : un mot accompagné d’un geste vaut mieux qu’un mot dit par inadvertance. Elle sut que sa mission ne consistait pas seulement à ramener les mots, mais à apprendre à les tenir, à les soutenir par des actes tendres et constants.

Le Doute et la Tension

Le Doute et la Tension

Comme l’automne avançait, les ciels devenaient plus bas et les questions montaient. Mira sentit la responsabilité peser davantage. Une rumeur commença à courir au village : des paroles anciennes revenaient et changeaient des vies. Certains accueillaient ces mots comme des miracles, d’autres murmuraient qu’il valait mieux oublier. Cette tension arriva aux oreilles des enfants et fit naître un doute : avaient-ils le droit d’agir ainsi sans consentement explicite ?

— Peut-on imposer une parole pour soi-disant réparer ? demanda un voisin méfiant en croisant Mira. Et si on se trompe, qui paiera la casse ?

La critique était cruelle mais humaine. Mira comprit que le secret du jardin ne pouvait plus rester tout entier dans l’ombre. Mme Lenoir proposa une assemblée discrète, un lieu où l’on expliquerait la nature du jardin sans révéler sa localisation, afin de préparer la communauté au bienfait et au risque des mots rendus.

La réunion fut empreinte de sérieux. Les visages parlaient de peur mais aussi d’attente. Plusieurs racontèrent des blessures anciennes qui, si elles n’avaient jamais reçu les mots justes, avaient pour autant façonné des vies entières.

Jonah prit la parole avec cette franchise qu’on lui reconnaissait.

— Nous ne prêchons pas une intervention systématique, dit-il. Nous voulons travailler avec vous, écouter et décider ensemble. Les mots ne guérissent bien que s’ils sont accueillis et accompagnés.

Les opinions demeurèrent partagées, mais un dialogue commença. Mira sentit grandir en elle la nécessité d’une éthique : le droit de parole devait se conjuguer avec le respect du libre choix et de la préparation. Elle proposa de créer des moments d’écoute préalable, où les personnes seraient entendues avant que quiconque n’apporte une parole retrouvée.

Ce fut un tournant. Les notables du village acceptèrent à contrecœur, et Mira, épaulée par Jonah et Mme Lenoir, mit en place ces rencontres d’écoute. Elle comprit que la puissance des mots n’autorisait pas la précipitation : il fallait aussi instruire les cœurs à recevoir, établir des filets de soutien.

En rentrant, le Gardien des Verbena lui offrit une fleur aux tons indigo, symbole d’équilibre. Mira la garda près de son lit comme un rappel : la parole est un acte social, elle réclame consentement, préparation et solidarité. Ainsi, la confiance commença à se tisser, fragile mais sincère.

L’Épreuve du Gardien

L'Épreuve du Gardien

Le Gardien des Verbena n’était pas seulement spectateur ; il testait parfois la sincérité de ceux qui venaient cueillir. Un matin, lorsque Mira approcha d’une fleur pour en recueillir le mot qui pourrait dénouer une jalousie ancienne, la silhouette de pages se fit plus dense et serra l’air d’une consigne sévère.

— Avant de porter ce mot, dit le Gardien, tu dois prouver que tu comprends l’usage de la parole. Montre-moi que tu peux écouter sans juger, que tu peux offrir le mot comme une main tendue et non comme un verdict.

Mira se sentit défiée, non par la peur, mais par l’exigence de justesse. Elle fit face à une série d’épreuves discrètes : écouter une vieille dame raconter l’histoire de sa vie sans l’interrompre, accompagner un garçon à qui l’on refusait l’accès à une petite fête, tenir la parole promise à quelqu’un sans rechercher la gloire.

À chaque fois, elle échoua parfois, réussit souvent, et apprit toujours. Jonah la soutint, la recadrait avec humour, mais surtout il la suivit dans ces gestes modestes qui forgent le cœur. Le Gardien observait, frémissant de pollen, comme un livre qui note silencieusement.

La dernière épreuve fut la plus difficile : accepter de ne pas rendre un mot que l’on désirait rendre, parce qu’il protégeait un secret qui ne pouvait éclore sans un filet solide autour. Mira sentit sa volonté trembler. Ne pas parler, alors qu’on tient la clé, semblait une faiblesse. Mais elle se souvint des visages, des chambres calmes, des visites préparées.

— Tu as appris, dit enfin la voix qui bruissait comme des pages. La sagesse n’est pas la même chose que le courage immédiat. Savoir renoncer, voilà une forme plus haute de bravoure.

Le Gardien se dissipa en une pluie légère de papier. Il laissa sur la pierre une fleur dont le cœur était d’un violet profond, signe d’acceptation. Mira la cueillit avec respect. Elle comprit que la maîtrise de la parole exigeait aussi des renoncements, et que le silence pouvait être un cocon moral protecteur.

En quittant le jardin ce jour-là, elle se sentit plus légère et plus lourde à la fois : chargée d’une responsabilité assumée et soutenue par la conscience que dire ou taire sont deux arts indissociables.

La Vérité Prononcée

La Vérité Prononcée

Après tant de préparations, le moment arriva où la vérité qu’elle portait devait être partagée. Mira avait pesé le temps, préparé les cœurs, tissé des filets d’écoute. Le jour choisi, elle se tint face à la personne concernée, entourée de ceux qui pouvaient soutenir la chute du mot. Sa main trembla légèrement mais sa voix fut claire et douce.

— Je dois te dire quelque chose, commença-t-elle, chaque syllabe pesée comme un présent. Il y a une vérité que j’ai trouvée et que je tiens par respect pour toi et pour ceux qui t’entourent.

La vérité émergea alors, précise et pure, mais accompagnée d’une atmosphère de soin. Au lieu d’une explosion, une conversation commença, balancée, parfois douloureuse, mais tenue dans l’écoute. Les visages autour offraient des pauses, des espaces pour digérer, des mains prêtes à soutenir.

La personne n’était pas brisée. Elle vacilla, puis trouva des racines nouvelles où poser ses pas. Dire la vérité n’avait pas résolu toutes les blessures, mais elle permit d’avancer d’une manière qui aurait été impossible dans le mensonge. Mira sut alors que son choix avait été juste parce qu’il avait été mûri et entouré.

Après, des mots vinrent, non pas pour corriger, mais pour panser : des aveux, des demandes de pardon, des projets pour réparer. Le village, peu à peu, vit comment une vérité dite avec prudence pouvait ouvrir des chemins de réparation plutôt que des gouffres.

Ce soir-là, la fleur de vérité, vidée de sa tension, se pencha en signe de repos. Le Gardien, satisfait, laissa flotter une pluie de pages comme un doux rideau. Mme Lenoir prit Mira dans ses mains, non comme une enfant naïve mais comme une personne ayant appris le prix des mots.

— Tu as trouvé le juste mot, dit-elle. Et tu l’as posé avec soin. Les mots ne sauvent pas tout, mais ils peuvent rendre le monde plus habitable.

Mira retira sa loupe et la tint contre son cœur. Elle comprit que dire la vérité n’était pas un acte de bravoure isolé, mais une continuité d’attentions, d’accompagnements et de soins. Le jardin, ce soir-là, semblait respirer en harmonie avec elle.

Le Jardin des Mots et le Cœur Réparé

Le Jardin des Mots et le Cœur Réparé

Les saisons continuèrent leur lent ballet. Le jardin demeura caché aux regards indifférents, mais ouvert aux cœurs prêts à écouter. Mira, désormais plus assurée, continuait de cueillir avec prudence et tendresse. Jonah, fidèle compagnon, traçait des petits plans pour aider à l’accueil des mots dans la vie quotidienne. Mme Lenoir veillait, gardienne discrète d’une sagesse ancienne. Le Gardien des Verbena, quant à lui, semblait apaisé ; ses pages volaient maintenant plus doucement, comme un livre qui sourit.

Les restitutions avaient dessiné des chemins : des réconciliations timides, des aveux qui avaient permis des réparations, des silences choisis qui avaient préservé des fragilités. Le village apprit à écouter davantage, à préparer l’entourage avant d’offrir la parole retrouvée. L’acte de dire s’accompagnait d’un accompagnement. Les mots, rendus avec douceur, transformaient peu à peu les blessures en histoire partagée.

Mira se promenait souvent au crépuscule le long du mur de la bibliothèque. Elle repensait aux premières fois, aux doutes, aux épreuves du Gardien. Son carnet était rempli d’histoires et de leçons. Elle avait appris que la parole juste ne s’improvise pas : elle se prépare, se pose et se soutient.

Un jour, elle trouva une fleur claire, qui portait un mot simple : merci. Elle sourit et pensa à tous ceux qui lui avaient appris l’écoute, à Jonah pour son courage contagieux, à Mme Lenoir pour sa patience et à l’être de pages qui leur avait enseigné la mesure. Cueillir ce merci fut comme recevoir à son tour une leçon achevée.

— Tu as grandi, dit Mme Lenoir en lui passant une écharpe neuve, faite de marque-pages. Le village a changé, ajouta-t-elle, comme on recoud un village avec des fils de mots et de gestes.

Mira plaça la fleur merci près de la lucarne de la bibliothèque, et son parfum, minuscule et vif, sembla imprégner les rayons. Elle sut que l’aventure ne se terminait pas : le jardin continuerait d’exister tant qu’il y aurait des oreilles pour écouter et des mains pour rendre.

Avant de partir se coucher, elle regarda une dernière fois le portail minuscule. Jonah la rejoignit, les baskets dépareillées pleines de terre, un badge de pin neuf accroché à son sac.

— Nous avons fait ce qu’il fallait, dit-il simplement.

Mira répondit sans hésiter cette fois :

— Oui. Et nous continuerons, parce que les mots vivent quand on les aime et qu’on les partage.

Le jardin referma doucement ses corolles sous la lune. Dans la bibliothèque, les livres semblaient humer l’air nouveau. Mira comprit enfin que parfois, retrouver le bon mot suffisait à réparer un cœur, et que l’écoute, plus que le mot seul, était le remède le plus précieux.

La morale, claire et douce, se posa comme une lettre glissée sous la porte : la parole est un don qu’il faut offrir avec respect, préparation et amour. Ainsi s’achevait un cycle, mais commençait une pratique : veiller aux mots pour veiller aux cœurs.

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Écrit par Sylvie Bs. de unpoeme.fr

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