Le Sanglot des Étoiles Éteintes
Berçaient l’écho lointain des légendes fanées,
Un voyageur, épris d’amour et de douleurs,
Franchit l’antre sacré des ombres condamnées.
Son manteau, lourd de nuit et de poussière ancienne,
Traînait sur les degrés que la lune irisait,
Tandis qu’au fond des cieux, morne et musicienne,
Une harpe d’argent vers les tombes jouait.
Le temple se dressait, spectre aux colonnes pâles,
Où le silence avait tissé son linceul noir ;
Les murs, creusés par l’âge en de secrètes stèles,
Gardaient le souffle éteint des oracles du soir.
L’homme, le cœur meurtri par un serment sublime,
Cherchait l’énigme d’or que les dieux ont scellée :
« Ô vérité, dit-il, ô toi que je victimе
Pour sauver son regard qui m’a tant consoléе ! »
Soudain, un frisson glace l’air compact et sourd,
Les lampes de jadis s’allument, vagabondes ;
Une voix, née du marbre et du vent qui se lourd,
Murmure : « Quel mortel trouble ici nos profondeurs ?
— Je suis l’amant qui porte, en sa poitrine ardente,
Le deuil d’un sourire éclipsé par le destin.
Je viens offrir mon sang, ma chair, mon âme errante,
Pour que renaisse l’aube en son cœur incertain.
— Sais-tu donc le prix dont se paie la lumière ?
L’épée de l’absolu tranche les illusions.
Celui qui boira l’ombre et verra la matière
Doit, pour l’éternité, dormir sous les vallons.
— Qu’importe ! Si ses yeux, pareils aux mers profondes,
Retrouvent le reflet des matins oubliés,
Prenez mon dernier souffle, arrachez mes entrailles :
Que l’infini l’embrasse en mes membres liés ! »
Alors, l’esprit du lieu, drapé de brumes bleues,
Déroula le parchemin des siècles défunts :
« Voici la coupe d’or où les larmes des dieux
Ont mêlé leur poison à l’espoir des défunts.
Bois ce philtre d’horreur et de grâce mêlées,
Et tu verras jaillir la clarté sans pardon ;
Mais ton corps se changera en cendres ailées,
Et ton nom s’effacera du livre des pardons. »
Le voyageur saisit le calice de fièvre,
Dont les flots ténébreux miroitaient de sang froid.
Il but, et dans son sang courut un feu de lèvre
Qui lécha les remparts de l’antique effroi.
Vision ! L’univers, comme un livre qu’on plie,
Dévoila ses arcanes en un cri strident :
Les astres n’étaient rien que des larmes vieillies,
L’amour, un mot gravé sur de l’eau par le vent.
Il vit sa bien-aimée, en robe de mystère,
Marcher au bord d’un lac où pleuraient les bouleaux ;
Elle appelait son nom dans la nuit solitaire,
Ignorant qu’il mourait pour elle, là, plus haut.
« Reviens ! criait son âme aux étoiles muettes,
Reviens, car sans ton souffle, l’aube est un leurre froid !
— Adieu, murmura-t-il, adieu, chère silhouette,
Je meurs pour que tu saches ce que vivre veut dire. »
Le temple alors frémit, des fissures au dôme
Laissant choir des rubis et des larmes de plomb ;
L’homme, déjà fantôme, entendit le syndrome
Des siècles écroulés en un ultime son.
Sa main tendue vers l’ombre où dansait la souffrance
Se dissout en poussière au seuil de l’inconnu ;
Son cœur, dernier fragment d’une vaine espérance,
Roula comme un fruit mûr dans les jardins défunts.
Et celle pour qui l’ombre avait bu tant de fièvres,
Errant toujours au bord du lac aux flots menteurs,
Croyait voir une étoile, en l’infini des lèvres,
Scintiller d’un éclat plus triste que les pleurs.
Le temple n’est plus qu’une ruine qui songe,
Où le vent chante encore l’hymne du sacrifice ;
Mais nul ne saura jamais, sous la lune qui plonge,
Que la vérité vraie est un cruel supplice.
Seul demeure, inscrit dans le marbre qui se fane,
Un versant de douleur où l’écho a pleuré :
« L’amour est ce combat où l’âme, diaphane,
Se brise en mille feux pour un regard sacré. »
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