Le Jardin des Serments Oubliés
Un jardin secret dort sous la lune rousse,
Ses grilles rouillées par les pleurs de l’automne,
Gardent un enfant dont l’âme frissonne.
Élias, son nom résonne en échos tristes,
Orphelin drapé de brumes persistantes,
Ses doigts effleurent les roses fanées,
Cherchant en leurs cœurs des vérités cachées.
Un soir de septembre où les vents se lassèrent,
Il trouva gravé sous un marbre glacé :
« Ici fut juré sous les astres anciens,
Un serment d’azur plus fort que le temps. »
L’enfant crut entendre une voix familière,
Celle d’une mère aux accents de lumière,
Promettant jadis, dans ce même jardin,
De l’attendre encore au seuil du matin.
Mais les ans voraces, tels des loups sans maîtres,
Avaient déchiré les fils de cet être.
Seul restait ce lieu, témoin silencieux,
Où chaque allée pleure un adieu sans yeux.
Élias chaque nuit, armé de courage,
Fouilla les buissons, les mousses sauvages,
Déchiffrant les mots que les pierres disaient,
Traquant l’ombre errante d’un amour perdu.
Un jour, il trouva près d’une source tarie,
Un coffret noirci par les pluies de la vie.
À l’intérieur, un parchemin fragile,
Révélait l’encre pâle d’un doux vertige :
« À l’enfant que j’aime au-delà des mondes,
Je laisse ces mots comme ultimes offrandes.
Notre serment pur, que j’ai dû briser,
Était un rempart contre mon trépas.
Quand la maladie emporta mon souffle,
Je voulus cacher l’adieu qui m’étouffle.
Pardonne, ô mon sang, ce mensonge amer :
Je t’attends toujours… au jardin de l’hiver. »
Le garçon trembla, sa prunelle noyée,
Dans les syllabes d’une mère envolée.
Le jardin entier semblait retenir son haleine,
Tandis qu’il criait vers la nuit sereine :
« Pourquoi m’avoir fait croire en ces racines,
Si votre amour fut semence assassine ?
J’ai cultivé l’espoir comme un lys fatal,
Et me voici seul — fruit d’un idéal ! »
Les roses alors, d’un rouge plus sombre,
Ouvrirent leurs bras en un lent décombre,
Et le vent porta des murmures anciens :
« L’éternité ment, seul l’instant est lien. »
Élias comprit, sous les cieux moroses,
Que les serments d’or ne sont que chrysalides,
Des promesses vaines que le destin ride,
Illusions d’amour en poussière d’étoiles.
Il s’allongea près du coffret morose,
Ses boucles mêlées aux herbes fébriles,
Et ferma les yeux dans un dernier songe,
Où sa mère en blanc dansait sans mensonge.
Le jardin secret, sentinelle obscure,
Enveloppa l’enfant d’une étreinte mature,
Les ronces grandirent, les lierres enlacèrent,
Son corps diaphane que les astres pleurèrent.
Au matin, il ne resta qu’une tombe verte,
Où deux noms jumeaux sous la mousse offerte,
Disent à jamais que les vœux humains
Sont des fleurs sans racine aux parfums incertains.
Et lorsque la lune, complice des ombres,
Effleure les lys devenus spectres sombres,
On entend gémir, dans le vent qui se tait,
L’écho d’un amour qui jamais ne naît.
« `